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Présidentielle 2020 : Cellou Dalein Diallo n’est pas le perdant

(Editorial du 12 Novembre 2020) D’après les résultats de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Alpha Condé est vainqueur de l’élection présidentielle du 18 octobre, loin devant ses onze adversaires, avec le score de 59,49%. Alors que beaucoup misaient sur une réduction de ce score au niveau de la cour constitutionnelle saisie d’au moins quatre requêtes contestant les résultats provisoires, pas sans marquer au rouge plusieurs anomalies; alors que même le président du CNOCS, la main sur le palpitant, a rendu un rapport selon lequel le score du gagnant au premier tour devait tourner autour de 52%, la Cour constitutionnelle a surpris tout le monde. L’instance a rendu un résultat définitif à la lecture duquel on voit plutôt le score du candidat du RPG augmenter de 0,1%, passant ainsi dès le premier tour avec 59,50% des suffrages valablement exprimés.

Puisque l’arrêt de la cour constitutionnelle s’impose en principe à tout républicain, qu’on ne peut recommander que d’être et de rester républicain, on est condamné à se soumette à ce résultat.

Mais est-ce seulement une défaite de Cellou Dalein Diallo, resté le cheval sur lequel beaucoup misent pour l’alternance ? Certainement non ! C’est aussi l’échec d’un peuple qui semble renoncer. Le peuple de Guinée qui ne parvient pas ainsi à imposer une ligne rouge à son élite.

En accomplissant en 2010 le pari de l’organisation d’une élection présidentielle inclusive et jugée démocratique, le peuple du 28 septembre 1958 faisait tomber ainsi un verrou dans son processus de démocratisation. Un processus dont le défi suivant était celui d’imposer la limitation d’un nombre de mandats. Comment comprendre que le peuple de Guinée de 1958, avec moins 10 intellectuels, puisse reprendre son indépendance en battant la France à partir des lois même du colon et que 60 ans après, avec autant d’intellectuels, autant d’ouvertures vers le monde extérieur, nous ne puissions pas imposer le respect de l’alternance.

La constitution a été changée et validée pour permettre un troisième mandat, on est entré dans une quatrième République alors qu’on n’avait même pas encore fini de mettre en place toutes les institutions prévues pour la troisième. La candidature du chef de l’Etat sortant a été validée par la Cour constitutionnelle pour un troisième mandat et il a remporté dès le premier tour selon la CENI et la Cour constitutionnelle. Félicitations à Alpha Condé! Ceux qui composent la Cour constitutionnelle, les membres de la CENI, ceux qui ont voté, les intellectuels qui ont trouvé des arguments juridiques pour rendre tout ceci faisable, sont pourtant tous des citoyens guinéens.

L’échec du 18 octobre, peut-être perçue comme une mésaventure de Dalein qui n’est pas parvenu à accéder au pouvoir par la voix des urnes. Mais en réalité, le plus important d’ailleurs, c’est qu’il s’agit d’un échec cuisant du peuple de Guinée à pouvoir faire tomber le mythe de la longévité au pouvoir par la voie des urnes, à imposer l’alternance comme principe démocratique de mise et à montrer que nous sommes attachés à des valeurs sur lesquelles nous sommes intraitables.

La lutte de Dalein pour accéder au fauteuil présidentiel est essentiellement politique puisque le premier objectif des partis politiques est la conquête et l’exercice du pouvoir. Par contre, l’engagement à offrir l’alternance est d’abord un acte citoyen puisque la citoyenneté implique que chacun une sentinelle des valeurs démocratiques.

Nous avons fait plus de cinquante ans avant d’obtenir des élections démocratiques en 2010. Après la défaite de 2020, peut-être que nous sommes condamnés à faire plus de 50 ans aussi pour parvenir à bannir la présidence à vie.

Thierno Amadou M’Bonet Camara (Rescapé N°4)

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