En parlant d’indépendance de la justice dans le traitement des dossiers des détenus politiques et d’opinion, Tibou Kamara se moque visiblement des magistrats. En leur âme et conscience, ces derniers savent qu’ils ne sont pas et n’ont jamais été libres dans le traitement de ces dossiers.
L’une des preuves les plus éloquentes de l’assujettissement des magistrats au pouvoir exécutif est la multiplicité des communications d’un porte-parole de gouvernement sur un dossier pendant devant la justice. Dans les pays respectueux de la séparation des pouvoirs, on ne peut pas voir un ministre fut-il le porte-parole d’un gouvernement se prononcer autant sur des questions qui relèvent de la justice.
Autre preuve de l’absence totale d’indépendance des juges dans la conduite de ces procédures, c’est au dictateur Alpha Condé que tout le monde demande la libération des détenus politiques. Malheureusement, cela ne gêne ni le régime Alpha Condé ni les magistrats eux-mêmes. Cela signifie tout simplement que les magistrats n’ont aucune maîtrise de ces procédures. Tout leur est imposé, tout leur est dicté. L’absence d’indépendance de la justice est allée si loin dans l’examen de ces dossiers que c’est un magistrat de l’administration centrale du ministère de la Justice, donc soumis au garde des sceaux, qui s’est arrogé le droit de mettre en liberté des détenus, sur instruction de qui on sait.
Si Alpha Condé se souciait de l’indépendance de la justice, il n’allait même pas donner l’impression qu’il a la mainmise sur un dossier judiciaire même si l’on est conscient des pressions qu’il exerce sur les magistrats en n’hésitant même pas à les appeler directement au téléphone quelquefois, selon des témoignages anonymes des concernés eux-mêmes. Mais que le monde entier réalise qu’en Guinée, c’est Alpha Condé qui téléguide la justice, l’indiffère totalement.
Certains dictateurs affirment de manière hypocrite qu’ils ne s’immiscent pas dans les affaires judiciaires, même si une telle affirmation est totalement fausse. Mais Alpha Condé quant à lui et son entourage ne se gênent pas que tout le monde constate qu’ils ont asservi, assujetti, inféodé, domestiqué, avili la justice.
Au fond, ce sont les magistrats en charge de ces dossiers qui n’ont pas été à la hauteur de la mission attendue d’un magistrat. En clair, ils n’ont pas été responsables. C’est pourquoi, chacun attribue aujourd’hui la libération de certains détenus aux démarches qu’il a effectuées auprès de Alpha Condé. Chacun considère que cette libération est le fruit de ses démarches. Les magistrats ont failli à leur mission ; ils ont trahi leur serment.
Le discours de Tibou Kamara n’y change absolument rien.
SEKOU KOUNDOUNO
RESPONSABLE DES STRATEGIES ET PLANIFICATION DU FNDC