Quelques heures après la lecture, par le ministre secrétaire général à la présidence, du décret accordant une grâce présidentielle à l’ancien président de la transition, le capitaine Moussa Dadis Camara, reconnu coupable de crimes contre l’humanité et condamné à 20 ans de prison par le tribunal criminel de Dixinn lors du procès des événements du 28 septembre 2009, Maître Alpha Amadou DS Bah, président de l’OGDH, déplore le comportement des autorités. Selon lui, cette affaire est toujours pendante devant la Cour d’appel de Conakry.
« Je ne suis pas surpris, puisque depuis le début de cette affaire, depuis l’ouverture du procès, nous vivons sous la hantise d’un décret. Nous savions tous qu’à un moment donné, d’une façon ou d’une autre, une solution politique allait être envisagée pour résoudre ce problème au détriment des victimes. Et c’est exactement ce qui s’est produit. Je pense que depuis le départ, ce plan était déjà en place au sein du CNRD. L’objectif était qu’après le procès, une grâce soit accordée », a-t-il déclaré, avant de dénoncer le fait que ce décret de grâce soit intervenu seulement 48 heures après celui portant sur l’indemnisation des victimes.
« Ce qui nous déçoit particulièrement, c’est que seulement 48 heures après le décret concernant l’indemnisation des victimes, un autre décret vient saper tous les efforts consentis pendant plus d’une décennie pour rendre notre justice effective et indépendante. Aujourd’hui, c’est un véritable camouflet pour la justice guinéenne, car nous espérions que ce procès servirait de jurisprudence pour lutter durablement contre l’impunité. Mais visiblement, des considérations politiques ont primé. Nous nous retrouvons face à une situation qui favorise l’impunité, car un individu condamné pour crimes contre l’humanité vient d’être gracié », a-t-il souligné.
Plus loin, l’avocat estime que « l’on est en train de vider ce procès de toute sa substance parce que cette affaire est pendante devant la Cour d’appel. Avant même que cette juridiction ne se prononce, un décret est pris. Je ne vois donc plus l’utilité de poursuivre la procédure en appel, puisque si le principal accusé est gracié, il ne s’agit plus que d’une question de temps pour les autres ».
Il poursuit : « Nous estimons que lorsqu’un dossier est en appel, la première condition pour qu’une grâce soit accordée est que la décision soit définitive. Or, la présence d’un appel signifie que cette décision ne l’est pas encore. Certains avancent qu’il y a eu désistement, mais il est important de rappeler que lorsqu’un appel est engagé, seule la Cour d’appel peut se prononcer et constater un éventuel désistement », a-t-il précisé.
Concernant les mesures à entreprendre, Me Alpha DS Bah martèle.
« Pour le moment, nous n’envisageons pas d’action concrète, mais à long terme, nous réfléchissons à toutes les possibilités. Les crimes relevant toujours de la compétence de la CPI, nous pensons qu’il existe encore des recours. Pour l’instant, nous continuons d’étudier les différentes options offertes par la loi, les traités internationaux et les juridictions compétentes. Nous attendons de voir quelle serait la meilleure approche », a-t-il promis.
Il convient de rappeler que cette grâce présidentielle en faveur de l’ancien président de la transition, le capitaine Moussa Dadis Camara, est intervenue seulement 48 heures après la prise en charge par l’État de l’indemnisation des victimes.
Aliou Diaguissa Sow
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