Devant la chambre des appels de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), pour son procès en appel ce jeudi 17 avril 2025, l’ex-président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro, condamné à de lourdes peines par la chambre de jugement de ladite cour pour « détournement de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux, corruption dans le secteur public et privé, prise illégale d’intérêts et complicité », a été appelé par le juge Daye Mara à expliquer ce qui a été la base de son renvoi devant la CRIEF.
Dans sa communication, l’ex-président de la 9e législature raconte. « Lounceny Camara était le président de la commission d’infrastructure. Je lui ai remis le premier chèque de 900 millions pour aller payer à l’entreprise de monsieur Kim. Mais lui, il est dans sa tour jumelle ici. Je lui ai dit qu’il pouvait aller là-bas pour lui remettre le chèque pour son entreprise. Il aurait demandé de l’argent à monsieur Kim. Monsieur Kim m’a appelé : Monsieur Camara, je vous ai dit que je ne veux pas de ce marché, je ne gagne rien. Mais voilà que votre envoyé me demande de l’argent. Je lui ai dit : Ne donne rien. Si tu donnes quoi que ce soit, c’est à titre personnel. On ne t’a pas demandé de commission », dit-il avant de poursuivre.
« Une semaine, deux semaines après, j’ai donné les 900 autres millions pour aller les remettre à monsieur Kim. Monsieur Kim lui aurait donné 20 millions de francs guinéens, parce qu’il (feu Lounceny Camara) devait aller à Macenta. Quand il me l’a fait savoir, il m’a dit en ces termes : Monsieur Camara, je sais que vous allez le prendre mal. Je préfère vous le dire, j’ai donné 20 millions à Lounceny. Je n’étais pas content. J’ai dissous la commission. C’était ma façon de le sanctionner », martèle-t-il, avant de rappeler que feu Lounceny Camara avait écrit au président pour l’en informer :
« Pas content, il a écrit au président d’alors, le professeur Alpha Condé, pour dire que j’ai dissous sa commission pour me partager les 15 milliards avec des amis. Le professeur a appelé certains membres du bureau et certains présidents de commission — il y en a même dans cette salle. Et c’est quand ces personnes sont arrivées dans son bureau qu’il m’a appelé pour dire : Monsieur Damaro, j’ai reçu une lettre, je suis obligé de prendre mes dispositions. J’ai dit : Prenez vos dispositions avec la dernière énergie. Il a donné la parole à Lounceny et Lounceny a expliqué. Le président a dit : Mais Lounceny, tu n’es pas sérieux ? L’argent que je n’ai même pas encore payé, comment peux-tu accuser Damaro de l’avoir détourné ? Il lui a jeté la lettre et a demandé à la commission de quitter son bureau. Aux invités également. Et d’aller régler ça dans le groupe parlementaire. Après, c’est le président lui-même qui m’a appelé pour me faire ce compte-rendu. Ils sont venus au groupe parlementaire, on a failli porter main sur Lounceny », raconte-t-il avant de poursuivre.
« Ensuite, dès le 5 septembre, Lounceny — je ne vais pas rentrer dans ce détail — relance l’affaire par une lettre anonyme, pour dire que les 15 milliards ont été détournés. Ils étaient tous dans une logique de vengeance. On nous a appelés. La personne a précisé : Attention, son véhicule suivait celui d’un patron de la gendarmerie. C’était un vendredi. Le lundi, j’ai reçu la convocation pour aller à la gendarmerie. Ça nous a pris trois semaines, je crois, d’enquête. Conclusion rapportée au commandant de la gendarmerie : Dans le dossier de l’honorable, il n’y a rien. Il a été recommandé : Allez donc à la maison. Laissez-le aller à la maison », a-t-il relaté.
Il poursuit. « Je suis resté à la maison pendant un bon moment. Après, ils m’ont appelé pour venir signer le PV que je n’avais pas pu signer à cause d’une coupure de courant. Je devais aller au champ, le 25 avril. Ils m’ont dit de venir le 27. Le 27, je suis donc venu. On a commencé effectivement à tirer le PV. Après trois pages, il y a eu encore une coupure. Nous sommes restés à attendre le courant. On me dit : Il y a du nouveau, on doit aller à la CRIEF. On m’a trimballé à la CRIEF le 27 à 11h30. On m’a fait asseoir sur une petite chaise, dans le couloir ici. De 11h30 à minuit trente, j’étais assis là pendant 13 heures, le mois de Carême, 2022. C’est à minuit trente qu’on me fait entrer dans une salle pour m’annoncer que l’audience est ouverte… Mais est-ce que vous avez au moins le rapport préliminaire, les enquêtes préliminaires de la gendarmerie ? Ils m’ont dit : Nous n’avons rien reçu, il n’y a que l’accusation du procureur spécial. Une longue liste d’accusations : des propriétés que j’ai, des mines, des comptes bancaires, etc. On m’a emmené à la maison centrale vers 1h du matin », dit-il, avant de faire remarquer .
« Donc, voilà le début de cette histoire, monsieur le président. Je suis ici sur dénonciation d’une lettre anonyme de feu Lounceny Camara qui a provoqué mon arrivée devant la CRIEF », affirme-t-il.
Aliou Diaguissa Sow
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