Ce mardi 22 avril 2025, la cour d’appel de Conakry a poursuivi l’examen du procès en appel du leader politique Aliou Bah, initialement condamné à deux ans de prison par le tribunal de première instance de Kaloum pour « offense et diffamation » à l’encontre du chef de l’État via un système informatique. Il s’agissait du quatrième jour d’audience, consacré à l’analyse des éléments de fond.
Plusieurs incidents ont marqué cette audience. D’abord, des femmes mobilisées pour assister au procès moyennant une prime de 30.000 FG se sont retirées de la salle, sans explication officielle. Ensuite, des accréditations diplomatiques ont été retirées au motif que les diplomates concernés devaient d’abord s’adresser au ministère des Affaires étrangères avant de pouvoir assister à cette étape du procès.
L’audience a débuté à 11 heures 55 minutes. À l’ouverture, le procureur général Fallou Doumbouya a informé la cour qu’il détenait des vidéos dans lesquelles le prévenu s’exprimait, vidéos qu’il souhaitait soumettre à l’examen de la cour.
En réponse, la défense a également sollicité la diffusion de vidéos contenant les témoignages de proches de victimes d’enlèvements et de kidnappings.
Dans un premier temps, quatre vidéos présentées par le procureur ont été visionnées. Elles montraient Aliou Bah appelant les religieux à se mobiliser face aux violations des droits humains, notamment les enlèvements et disparitions. Dans l’une de ces vidéos, il déclare : « On ne doit pas avoir peur des hommes et adorer Dieu », appelant les religieux à ne pas garder le silence. Dans une autre, il rappelle l’engagement initial du chef de l’État : « Le président a dit : ni moi, ni les membres du gouvernement, ni aucun membre du CNT ne sera candidat. »
Après le visionnage, Fallou Doumbouya a pris la parole pour interroger Aliou Bah : « Vous avez interpellé les religieux sur les cas de kidnapping. Qui en sont les auteurs ? Où avez-vous tenu ces propos ? Lors d’une conférence de presse ? »
Ce à quoi l’accusé a répondu : « J’attends de le savoir. J’ai tenu ces propos lors de l’assemblée générale de mon parti à Nongo, devant la presse. Et je considère que l’État porte une part de responsabilité dans ces enlèvements. »
La défense a ensuite obtenu l’autorisation de projeter trois vidéos de son propre chef : deux témoignages, ceux d’Aïcha Doukouré et de Mohamed, évoquant les enlèvements de Foniké Menguè et de Billo Bah, ainsi qu’un témoignage sur le kidnapping du journaliste Habib Marouane Camara. Tous affirment que les auteurs seraient des éléments des forces de défense et de sécurité, notamment des gendarmes, des membres des forces spéciales et des militaires du BATA.
L’un des avocats d’Aliou Bah, maître Alseny Samory Traoré, a demandé au prévenu : « Ces témoins mentionnent la présence des forces spéciales et de la gendarmerie. Ces corps sont-ils entretenus par l’État ? Et en quoi rapporter de tels témoignages constitue-t-il une infraction ? »
Aliou Bah a répondu : « Ces services relèvent de l’État. C’est au procureur de diligenter les enquêtes. Mais pour cela, je suis toujours logé. Je ne vois pas en quoi mes propos constituent une diffamation ou une offense. J’ai simplement exprimé des préoccupations. Notre rôle, c’est aussi de critiquer la gestion gouvernementale et de proposer des solutions. »
En réponse à une question de maître Ghallissa Hady Diallo portant sur le moment de ses déclarations, Aliou Bah a précisé : « Mes déclarations sont intervenues après les témoignages des proches des victimes. »
Après cet avocat, d’autres avocats du prévenu ont, à tour de rôle, pris la parole pour poser des questions à leur client. Néanmoins, certains se sont abstenus de le faire.
Après ces échanges, la présidente de la cour, Hadja Fatou Bangoura, a clos les débats et annoncé le début des plaidoiries et des réquisitions.
Il faut noter que, dans ses réquisitions, le procureur général a demandé à la cour de retenir Aliou Bah dans les liens de la prévention et de le condamner à cinq ans d’emprisonnement ferme.
Quant aux deux avocats du prévenu qui ont plaidé, ils ont sollicité de la cour l’infirmation de la décision de première instance dans toutes ses dispositions, estimant que les infractions reprochées à leur client ne sont pas constituées.
Il était alors 17 heures passées. En raison de la maladie de l’un des assesseurs de la présidente de la cour, l’affaire a été renvoyée à demain, mercredi 23 avril 2025, pour la suite des plaidoiries des avocats de la défense.
Compte rendu : Aliou Diaguissa Sow
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