Privés de locaux depuis fin mars, les juges du tribunal pour enfants sont contraints de cesser leurs activités, laissant des dizaines de mineurs en détention sans jugement. Une situation préoccupante dénoncée ce vendredi 25 avril 2025 par maître Mohamed Abou Camara, avocat à la Cour, au micro de certains journalistes. Il qualifie cet état de fait de « manque de considération » à l’égard de cette juridiction, car, dit-il, elle concerne des couches vulnérables.
Selon lui, le tribunal a été déplacé vers les locaux du tribunal ad hoc, dont les bureaux sont déjà occupés par d’autres magistrats, rendant le fonctionnement du tribunal pour enfants pratiquement impossible.

En début de déclaration, Me Abou Camara rappelle l’importance des mineurs dans la société avant de s’indigner :
« Aujourd’hui, pour ces enfants, la justice ne fonctionne pas. Elle ne travaille pas, simplement parce que les locaux n’existent pas. Nous sommes aujourd’hui dans la rue, les juges ne travaillent pas, les enfants sont en prison, et chaque jour, une dizaine de mineurs est placée en détention. Ceux qui sont déjà incarcérés, au lieu d’être jugés dans un délai raisonnable comme le prévoit la loi, restent en prison parce que l’État a demandé le départ du tribunal. C’est une situation regrettable dont on ne peut se taire. Il faut en parler pour qu’une solution soit trouvée. »
L’avocat précise que cette situation ne concerne pas uniquement le tribunal pour enfants : « Cet immeuble abritait aussi la direction des droits de l’homme », indique-t-il.
« C’est un manque de considération envers ce tribunal, parce qu’il traite des affaires concernant des mineurs, des personnes vulnérables. Et parce qu’ils sont vulnérables, on les néglige. On ne les considère pas. C’est extrêmement grave », alerte-t-il.
Pour confirmer ces faits, une source proche du tribunal, qui a souhaité garder l’anonymat, a accepté de témoigner en tant que citoyen. Selon elle, le tribunal a été délogé pour des raisons de rénovation du bâtiment.
« Ce que je peux dire, c’est que le motif évoqué pour le départ, c’était la rénovation. Le ministère de la Justice a décidé de nous reloger temporairement au tribunal ad hoc du 28 septembre, là où le capitaine Dadis a été jugé. Mais ce local est inadapté. Les bureaux sont insuffisants, il n’y a pas de salle d’audience propre comme avant. Et, comme vous le savez, la justice des mineurs est régie par le principe de confidentialité. Les enfants ne doivent pas être exposés aux regards du public. Ce lieu ne s’y prête pas. »
La même source reconnaît que l’État a le droit de récupérer ses biens, mais critique les conditions de ce délogement.
« Dans tous les pays du monde, le tribunal des enfants est l’un des plus sensibles. Il devrait être une priorité. L’État peut récupérer ses infrastructures, mais les conditions de notre départ n’étaient pas bonnes. Aujourd’hui, des enfants souffrent. Certaines procédures sont urgentes, comme des autorisations de sortie du territoire pour soins médicaux. D’autres viennent signaler des tentatives d’enlèvement parental. Et n’oublions pas la situation des enfants en détention à la maison centrale. Cela concerne tous les citoyens. Chacun peut s’exprimer, car tout le monde a des enfants, ou au moins des frères et sœurs. La protection de l’enfant est l’affaire de tous. »
Pour conclure, cette même source se veut rassurante et fait part d’un espoir :
« Il y a un officier de police très sensible à la cause des enfants, qui a pris des initiatives. Il a rencontré les autorités, écrit des courriers, et on lui a promis de trouver un local. Nous espérons que d’ici la semaine prochaine, une solution sera trouvée. Que ce soit grâce à ses démarches auprès de la présidence ou via notre ministère, ce n’est pas une affaire privée, mais une question d’intérêt national. »
Il termine en précisant qu’il y a environ un mois que plus aucune audience n’a été tenue au tribunal pour enfants.
Aliou Diaguissa Sow
Tél : 627 51 44 41