Création d’un Fonds Souverain en Guinée, quelle plus-value pour l’économie nationale ? (Par Abdoulaye GUIRASSY, Economiste-politologue)

Un fonds souverain est un instrument financier géré par un État ou une entité publique, il s’agit concrètement d’un fonds détenu par un gouvernement qui investit dans divers actifs (actions, obligations, immobilier, entreprises, etc.) dans le but de faire fructifier les réserves financières du pays.

Ces fonds sont généralement alimentés par des réserves financières provenant de :

  • L’extraction des ressources naturelles (pétrole, gaz, bauxite, fer etc…) ;
  • Des excédents budgétaires, de revenus commerciaux ou d’autres sources de revenus nationaux.

L’objectif principal de la mise en place d’un fonds souverain consiste à générer des rendements à long terme pour le pays, à constituer une épargne pour les générations futures surtout dans les pays dépendants des ressources naturelles et à stabiliser l’économie par l’atténuation des chocs économiques, notamment une chute brutale des prix.

Le schéma de financement d’un fonds souverain consiste à allouer une partie des fonds issues de :

  • L’exportation des matières premières (Norvège, Arabie Saoudite…) ;
  • L’excédent commercial des pays ayant une balance commerciale excédentaire (Chine, Singapour).

Les pays qui font le choix stratégique de créer ces fonds, se retrouvent généralement avec des réserves de change excessives détenues par les banques centrales. Outre les réserves de change, l’actif des fonds souverains est aussi composé des participations financières (actions, obligations, réserves foncières, métaux précieux et autres instruments financiers).

Les fonds souverains peuvent revêtir plusieurs formes telles que :

  • Fonds de stabilisation ;
  • Fonds d’épargne intergénérationnelle ;
  • Fonds de développement ;
  • Fonds de réserves.

Ils permettent aux pays de renforcer leurs influences en détenant des parts significatives dans des entreprises mondiales, c’est donc un outil de gestion de la richesse nationale combinant stratégie financière, vision à long terme avec parfois des bifurcations géopolitiques.

La création d’un fonds souverain exige des préalables tels que :  

  • L’élaboration d’une stratégie d’investissement aboutie ;
  • La rédaction des documents juridiques et réglementaires ;
  • La structuration du fonds ;
  •  Le recrutement de l’équipe dirigeante ;
  • La collecte des fonds ;
  • Le lancement officiel du fonds souverain.

La République de Guinée, dotée d’un potentiel minier hors du commun ambitionne sous l’impulsion des autorités du CNRD, avec l’appui du Cabinet Southbridge de créer un fonds souverain dans le cadre du Programme Simandou 2040.  Ce fonds sera probablement dénommé Fonds Souverain de Guinée (FSG).

A rappeler que depuis l’accession de notre pays à l’indépendance en 1958, tous les gouvernements successifs se sont intéressés au gisement de fer de Simandou, mais force est de reconnaitre que les avancées enregistrées sous l’ère CNRD, sont spectaculaires et sans commune mesure. La dynamique actuelle a induit une avancée majeure faisant ainsi passer du titanesque projet Simandou d’une simple idée de projet à un chantier en exécution, avec de multiples composantes (ferroviaires, portuaires, minières …).

La mise en place de ce fonds souverain aura le mérite non seulement de sécuriser les ressources issues de l’exploitation des mines de fer de Simandou, de diversifier notre économie, mais aussi de constituer un bas de laine pour la stabilité financière à long terme et un filet de sécurité financière pour les générations futures.

Par ce biais, le Gouvernement agira en bon père de famille suffisamment altruiste qui léguera à ses progénitures des héritages conséquents plutôt que des dettes excessives. A rappeler que le service de la dette occupe la première place dans la nomenclature budgétaire de notre pays dans son « titre1» et absorbe une part significative de nos ressources. De ce point de vue, le Fonds Souverain sera un levier stratégique à actionner pour garantir l’autonomie et le financement des programmes de développement de notre pays.

Pour rappel, le gisement de Simandou regorge plus de 8 milliards de tonnes de fer à teneur exceptionnelle avoisinant 70%. Les recettes estimées sont chiffrées à plus 2 milliards de dollars dès les cinq premières années d’exploitation selon le ministère en charge du Plan.

Cet accroissement exponentiel potentiel de nos ressources engendre des défis énormes au nombre desquels nous pouvons citer :

  • La capacité d’absorption des ressources ;
  • La gestion transparente des ressources ;
  • La diversification de l’économie ;
  • La dépendance excessive aux exportations des matières premières ;
  • La forte exposition aux chocs exogènes (volatilité des prix).

Pour relever efficacement ces défis, il sera utile que le futur fonds soit subdiviser en plusieurs sous fonds notamment :

  • Une caisse de stabilisation à l’image de la caisse de péréquation des matières premières en Côte d’Ivoire pour annihiler l’effet de volatilité des cours mondiaux de fer ;
  •  Un fonds dédié à la diversification de notre économie (70% de nos recettes sont issues de l’exportation de nos mines), en orientant prioritairement les investissements vers les secteurs de l’éducation, de l’agriculture, des industries industrialisantes, les infrastructures et celui de la santé ;
  • Un fonds des générations futures à l’image de celui de la Province du Québec au Canada, un tel fonds aura pour mérite la prise en compte des préoccupations futures de nos enfants et petits-enfants.

Pour se prévaloir de l’acceptabilité et de la reconnaissance des Institutions Internationales comme le FMI, il est essentiel que ce futur fonds respecte les conditions d’éligibilité des fonds souverains qui sont :

  • Être géré ou contrôlé par le gouvernement ;
  • Gérer les actifs dans une logique de long terme ;
  • Poursuivre une politique d’investissement visant des objectifs macroéconomiques (diversification du PIB, le lissage de l’activité ou encore l’épargne intergénérationnelle).

Afin de garantir la pérennité d’un tel dispositif, il est crucial de créer le fonds par la loi plutôt que par un décret, car le cadre juridique et règlementaire qui consacre la création d’un tel fonds, doit être le plus robuste et le plus tenace possible, de manière à résister à la tentation des humains et aux vicissitudes des temps. Ce cadre devra clairement prévoir des intangibilités et de dresser le portrait-robot des dirigeants dont la nomination ne doit souffrir d’aucune complaisance, de la qualité des dirigeants dépendra largement l’efficacité de la gouvernance des institutions.

Cependant, il est de notoriété publique que les fonds souverains investissent une part importante de leurs actifs dans les bourses des valeurs mobilières (40%), ce qui fait d’eux des acteurs clés des marchés financiers mondiaux.

Or, à date la Guinée ne dispose pas d’un marché financier en bonne et due forme où se négocierait les actions et les obligations. Dans cet ordre d’idée, la question légitime que l’on pourrait se poser, est de se questionner sur l’ordre de préséance entre la création d’un marché financier national et la mise en place d’un fonds souverain national. En claire sans marché financier opérationnel, le futur fonds sera privé de la couveuse permettant son accroissement post natal. La seule alternative qui s’offrirait au Fonds Souverain de Guinée est de s’affilier aux marchés financiers de certains pays de la sous-région, en attendant la mise en place urgente du nôtre.

De ce qui précède, il est opportun de saluer à sa juste mesure la vision globale et la dynamique en cours. Le projet et le Programme Simandou sont entrain de redonner espoir aux guinéens, nonobstant quelques scepticismes ambiants d’une frange de la population.

En tout état de cause, la volonté politique qui sous-tend la mise en place d’un Fonds Souverain national est une innovation majeure dans l’architecture économique de notre pays et augure des perspectives rassurantes dans la mise en œuvre des stratégies de développement à moyen et long terme de notre pays.

Abdoulaye GUIRASSY, titulaire d’un Master en Economie appliquée (Université de Limoges, France) et d’un Master en Science PO (Jean Moulin Lyon 3, France) ;

Membre correspondant de l’Académie des Sciences de Guinée ;

Chargé de cours d’économie monétaire et Président du Cercle de Réflexion et d’Analyse de la Conjoncture Economique (CRACE).

Création d’un Fonds Souverain en Guinée, quelle plus-value pour l’économie nationale ? (Par Abdoulaye GUIRASSY, Economiste-politologue)

Un fonds souverain est un instrument financier géré par un État ou une entité publique, il s’agit concrètement d’un fonds détenu par un gouvernement qui investit dans divers actifs (actions, obligations, immobilier, entreprises, etc.) dans le but de faire fructifier les réserves financières du pays.

Ces fonds sont généralement alimentés par des réserves financières provenant de :

  • L’extraction des ressources naturelles (pétrole, gaz, bauxite, fer etc…) ;
  • Des excédents budgétaires, de revenus commerciaux ou d’autres sources de revenus nationaux.

L’objectif principal de la mise en place d’un fonds souverain consiste à générer des rendements à long terme pour le pays, à constituer une épargne pour les générations futures surtout dans les pays dépendants des ressources naturelles et à stabiliser l’économie par l’atténuation des chocs économiques, notamment une chute brutale des prix.

Le schéma de financement d’un fonds souverain consiste à allouer une partie des fonds issues de :

  • L’exportation des matières premières (Norvège, Arabie Saoudite…) ;
  • L’excédent commercial des pays ayant une balance commerciale excédentaire (Chine, Singapour).

Les pays qui font le choix stratégique de créer ces fonds, se retrouvent généralement avec des réserves de change excessives détenues par les banques centrales. Outre les réserves de change, l’actif des fonds souverains est aussi composé des participations financières (actions, obligations, réserves foncières, métaux précieux et autres instruments financiers).

Les fonds souverains peuvent revêtir plusieurs formes telles que :

  • Fonds de stabilisation ;
  • Fonds d’épargne intergénérationnelle ;
  • Fonds de développement ;
  • Fonds de réserves.

Ils permettent aux pays de renforcer leurs influences en détenant des parts significatives dans des entreprises mondiales, c’est donc un outil de gestion de la richesse nationale combinant stratégie financière, vision à long terme avec parfois des bifurcations géopolitiques.

La création d’un fonds souverain exige des préalables tels que :  

  • L’élaboration d’une stratégie d’investissement aboutie ;
  • La rédaction des documents juridiques et réglementaires ;
  • La structuration du fonds ;
  •  Le recrutement de l’équipe dirigeante ;
  • La collecte des fonds ;
  • Le lancement officiel du fonds souverain.

La République de Guinée, dotée d’un potentiel minier hors du commun ambitionne sous l’impulsion des autorités du CNRD, avec l’appui du Cabinet Southbridge de créer un fonds souverain dans le cadre du Programme Simandou 2040.  Ce fonds sera probablement dénommé Fonds Souverain de Guinée (FSG).

A rappeler que depuis l’accession de notre pays à l’indépendance en 1958, tous les gouvernements successifs se sont intéressés au gisement de fer de Simandou, mais force est de reconnaitre que les avancées enregistrées sous l’ère CNRD, sont spectaculaires et sans commune mesure. La dynamique actuelle a induit une avancée majeure faisant ainsi passer du titanesque projet Simandou d’une simple idée de projet à un chantier en exécution, avec de multiples composantes (ferroviaires, portuaires, minières …).

La mise en place de ce fonds souverain aura le mérite non seulement de sécuriser les ressources issues de l’exploitation des mines de fer de Simandou, de diversifier notre économie, mais aussi de constituer un bas de laine pour la stabilité financière à long terme et un filet de sécurité financière pour les générations futures.

Par ce biais, le Gouvernement agira en bon père de famille suffisamment altruiste qui léguera à ses progénitures des héritages conséquents plutôt que des dettes excessives. A rappeler que le service de la dette occupe la première place dans la nomenclature budgétaire de notre pays dans son « titre1» et absorbe une part significative de nos ressources. De ce point de vue, le Fonds Souverain sera un levier stratégique à actionner pour garantir l’autonomie et le financement des programmes de développement de notre pays.

Pour rappel, le gisement de Simandou regorge plus de 8 milliards de tonnes de fer à teneur exceptionnelle avoisinant 70%. Les recettes estimées sont chiffrées à plus 2 milliards de dollars dès les cinq premières années d’exploitation selon le ministère en charge du Plan.

Cet accroissement exponentiel potentiel de nos ressources engendre des défis énormes au nombre desquels nous pouvons citer :

  • La capacité d’absorption des ressources ;
  • La gestion transparente des ressources ;
  • La diversification de l’économie ;
  • La dépendance excessive aux exportations des matières premières ;
  • La forte exposition aux chocs exogènes (volatilité des prix).

Pour relever efficacement ces défis, il sera utile que le futur fonds soit subdiviser en plusieurs sous fonds notamment :

  • Une caisse de stabilisation à l’image de la caisse de péréquation des matières premières en Côte d’Ivoire pour annihiler l’effet de volatilité des cours mondiaux de fer ;
  •  Un fonds dédié à la diversification de notre économie (70% de nos recettes sont issues de l’exportation de nos mines), en orientant prioritairement les investissements vers les secteurs de l’éducation, de l’agriculture, des industries industrialisantes, les infrastructures et celui de la santé ;
  • Un fonds des générations futures à l’image de celui de la Province du Québec au Canada, un tel fonds aura pour mérite la prise en compte des préoccupations futures de nos enfants et petits-enfants.

Pour se prévaloir de l’acceptabilité et de la reconnaissance des Institutions Internationales comme le FMI, il est essentiel que ce futur fonds respecte les conditions d’éligibilité des fonds souverains qui sont :

  • Être géré ou contrôlé par le gouvernement ;
  • Gérer les actifs dans une logique de long terme ;
  • Poursuivre une politique d’investissement visant des objectifs macroéconomiques (diversification du PIB, le lissage de l’activité ou encore l’épargne intergénérationnelle).

Afin de garantir la pérennité d’un tel dispositif, il est crucial de créer le fonds par la loi plutôt que par un décret, car le cadre juridique et règlementaire qui consacre la création d’un tel fonds, doit être le plus robuste et le plus tenace possible, de manière à résister à la tentation des humains et aux vicissitudes des temps. Ce cadre devra clairement prévoir des intangibilités et de dresser le portrait-robot des dirigeants dont la nomination ne doit souffrir d’aucune complaisance, de la qualité des dirigeants dépendra largement l’efficacité de la gouvernance des institutions.

Cependant, il est de notoriété publique que les fonds souverains investissent une part importante de leurs actifs dans les bourses des valeurs mobilières (40%), ce qui fait d’eux des acteurs clés des marchés financiers mondiaux.

Or, à date la Guinée ne dispose pas d’un marché financier en bonne et due forme où se négocierait les actions et les obligations. Dans cet ordre d’idée, la question légitime que l’on pourrait se poser, est de se questionner sur l’ordre de préséance entre la création d’un marché financier national et la mise en place d’un fonds souverain national. En claire sans marché financier opérationnel, le futur fonds sera privé de la couveuse permettant son accroissement post natal. La seule alternative qui s’offrirait au Fonds Souverain de Guinée est de s’affilier aux marchés financiers de certains pays de la sous-région, en attendant la mise en place urgente du nôtre.

De ce qui précède, il est opportun de saluer à sa juste mesure la vision globale et la dynamique en cours. Le projet et le Programme Simandou sont entrain de redonner espoir aux guinéens, nonobstant quelques scepticismes ambiants d’une frange de la population.

En tout état de cause, la volonté politique qui sous-tend la mise en place d’un Fonds Souverain national est une innovation majeure dans l’architecture économique de notre pays et augure des perspectives rassurantes dans la mise en œuvre des stratégies de développement à moyen et long terme de notre pays.

Abdoulaye GUIRASSY, titulaire d’un Master en Economie appliquée (Université de Limoges, France) et d’un Master en Science PO (Jean Moulin Lyon 3, France) ;

Membre correspondant de l’Académie des Sciences de Guinée ;

Chargé de cours d’économie monétaire et Président du Cercle de Réflexion et d’Analyse de la Conjoncture Economique (CRACE).

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