Le lundi 2 juin 2025, un tragique incident s’est produit à Dixinn Port 3, dans la banlieue de Conakry. Deux personnes ont perdu la vie par asphyxie après avoir tenté de secourir un jeune ouvrier tombé dans une fosse septique. Ce drame met en lumière les dangers extrêmes liés aux espaces confinés et révèle, une fois de plus, les graves lacunes du système national de prévention des risques professionnels.
Les dangers des gaz toxiques dans les fosses septiques
Les fosses septiques sont des espaces confinés où la décomposition de la matière organique produit des gaz dangereux comme le sulfure d’hydrogène (H₂S), le méthane (CH₄) et le dioxyde de carbone (CO₂). Le H₂S, en particulier, est un gaz mortel : incolore et très toxique, il peut causer une perte de conscience immédiate et entraîner la mort en quelques minutes, même à faible concentration.
L’intervention dans une fosse septique sans dispositif de protection respiratoire autonome expose les travailleurs à un risque d’asphyxie. En l’absence de détecteurs de gaz, de ventilation adéquate ou de procédure de sauvetage encadrée, les tentatives improvisées deviennent vite des pièges mortels. C’est exactement ce qui s’est produit à Dixinn Port 3.
Failles réglementaires et absence de culture de prévention
Ce drame tragique illustre le double problème structurel qui gangrène la gestion des risques en Guinée : l’insuffisance criante de textes réglementaires adaptés et le non-respect quasi systématique des rares dispositions existantes.
À ce jour, la Guinée ne dispose pas d’un cadre réglementaire spécifique et moderne sur la sécurité dans les espaces confinés ou dans les interventions liées à l’assainissement. Pourtant, des référentiels internationaux comme la norme NF EN 60079-29 (détection de gaz explosibles et toxiques) ou les directives de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) peuvent servir de base pour l’élaboration de lois nationales adaptées.
Même les obligations générales prévues par le Code du Travail guinéen — telles que la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs (article 223 et suivants) — restent largement inappliquées dans les faits. Aucune structure n’est aujourd’hui systématiquement tenue de former son personnel aux risques professionnels spécifiques, ni de soumettre ses équipements à une vérification réglementaire périodique.
Recommandations pour éviter de nouveaux drames
Pour prévenir ce type de catastrophe à l’avenir, il est indispensable d’agir sur plusieurs fronts :
- Légiférer rapidement : Produire un décret spécifique sur la sécurité dans les interventions d’assainissement et dans les espaces confinés.
- Renforcer les capacités des travailleurs : Généraliser la formation aux risques chimiques et à la manipulation des EPI (Équipements de Protection Individuelle).
- Créer une inspection spécialisée : Doter la Direction Générale du Travail ou la Direction Générale de la Protection Civile (ONPC) d’un corps d’inspecteurs compétents et indépendants.
- Imposer des audits de sécurité : Rendre obligatoire l’évaluation des risques dans les installations sensibles, notamment les fosses, cuves et canalisations.
Conclusion
Le drame de Dixinn Port 3 n’est pas un cas isolé : il incarne les défaillances structurelles de notre pays en matière de sécurité des personnes. Chaque mort évitable est un échec collectif. Il est temps que les décideurs publics prennent leurs responsabilités en dotant la Guinée d’un cadre normatif rigoureux et d’une culture du risque ancrée dans les réalités du terrain.
La vie des travailleurs guinéens mérite plus que des condoléances après chaque drame. Elle mérite une véritable politique de prévention, de formation, de protection et de justice.