La Guinée et le Mali sont deux pays voisins à la situation politique actuelle identique : tous les deux gouvernés par des régimes putschistes avec une forte emprise de l’unité la mieux équipée sur tous les autres corps de l’armée, les forces spéciales. L’autre similarité qui saute aux yeux, est sans doute la ligue des Colonels qui gouvernent ces deux Etats voisins. Pourquoi alors la CEDEAO reste intraitable sur le respect de la durée des transitions dans ces deux pays : élections en février au Mali et 6 mois pour la Guinée ?
Cependant, au-delà de ces aspects communs aux deux pays, les points de différences, ils en existent et c’est bien ceux-ci qui expliquent la démarche de la CEDEAO, l’institution sous-régionale.
Parmi eux, il y a tout d’abord le contexte sécuritaire. La situation au Mali est très préoccupante d’un point de vue sécuritaire. D’un côté, il y a les accords d’Alger qui souffrent d’application, ce qui aurait permis à l’Etat malien de recouvrer l’intégralité de son territoire et de marquer son retour au nord du pays (administration, services publics, etc.) ; de l’autre côté, la montée du terrorisme et la prééminence des groupes djihadistes qui commencent même à se substituer à l’Etat malien dans certaines localités du pays. En plus de ces deux cocktails bien plus inquiétants, s’y greffent les conflits communautaires entre agriculteurs et éleveurs. De l’avis des dirigeants de la CEDEAO, les autorités de transition maliennes sont beaucoup plus intéressées par la sauvegarde de leur pouvoir que de faire face aux vrais problèmes. C’est ça qui explique la dureté des dirigeants de la CEDEAO vis-à-vis du Mali. Le fait même pour les autorités maliennes de chercher à conclure un contrat avec les mercenaires russes de Vagner et l’organisation d’assises nationales préconisées par Choguel Maïga, passent pour une stratégie de prolongation de la transition. Ce qui est inacceptable aux yeux de la CEDEAO qui pense qu’il revient à un gouvernement normal (entendez par là un pouvoir civil issu d’élections) de s’occuper de la situation sécuritaire.
S’agissant de la Guinée, la réalité est encore plus nuancée. En effet, la Guinée ne souffre pas d’un problème sécuritaire tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. Pour les dirigeants de la CEDEAO, la crise guinéenne résulte de la volonté de l’ancien Président de la République déçu de s’offrir un troisième mandat, justification également des putschistes. En conséquence, la transition guinéenne n’a aucune raison de s’éterniser dans le temps. Pour la CEDEAO, Il n’y a pas lieu d’appliquer une solution à un problème qui n’existe pas ou qui n’existe plus. C’est la raison pour laquelle l’institution insiste sur la nécessité d’organiser les élections dans 6 mois maximum. Si hier le 3e mandat d’Alpha Condé était le nœud du problème, dès lors que cette donne n’est plus, pour la CEDEAO l’ordre constitutionnel normal devrait être rétabli rapidement à travers l’organisation d’élections libres.
C’est pourquoi la position de la CEDEAO sur la question de la durée de la transition guinéenne risque de ne pas fléchir. Et avec la volonté des autorités de Conakry de « nettoyer » le pays (excusez du peu le terme), ce qui aura pour conséquence une transition de longue durée, il y a fort à parier que l’on assistera dans les prochaines semaines à un bras de fer entre la CEDEAO et les putschistes guinéens.
Il faut se souvenir de la sortie il n’y a pas longtemps du Président du Niger Mohamed Bazoum, dans laquelle il invitait les autorités guinéennes à ne pas se lancer, selon ses propres termes, «dans des aventures fumeuses du type refondation de l’Etat». Et s’il y a bien une lecture partagée au sein de l’institution sous-régionale sur la situation en Guinée et au Mali, c’est que la rupture de l’ordre constitutionnel ne doit pas durer dans ces pays importants de l’espace CEDEAO.
Alexandre Naïny Bérété