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24 février 2024, deuxième anniversaire de l’invasion russe en Ukraine: interview avec l’Ambassadeur d’Ukraine en Guinée avec résidence à Dakar

«Après deux ans d’agression russe à grande échelle en Ukraine, nous retrouvons un second souffle». Ce samedi, 24 février 2024 marque le deuxième anniversaire de l’invasion russe en Ukraine, vingt-quatre (24) mois de destructions, de morts, d’entêtement russe, de résistance ukrainienne et de diplomatie de guerre. Ce conflit que Moscou a imposé à Kiev et aux ukrainiens il y  a maintenant deux longues années, a des répercussions partout notamment en Afrique et particulièrement en Guinée.  A l’occasion de ce second anniversaire, l’Ambassadeur d’Ukraine en Guinée avec résidence à Dakar, S.E. Monsieur Yurii PYVOVAROV, a bien accepté d’accorder une interview à la rédaction de Guinee114.com.

Lisez !

Guinee114.com: Monsieur l’Ambassadeur, il y a deux ans, le 24 février 2022, la Russie a lancé une invasion de l’Ukraine, votre pays. Depuis, dure une guerre condamnée par toutes les grandes organisations internationales notamment l’ONU. A date, quels bilans humain et économique pouvons-nous faire de cette invasion ?

S.E. Monsieur Yurii PYVOVAROV: Oui, le 24 février est une date triste pour nous. Deux ans d’une guerre terrible, brutale et sanglante menée à grande échelle par un pays terroriste appelé Russie.

Le dictateur Poutine, sénile et pathologiquement cruel, poursuit cette guerre, visant à détruire l’État et l’identité ukrainiens. Mais il n’y parvient pas et n’y parviendra jamais. C’est un axiome.

Ce criminel de guerre international, qui reçoit des armes de la Corée du Nord, de l’Iran et d’autres pays, compte affaiblir l’Ukraine et le monde civilisé démocratique dans sa confrontation avec le régime sanguinaire russe.

Oui, la situation est très difficile pour l’Ukraine aujourd’hui. Chaque jour, les terroristes russes continuent de bombarder des villes et des villages, de tuer des innocents, de détruire l’infrastructure énergétique de mon pays, d’enlever et de déporter des enfants ukrainiens, de piller les terres ukrainiennes et de zombifier la population ukrainienne dans les villes et villages temporairement occupés.

Je ne veux souhaiter à personne au monde ce que mon pays traverse en ce moment. Cette horreur est appelée «le monde russe». C’est tout simplement un démon de l’enfer qu’il faut détruire, effacer de la surface de la terre. Sinon, personne n’aura la paix.

Je vais vous dire honnêtement : en tant qu’homme, il m’est très difficile de m’abstenir de prononcer des mots durs et d’exprimer les émotions qui m’envahissent lorsque je vois les atrocités commises par les méchants russes en Ukraine, mais en tant que diplomate, je dois me retenir. Et je le fais au prix de grands efforts, croyez-moi.

Quelques chiffres : la peste russe a occupé 25 % de notre territoire (à propos, en 2023, les terroristes russes ont occupé 182 fois ( !) moins que pendant les quatre premiers mois de la guerre à grande échelle), 19 540 enfants ukrainiens ont été déplacés de force, 24 000 Ukrainiens ont été tués, 15 000 ont été portés disparus et 3 500 ont été capturés. Près de 5 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays.

Néanmoins, l’économie ukrainienne continue de croître : en 2023, l’inflation est passée de 26,6 % à 5,1 % (4,7 % en janvier 2024), les exportations de céréales et d’oléagineux sont restées inchangées à 6 millions de tonnes, et le taux de chômage en Ukraine est de 17 %.

L’Ukraine s’attend à recevoir 18 milliards d’euros de financement budgétaire de l’UE en 2024, dont 4,5 milliards d’euros en mars. Le PIB a augmenté de 6,5 % au quatrième trimestre 2023. On peut prévoir que le PIB de l’Ukraine devrait croître de 3,6 % en 2024 et de 5,8 % en 2025. Comme vous pouvez le constater, malgré cette guerre russe, nous essayons de survivre et nous nous rétablirons certainement. Et ce, principalement grâce à l’aide financière internationale. Je remercie donc nos partenaires.

En outre, nous parvenons chaque jour à détruire cet ennemi russe détesté. À la mi-février 2024, nous avons détruit 398 000 terroristes, 6 400 chars, 1 950 véhicules blindés de combat, 332 avions, 325 hélicoptères, 1 881 missiles de croisière, 7 260 drones, 25 navires et bateaux. C’est ainsi que nous combattons. Et nous continuerons jusqu’à ce que nous expulsions (ou détruisions complètement !) ces criminels de guerre russes de notre terre natale.

Les forces armées ukrainiennes et d’autres civils patriotes ukrainiens ont dressé une résistance. Globalement, à quoi a servi cette résistance ? 

Vous savez, les Ukrainiens sont historiquement une nation très attachée à la liberté. L’âme de résistance du peuple ukrainien est le résultat de plus d’un siècle de lutte contre les empires ottoman, austro-hongrois et soviétique et d’autres agresseurs étrangers. En outre, notre résistance à toute agression, notre lutte pour la liberté, notre capacité à être un véritable guerrier sont inscrites dans notre code génétique, dans notre sang.

Le Kremlin pensait que l’invasion du 24 février serait similaire à l’annexion de la Crimée en 2014. Il espérait que certains pans de la société ukrainienne accepteraient les envahisseurs. Ce fut une erreur fatale. Les défaites militaires démontrent que la Russie est prise au piège, et l’un des facteurs contribuant à cette embuscade est la détermination et la résilience du peuple ukrainien.

Aujourd’hui, les Ukrainiens ne se contentent pas de lutter contre l’agresseur russe, ils contribuent également au processus de construction de l’État, du niveau local au niveau national. Par conséquent, le processus actuel de création de notre nation est associé au renforcement de l’identité multinationale de l’Ukraine. Il est très important de comprendre cela.

Les Ukrainiens ne vont pas obéir aux envahisseurs. Mon pays se bat contre l’armée d’occupation russe non seulement pour son territoire, mais aussi pour la liberté. Les actions de nos forces armées, y compris celles de la population civile patriotique, déterminent si nous serons libres ou si nous deviendrons des esclaves. C’est, si l’on peut dire, notre choix civilisationnel.

Nous nous battons pour notre présent. Nous nous battons pour savoir où sera tracée la frontière. Entre la vie et l’esclavage.

Pourquoi, à votre avis, des volontaires de plus de 60 pays combattent-ils désormais aux côtés de l’Ukraine après une invasion russe à grande échelle ? Notamment dans les rangs de la Légion internationale. Parce qu’il s’agit des valeurs naturelles de liberté, de démocratie, de respect du droit international.

C’est quelque chose qui n’a pas existé, qui n’existe pas et qui n’existera jamais en Russie. Parce que c’est par définition un empire et un régime dictatorial. Il s’agit d’une maladie pathologique et chronique qui ne peut être guérie au stade actuel. Seule une intervention chirurgicale est nécessaire.

 Pendant que la Russie poursuit la guerre contre votre pays, avec le soutien de quelques pays alliés qui lui apportent même des armes, que pensez-vous du niveau de soutien des pays occidentaux à vos efforts de résistance ?

 Lorsque j’ai dit que la situation était extrêmement difficile pour nous sur le champ de bataille, je parlais de la grave pénurie de munitions et d’armes pour les forces armées ukrainiennes que nous connaissons aujourd’hui. Malheureusement, c’est une réalité.

Cependant, je voudrais exprimer ma profonde gratitude à tous les pays qui nous ont apporté une aide financière, humanitaire et militaire. Cela nous aide à survivre à la guerre contre les envahisseurs russes.

Mais je dois dire que cela ne nous suffit pas. Nous avons besoin de beaucoup plus. Ce n’est un secret pour personne que les criminels russes voient cela et en profitent pour augmenter leurs attaques et progresser un peu sur le champ de bataille.

Ils ont maintenant lancé des dizaines de milliers de soldats et une énorme quantité d’équipements militaires sur la ligne de front à l’est et au sud pour percer notre ligne de défense et faire au moins un cadeau à Poutine sous la forme de territoires ukrainiens nouvellement capturés. Il est vrai qu’ils sont plus nombreux que nous et qu’ils n’ont aucune pitié pour leurs soldats, c’est-à-dire la  » chair à canon ». Nous tuons environ un millier de Russes par jour, mais ils sont aussi nombreux que des cafards.

C’est pourquoi nous avons besoin de beaucoup de munitions et d’armes. Nous espérons que les États-Unis débloqueront bientôt la question de l’assistance financière à l’Ukraine. Les États-Unis ont toujours été un leader en matière d’assistance militaire.

Nous nous réjouissons également de l’augmentation de la production de munitions dans les États membres de l’UE. Nous sommes reconnaissants à chaque pays partenaire européen pour son assistance et nous espérons en augmenter le volume.

Je peux dire qu’aujourd’hui, de plus en plus de pays occidentaux commencent à analyser la situation en Ukraine de manière plus réaliste. Ils comprennent qu’après l’Ukraine (que Dieu nous en préserve !), ce sera leur tour. Je parle de nos voisins européens les plus proches. Le scénario d’une guerre de la Russie contre l’OTAN est déjà envisagé. On peut en imaginer les conséquences.

Par conséquent, la meilleure façon de s’en sortir est de mobiliser toutes les ressources possibles du monde occidental libre et de casser les dents de cet agresseur russe vorace une fois pour toutes.

Permettez-moi de souligner : il n’est pas nécessaire de se battre pour nous. Nous avons seulement besoin d’armes. Suffisamment d’armes pour détruire ou expulser cette racaille russe de notre territoire souverain. Et le plus tôt sera le mieux et le plus sûr pour nous tous.

N’oublions pas que cet agent du KGB fou qu’est Poutine, s’arrêtera là où nous l’arrêterons. Nous sommes prêts à le faire, mais donnez-nous des armes.

A date, que demandez vous concrètement aux pays africains ?

Je demande aux pays africains, y compris à votre merveilleux pays, la Guinée, de se réveiller, d’enlever leurs lunettes roses et de regarder la situation de la manière la plus réaliste possible. Je ne vous demande pas de soutenir mon pays financièrement, humanitairement ou matériellement dans cette guerre russe. Non, nous n’en avons pas besoin.

Je souhaite seulement que nos partenaires africains comprennent objectivement les causes, le déroulement et, surtout, les conséquences de la guerre sanglante déclenchée par la Russie terroriste. Y compris pour le continent africain. Je pense tout d’abord à la crise alimentaire provoquée par le blocus des ports ukrainiens de la mer Noire par Moscou, d’où nous exportons des céréales ukrainiennes vers les pays les plus nécessiteux d’Afrique.

Les pays africains doivent savoir que des centaines de milliers de tonnes de blé ukrainien ont été volées par les occupants russes dans les territoires occupés du sud de l’Ukraine. Et c’est ce blé qui est exporté vers l’Afrique sous couvert de blé « russe ». Mais comme vous le savez, pour les Russes, « l’argent n’a pas d’odeur ».

Je veux que les pays africains cessent de croire aux traditionnels mensonges et manipulations des faits de la Russie. Nous devons toujours nous rappeler que « tout ce qui brille n’est pas de l’or ».

Je comprends qu’il n’est pas toujours facile de comprendre qui est qui. Mais ce qu’est la Russie, c’est facile à comprendre, surtout au vu des conflits militaires bien connus sur le continent africain, notamment en Libye, au Soudan, au Mali, au Burkina Faso, au Niger, etc.

Je souhaite vraiment que le temps vienne où les pays africains comprendront enfin l’essence naturelle de la Russie, qui est l’occupation, les coups d’État, la déstabilisation de la situation interne, le pillage des ressources, la dictature et l’oppression.

Et l’essentiel est de ne pas avoir peur d’appeler l’agresseur un agresseur et la victime une victime. J’appelle cela une manifestation de courage politique et au moins de justice.

Croyez-moi, en Ukraine, nous connaissons depuis trop longtemps ce pays terroriste et ses relations « amicales et de bon voisinage ». Vous pouvez voir le résultat par vous-même. Par conséquent, ce que la Russie tente d’imposer à l’Afrique aujourd’hui est un néocolonialisme russe classique. Il s’agit d’un néocolonialisme très sophistiqué, mais prudent, même si vous ne voulez pas le remarquer.

On sait que le Président Zеlenskу a présenté un plan pour résoudre cette guerre. Qu’en est-il à date ?

Ce plan s’appelle la Formule de paix du Président Zelensky. Il l’a annoncé lors du sommet du G20 en novembre dernier. Ce plan consiste en dix mesures pratiques visant à instaurer la paix en Ukraine.

Si vous vous souvenez bien, à l’époque, nous avions entendu parler de plans de paix chinois, brésiliens et africains, mais ils se sont révélés inefficaces.

Aujourd’hui, la Formule de paix ukrainienne est devenue pratiquement le seul plan alternatif pour ramener la paix en Ukraine. Après tout, la guerre se déroule sur le territoire de l’Ukraine, et le plan ne peut donc être qu’ukrainien.

Avec nos partenaires, nous avons commencé à définir la compréhension de chacun des points. Aujourd’hui, nous disposons d’un groupe de travail et d’un plan de travail pour chacun des dix points de la Formule.

Lorsque nous aurons terminé tout cela, nous présenterons un dossier complet pour le Sommet mondial de la Formule de paix. À quoi cela servira-t-il ? Il lancera le processus. Ensuite, nous commencerons à prendre des mesures sur chacun des dix points au niveau des ministres et des conseillers à la sécurité nationale. Et nous commencerons à mettre en œuvre la Formule de paix.

Nous remercions un grand nombre de pays pour leur volonté de contribuer à sa mise en œuvre pratique. D’ailleurs, la quatrième réunion des conseillers politiques et de sécurité nationale a eu lieu à Davos le 14 janvier 2024, avec des représentants de 81 pays et organisations internationales.

Nous avançons donc dans la bonne direction. Les dates précises du Sommet pour la Formule de paix en Suisse seront annoncées prochainement, et nous ne manquerons pas d’inviter un certain nombre de dirigeants africains.

L’Ukraine fait beaucoup d’effort pour continuer à exporter des céréales notamment vers les pays africains afin d’éviter une crise alimentaire plus importante. Est-ce que ces efforts vont se poursuivre ?

Bien sûr, il n’y a aucun doute à ce sujet. Malgré le bombardement par les terroristes russes du « corridor céréalier » de la mer Noire, établi en juillet 2023, mon pays continue d’exporter des denrées alimentaires et des marchandises en toute confiance.

Je peux dire qu’à ce jour, 736 navires transportant 23 millions de tonnes de marchandises, dont du blé ukrainien destiné aux pays africains, ont déjà emprunté ce corridor humanitaire depuis les ports du Grand Odesa.

En effet, malgré les attaques de missiles féroces des criminels russes, les céréales ukrainiennes continuent de nourrir le monde.

C’est un véritable exploit, surtout lorsque les navires civils sont constamment menacés par les missiles et les drones russes.

Quelle est votre évaluation de l’état actuel et, surtout, des perspectives de la coopération bilatérale entre l’Ukraine et la Guinée ?

En bref, je ne suis pas satisfait de l’état, c’est-à-dire du niveau d’activité, des relations bilatérales entre nos pays. Quant aux perspectives, elles sont importantes. Tels sont la tâche et l’objet de mon travail en tant qu’Ambassadeur d’Ukraine dans votre merveilleux pays.

Nous devons être clairs sur le fait que l’Ukraine et la Guinée sont des partenaires bien connus et de longue date. Nous avons une riche histoire de relations et une coopération commerciale et économique réellement bénéfique.

Je ne peux pas manquer notre coopération fructueuse dans la formation universitaire, notre coopération militaire, de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la navigation maritime.

La coopération est également importante avec le Centre de recherche océanographique de Conakry crée par l’Ukraine et l’assistance de la formation des ingénieurs agronome et tant d’autres domaines dont plusieurs ingénieurs dans la transformation de la bauxite en aluminium et le chemin de fer reliant la mine de Kindia au port minier de Conakry qui a été construit par les Ukrainiens.

Et ce ne sont là que quelques exemples de notre interaction que nous devons développer et étendre.

Bien entendu, en raison de la guerre russe en Ukraine, qui a considérablement réduit notre potentiel industriel, nous réfléchissons à la manière de relancer notre dialogue commercial, éducatif, humanitaire et économique d’une manière qui soit mutuellement bénéfique.

Et j’ai déjà plusieurs idées et projets qui seront proposés à nos partenaires guinéens dans un futur proche.

Alors, comme on dit, au boulot!

Interview réalisé par Thierno Amadou Camara

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