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Grande interview-Fodé Maréga (UFDG): «il faut une ouverture pour permettre aux gens de dialoguer..»

Un mois après l’élection du 18 octobre 2020, la crise post-électorale en Guinée reste exacerbée par les discours va-t-en-guerre du président Alpha Condé, la répression, les arrestations d’opposants, les dizaines de morts et l’obstination de son principal opposant, Cellou Dalein Diallo à ne pas reconnaître les résultats de la CENI et de la Cour constitutionnelle. Rencontré par la rédaction de Guinee114.Com, l’honorable Fodé Mocar Maréga, membre du bureau politique national de l’UFDG, ancien député uninominal de Dinguiraye et proche du chef de file de l’opposition, a répondu à nos questions portant essentiellement sur cette crise et le scandale de détournement présumé de 200 milliards de francs guinéens qui secoue le gouvernement Kassory.

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Guinee114.com: Depuis quelques jours, certains de vos collègues sont détenus. Avez-vous pu les rencontrer ?

Fodé Maréga: Oui, on a pu rencontrer certains. Vous savez qu’il y a eu beaucoup d’interdits au niveau de la justice. Lorsqu’on allait à la maison centrale, on nous disait que les visites étaient interdites, qu’il fallait une autorisation au niveau du ministère. Enfin de compte, les gens ont pu être rencontrés, pas tous, parce que Chérif Bah n’a pas pu être vu là-bas par la délégation qui est partie. Mais nous allons continuer à leur rendre visite. Vous savez, il y a une dérive dictatoriale qui est terrible maintenant en Guinée. Comme je le dis souvent, Alpha Condé, au lieu de s’atteler maintenant à réconcilier le tissu social qui est complètement détruit dans ce pays, il continue encore à le fragiliser surtout à vouloir faire des règlements de comptes qui ne servent à rien. Quand on a volé une élection, il faut savoir maintenant tendre la main aux gens, discuter, baisser la tension dans ce pays pour pouvoir avancer. Mais on a l’impression qu’éternel opposant, il a toujours besoin d’avoir un conflit pour expliquer son échec.

Il y a un autre débat, portant sur une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale pour de nouvelles élections législatives afin de contenter vous qui êtes qualifiés d’opposition radicale en vous permettant de revenir à l’hémicycle. Qu’en dites-vous ? 

D’abord ce qu’il faut savoir, c’est que cette Assemblée est illégale. Il n’y a pas eu d’élection, vous savez comment partout les bureaux de vote ont brûlé, les centralisations, vous avez vu comment on a distribué les postes au dernier moment pour contenter un peu tous ceux qui s’étaient présentés aux élections. Mais cette dissolution de l’Assemblée, ce n’est pas pour nous contenter, c’est pour simplement se remettre dans un contexte bien établi, dire que c’est l’illégalité qui a changé. Deuxièmement, ce sont des opportunités politiciennes qui sont soi-disant brandies par Alpha Condé et certains membres…pour pouvoir peut être diminuer le pouvoir de Damaro au niveau de l’Assemblée nationale. Mais en ce qui nous concerne, nous nous disons qu’il faut simplement revenir à la table de négociation, il faut discuter, il faut voir l’avenir de ce pays. Et cela n’est peut se faire sans l’UFDG.

 L’UFDG accepterait-elle d’aller à de nouvelles élections législatives ? 

Pour l’instant, on n’en discute même pas puisque ce n’est pas à l’ordre du jour à l’UFDG. Pour l’instant, ce sont des discussions en off comme ça entre les uns et les autres. On entend ça de très loin parce que nous notre problème aujourd’hui, c’est d’avoir nos militants arrêtés qui doivent être libérés.  Nous avons un parti qui est fort, qui a gagné les élections, un parti qui a été victime de vol et qui beaucoup de membres de sa directions arrêtés, sans compter tous les militants qui sont en prison aujourd’hui un peu partout. Nous notre préoccupation est que ces gens sortent de prison et puissent réintégrer leurs familles. A partir de ce moment, nous discuterons des autres problématiques.

Que faut-il pour résoudre cette crise ? 

Nous avons eu une élection présidentielle que notre candidat, Cellou Dalein Diallo a gagnée. Il y a eu une fraude qui, avec les forces militaires ont permis à Alpha Condé s’accaparer de ce pouvoir et de le garder. Donc nous sommes dans une impasse là où on est. La seule façon de sortir de ça, c’est d’abord de se retrouver, de discuter  et de mettre tout sur la table. A partir de ce moment-là, nous aurons une décrispation et nous aurons au moins des pistes de solution.

Apparemment, ce dialogue a du mal à se mettre en place. Dans l’opinion, beaucoup pensent que c’est plus vous de l’UFDG qui ne voulez pas bouger.

Mais c’est toujours parreil. Quand on vous giffle, vous avez envie de répondre, on vous dit non, calmez-vous, si vous répondez il y avoir la guerre. On ne peut pas toujours demander aux mêmes qui sont brimés, qui sont battus, qui sont stigmatisés, qui sont exclus, leur demander de continuer encore à subir. Il faudrait demander maintenant aux uns et aux autres d’arrêter, de sortir de ce cycle-là et de discuter. Voilà, c’est une vertu qui est importante, le dialogue, mais pas à la portée de n’importe qui.

Pour parler concrètement, il y a quand même une rupture de confiance. Les résolutions des précédents dialogues ne sont pas appliquées, les religieux semblent se mettre en retrait. Il y a aussi la CEDEAO qui a envoyé une délégation que vous de l’opposition vous avez critiquée. Qui alors dans ce contexte pour rapprocher les deux camps ? Est-ce que ce dialogue est possible et sous l’égide de qui ?

Oui, ce dialogue est possible sous l’égide de la communauté internationale.

Mais vous n’avez plus confiance en cette communauté internationale.

Oui, bien sûr, certains membres de la communauté internationale. On les a vus au moment de l’élection, comment ils se sont comportés. On a une méfiance vis-à-vis de tous ces gens-là mais le problème n’est pas simplement de garder la méfiance mais c’est de donner des gages. On se dit la plupart du temps, on a besoin de reprendre langue dans ce pays. On ne peut pas continuer comme ça. Dans ce cas, il faut qu’une autre mission arrive et, à partir de ce moment-là, si on est en capacité  vraiment de montrer aux uns et aux autres qu’on est capable d’avancer dans une discussion, nous allons y aller. C’est difficile de vous dire aujourd’hui oui nous allons aller ou nous allons accepter. .. Il faut d’abord amorcer et maintenir un dialogue. Moi je dirais en plus que nous avons la mise en place d’une commission  vérité justice réconciliation qui doit vraiment prendre corps dans ce pays-là parce que nous allons vers une dérive.

Nous avons, depuis longtemps, mis en place des structures qui ont emmené même à un projet de loi qui est sur la table du président. Donc s’il y a une volonté de vouloir changer les choses, c’est déjà d’envoyer ce projet de loi au niveau du conseil des ministres pour discuter  puis  envoyer tout cela ensuite dans une commission qui va permettre à l’Assemblée nationale de réagir. A partir de ce moment, c’est une décrispation au sein de la communauté guinéenne dans le pays et nous allons voir que les choses peuvent changer. C’est vrai qu’il y a une méfiance énorme mais je pense que qu’il faut quand même que les gens discutent. Les gens ont fait la guerre, mais on sait qu’après la guerre, il y a toujours un débat, une discussion. Le président pense qu’il peut mater l’UFDG, forcer l’UFDG à être dans les cordes mais il oublie que l’UFDG est un grand parti qu’il a essayé tant bien que mal d’affaiblir pendant toutes ces années, on a jamais pu. C’est aussi parce qu’il y a la volonté des uns et des autres de vouloir changer les choses, s’insérer dans la vie politique du pays. Dans ces conditions, on ne peut pas exclure les gens.

On sait bien que Cellou est pacifiste, ne serait-il pas pris en otage par certains d’entre vous qui le diraient par exemple de ne pas aller à un dialogue, de rester figé ?

Ce qu’il faut déjà louer, c’est ce caractère de Cellou Dalein parce que tout le monde sait que si à la place de Cellou Dalein il y avait un Gbagbo Laurent, on serait autrement dans ce pays-là. C’est une grande force de vouloir la paix, ne pensez  pas que c’est une faiblesse.  Les cadres sont là bien sûr. Ils ne sont pas seulement comme des va-t-en-guerre mais nous nous disons simplement qu’il faut des discussions, de la fermeté dans les discussions mais il faut une ouverture pour permettre aux gens de discuter surtout qu’on nous a opposé la force pour nous retirer le pouvoir.

Personne n’est figé aujourd’hui à l’UFDG. Parce que nous savons que quelle que soit la guerre, on a vu la première et la deuxième guerre mondiale, on a vu des guerres meurtrières mais ça finit toujours par un dialogue. Mais lorsqu’on a une force comme l’UFDG, on ne peut se permettre de continuer à l’exclure du débat politique de ce pays.

Alors honorable, on va aborder le dernier ce sujet de cette interview. Il y a le chef de l’Etat qui prône ce qu’il appelle «gouverner autrement». Des scandales commencent déjà avec notamment sa ministre de l’Enseignement technique. Pensez-vous qu’à cet âge, après deux mandats, Alpha Condé peut se réinventer pour gouverner autrement ?

C’est de la poudre aux yeux ça ! C’est absolument rien du tout. Vous y croyez, vous ? 200 milliards disparus dans un ministère comme ça par une personne, mais c’est des histoires. C’est seulement qu’on veut mettre cette soi-disant nouvelle politique là par des aberrations. Il y en a combien qui sont autour de lui là-bas, qui sont facilement prenables ? Enormément ! Il y a beaucoup de choses qui ont été gérées ici et qui peuvent aujourd’hui avoir comme conséquence, si on veut avoir un travail sérieux, mettre dans une commission correcte et sérieuse. Mais moi je dis qu’avant de commencer des vérifications des biens, c’est bien gentil mais déjà il faut arrêter e vol, il faut arrêter ces exactions, arrêter l’injustice et mettre le pays en ordre de marche vers le développement. On nous annoncé ici des décisions fortes au niveau du palais du peuple mais ça abouti à quoi ? A un décret limogeant un planton. Donc on est habitué à ça, ça ne sert strictement à rien. Nous demandons simplement d’arrêter de gouverner par des éclats, par des coups, mais mettre en place une politique sereine qui permette de lutter contre les détournements de fonds. C’est possible mais justement avec des gens qui sont capables de le faire.

 Entretien réalisé par Thierno Amadou M’Bonet Camara (Rescapé N°4)

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