Non, « Charles » Makissa Camara, la politique porte toujours une culotte appelée morale (Lettre ouverte)

A Monsieur Aboubacar Makhissa Camara, directeur national des impôts. Je voudrais d’abord me soumettre à un exercice pas habituel chez moi : me présenter. Je m’appelle Thierno Amadou Camara, appelé aussi dans les milieux de la presse M’Bonet (le nom de mon village) ou le Rescapé N°4 (lien fait avec le terrible accident dont j’ai été victime avec d’autres confrères au retour de l’inhumation du journaliste Abdoulaye Bah). J’ai plusieurs fois couvert des activités organisées par vous entre Conakry, Dubréka et Fria. Je n’en connais pas le nombre exact. J’ai découvert votre petit nom Charles que beaucoup ne connaissent pas et qui n’a rien à voir, pour le moment avec le célèbre Charles Taylor. C’était à l’occasion d’un reportage qu’on m’avait demandé de faire dans certains quartiers de Fria sur de bonnes actions que vous aviez engagés, notamment la construction de latrines. J’y est rencontré des gens qui vous ont vu grandir.

Le jeune frère qui vous écrit est l’un des témoins du meeting historique dans votre carrière politique, organisé à Tanènè le 14 avril 2017. Ce jour, en présence d’Elhadj Sékhouna Soumah, alors proche du pouvoir, vous avez présenté Malick Sankhon, un autre ressortissant de votre Fria natal, comme le parrain de votre engagement politique que vous étiez en train d’inaugurer ce jour.

Depuis, vous ne cessez d’enchaîner les meetings, les discours et mouvements de soutien à Alpha Condé, votre «père». Vous vous êtes forgé une forte image politique au point que celle-ci a fini par engloutir celle de technicien que vous êtes pourtant. Car, technicien, vous l’êtes vraiment. En plus de ce que m’ont dit certains de vos proches à propos de votre parcours aux impôts, j’ai pu moi-même faire mon propre constat. Je me souviens de toutes ces occasions où je vous ai écouté sur les théories économiques, notamment ce jour où vous avez pris ma main pour descendre les escaliers de l’Assemblée nationale, après le vote du volet recettes d’une des lois de finances. J’étais fasciné par vos explications.

Mais vous vous êtes tellement engagé dans la politique, vous vous êtes tellement laissé paraître comme tous ces autres démagogues et fanfarons de la République , que l’évocation de votre nom ne renvoie presque plus à l’image d’un technicien. Dès qu’on dit Makhissa Camara, on pense à l’argentier, au démagogue comme les autres. Mais ceci est moins grave dans le contexte guinéen sous Alpha Condé. Au contraire, comme le disait Fodé Oussou à l’investiture de Cellou Dalein dimanche, en agissant ainsi, vous pouvez même être sûr d’avoir une récompense exceptionnelle du palais.

Mais depuis ce weekend, vous avez ouvert un autre chantier pas digne d’un cadre, d’un leader de la Basse côte que vous cherchez à devenir. En Afrique, les autorités morales sont à respecter. La politique ne peut jamais s’exercer sans la morale. Dès qu’on lui enlève la culotte appelée morale, la politique n’st plus jolie à voir. En allant organiser un meeting à Tanènè dimanche, au lendemain d’une humiliation du sage de cette région de la Basse Guinée, Elhadj Sékouna Soumah, jusque dans son domicile, en présence de ses petits-fils et de ses invités, vous vous êtes dit peut être que cela vous offrirait une recette politique.

Faire un meeting en faveur du troisième mandat à Tanènè alors que d’autres s’y rendent tous les jours pour consoler l’autorité coutumière après l’attaque de son domicile par des forces de l’ordre juste pour son opposition à ce projet de troisième mandat. Où est l’élégance dans votre acte ? Où est passé le fils de la Basse côte ? Où est le Makhissa qui prônait la non-violence et qui appelait les jeunes de la Basse Côte à s’unir ?

Un de vos proches rapporte qu’à l’occasion de ce regroupement jugé provocateur par certains, vous avez déclaré ceci : «même si tout le monde abandonne le Président Alpha Condé, je vais rester derrière lui. On ne peut pas faire la politique et avoir peur». Non, ce que vous avez accompli portait déjà des germes d’un affrontement entre fils de la région. Vous saviez bien que votre démarche allait choquer. Ce n’est aucunement que l’expression d’un courage politique. L’amour du président et le courage auraient été de condamner ce qui est arrivé à Sékhouna Soumah et à ces autres fils de la région qui s’identifient à lui. Vous auriez démontré ainsi que vous êtes républicain et fils ressortissant de la Guinée maritime dont le patriarche a été humilié.

Le courage et l’amour du président seraient d’user de votre influence que vous prétendez avoir pour aider à faire en sorte que les coupables de cette bavure soient punis afin que jamais les autorités morales de notre pays ne subissent une telle humiliation.

Tout n’est pas que politique, grand frère Makhissa ! La politique n’est pas dénudée de morale et d’élégance. Vous n’êtes pas obligé d’inscrire votre nom sur le registre des pyromanes. Tant que vous pouvez, agissez dans la politique en habillant vos actions d’un tissu de morale et de bon sens. C’est pour demain !

Je suis sûr que cette fois aussi, au lieu de me renforcer pour vous prodiguer de bons conseils, ils inonderont votre messagerie de captures de quelques passages de ce message pour vous proposer de répondre à travers un article afin qu’ils puissent se remplir les poches de votre argent. Mais la prochaine fois qu’on se verra devant eux, moi je pourrai garder la tête haute avec ma fierté habituelle pendant que vous serez en train de secouer la tête pour dire qu’ils vous ont trahi.

Thierno Amadou M’Bonet Camara (Rescapé N°4)

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