Quelques jours après la prise du pouvoir par le Comité national pour le rassemblement et le développement (CNRD), avec le renversement du régime d’Alpha Condé et la dissolutions des institutions, nous tendons notre micro au député Mamadou Baadiko Bah, président de l’Union des Forces démocratiques (UFD). L’opposant ne fait pas qu’aborder ses attentes, mais il donne aussi sa position par rapport à la formation annoncée d’un gouvernement d’union nationale. Lui qui est prêt à y aller pour sauver et non dans un esprit de partage du gâteau.
Lisez !
Guinee114.com: quelle est votre lecture de ce coup d’Etat ?
Mamadou Baadiko Bah: Je trouve que ces évènements confirment une fois de plus que depuis 63 ans la Guinée est plongée dans une instabilité chronique. Le pays n’a pas bénéficié du règne de l’Etat de droit, de la justice, de la concorde entre les nationalités, afin de se développer, au bénéfice de ses populations laborieuses.
Depuis toujours le peuple n’a connu que la dictature, l’oppression et la mal gouvernance. La situation politique, sociale et économique du pays était telle qu’il ne pouvait y avoir d’autre issue ; donc ce coup d’Etat est malheureusement une suite logique. Lorsqu’une société est bâtie sur l’injustice, la mal gouvernance, la corruption, les conditions de vie précaire, la misère extrême pour une large couche de la population, cette société ne peut pas connaitre la paix et le développement, car en l’absence de la démocratie, il ne restera plus que les armes. Cette situation ne pouvait plus durer.
On ne savait pas ce qui allait intervenir mais il était devenu évident que le système ne pouvait plus tenir, malgré l’arrogance et la suffisance du dictateur. Il faut retenir qu’un système basé sur l’ethnicisme, la corruption, la division communautaire et le pillage des ressources par une élite cupide et parasitaire, ne peut pas s’en sortir, quel que soit le cas. .
L’Assemblée nationale est dissoute, qu’en dites-vous ?
La dissolution de l’Assemblée suit le cours normal de l’évolution des choses, à partir du moment où la constitution a été suspendue, toutes les institutions qui y découlent le deviennent également. Bien qu’étant élu de cette Assemblée, nous n’avons cessé de dénoncer son caractère monocolore et son inféodation à l’exécutif. Nous avons appartenu à cette Assemblée ; comme vous pouvez tous en témoigner, nous avons fait notre devoir en travaillant honnêtement et en rendant compte régulièrement à nos concitoyens ce qui s’y passait. Nous ne sommes jamais accrochés aux titres ; ce qui nous intéresse, c’est ce qu’on peut faire pour le pays et nous n’avons cessé de le démontrer. Nous sommes des acteurs politiques, les élections ne nous font pas peur, nous allons continuer à nous battre pour les prochaines échéances pour faire valoir nos positions.
Quelles vont être les conséquences de ce coup de force?
Pour les populations durement éprouvées par ce régime, c’est un gros ouf de soulagement et l’espoir d’un nouveau départ pour des lendemains meilleurs. Après l’euphorie des premiers jours, pourvu que le peuple de Guinée ne soit pas encore déçu comme il l’a été depuis 1958. Les conséquences sont d’abord la décrispation de la situation politique et sociale du pays. Si nous prenons garde en évitant les erreurs commises lors des transitions précédentes par le CMRN et le CNDD, ça sera l’occasion pour tous les acteurs de la vie publique Guinéenne de conjuguer leurs efforts pour sortir la Guinée de la situation de précarité, de corruption, de gabegie, d’impunité et d’instabilité chronique dans laquelle elle est plongée depuis 1958.
Si tous acceptent de conjuguer leur effort pour remettre la Guinée à flot, nous pourrons en ce moment nous concentrer sur le développement de notre pays. Mais si chacun commence à jouer pour ses propres intérêts, à faire des guerres de positionnement, il n’y aura pas de miracle, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Cinq ou dix ans après, nous nous retrouverons entrain de refaire les mêmes constats.
Accepteriez-vous d’être membre du gouvernement d’union nationale annoncé par la junte?
Nous avons une lueur d’espoir à travers ce qui a été dit par le Colonel Mamadi Doumbouya. Il a prononcé des mots très significatifs sur les maux à soigner et a posé des actes que nous apprécions. Le fait de reconnaître que la Guinée est composée de communautés et qu’il faut régler le problème de la fracture communautaire ouverte et qui a explosé sous le régime du parti Etat politico-ethnique de l’ex président Condé est très courageux de sa part. La libération rapide des prisonniers politiques, dans le respect des principes de l’Etat de droit est un autre très bon signe.
Dans ces conditions, nous n’allons pas rejeter d’emblée une proposition d’appartenir à un gouvernement d’union nationale, car comme nous l’avons toujours dit, tout ce qui concerne la construction de la nation, si l’occasion nous est donnée, nous allons apporter notre modeste contribution. Nous sommes intéressés à travailler au sauvetage du pays ruiné, complètement à terre, mais pas au partage du gâteau, comme ce que nous avons connu dans notre pays depuis la Loi Fondamentale de 1990. Ce qui explique que nous n’avons appartenu à aucun gouvernement depuis la première transition en 1984 et ce ne sont pas les occasions qui ont manqué.
Propos recueillis à Conakry le 9 septembre 2021 par Souleyman BAH Guinee114.com