La flambée des prix devient, ces derniers jours, une préoccupation nationale. Le phénomène reste insupportable pour bon nombre de ménages. Les autorités semblent surprises par le phénomène. Pourtant, l’institut national de statistiques (INS) a sonné l’alarme depuis février 2022.
L’inflation, une question sensible et complexe…
Le pouvoir d’achat est la quantité de biens et services qu’un revenu permet d’acheter. Dans son bulletin mensuel de janvier 2022, l’institut national de statistiques (INS) notait une hausse de 1,5% de l’indice des prix à la consommation des ménages guinéens par rapport au mois de décembre 2021. Toujours selon l’INS, cette hausse est liée essentiellement aux fonctions de consommation ci-après : « Produits alimentaires, boissons et tabac » (1,6%), « santé » (1,9%), « habillement » 0,6% ; «logement, électricité, eau et gaz » 1,6% ; « ameublement » 2,6%, « transport » (0,4%) ; « loisir, spectacle et culture» (0,2%).
Il est utile de rappeler que les chiffres précédents datent de janvier 2022. Trois mois après, les guinéens continuent de constater que leur pouvoir d’achat fond comme neige au soleil. Pour preuve, un groupe de femmes a attiré l’attention du chef de l’Etat sur la baisse de la cherté de vie en marge de la journée internationale des femmes. La principale inconnue reste la durée de la baisse.
Des paradoxes à expliquer
L’évolution des prix sur les marchés guinéens relance le débat sur les déterminants de l’inflation. Jusqu’ici, les économistes étaient presque d’accord sur l’hypothèse selon laquelle une croissance de la masse monétaire et du taux de change a un effet positif sur les prix.
En termes simples, l’inflation s’explique par la dépréciation du taux de change de la monnaie nationale. Toutefois, l’observation du marché de change montre que le franc guinéen se porte très bien par rapport aux devises étrangères. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le taux de change fourni par la Banque Centrale de la République de Guinée.
En ce 09 mars 2022, le cours officiel de change du dollar des Etats-Unis par rapport au franc guinéen s’établit à GNF 8846,8745, contre 9735,0928 le 03 septembre 2021, soit une appréciation de 9,12%. L’appréciation du franc guinéen par rapport aux monnaies étrangères s’explique par la liquidité du marché des changes, reflétant l’évolution positive du rapatriement des recettes d’exportations et l’impact des réformes entreprises au niveau du marché des changes depuis la mise en place de la salle de marché.
Étant entendu que le franc guinéen se porte bien, la flambée des prix sur les marchés ne peut donc pas être une inflation importée. Donc l’économie guinéenne traverse une inflation locale qui trouve son origine dans le ralentissement de l’activité économique « les importations ».
L’autre paradoxe qui caractérise les marchés de consommation est le manque d’incidences positives de la réduction du prix du carburant à la pompe. Le 27 septembre 2021, la junte dans l’optique d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages a réduit le prix du litre d’essence de 11000 Fg à 10000 Fg, soit une baisse de 10%. Les marchés n’ont cependant pas produit les effets escomptés.
En observant les marchés de consommation, cette inflation peut s’expliquer par une crise de l’offre. La demande des biens de consommation est forte par rapport à l’offre sur le marché. Cela résulte très certainement du manque de confiance des acteurs économiques.
Et la crise Russo-Ukrainienne ?
La crise Russo-Ukrainienne aura certes de l’impact sur l’économie guinéenne mais elle n’explique pas la flambée des prix en Guinée. Cette crise date du 22 février 2022 alors que la flambée des prix se constate déjà en janvier 2022. La crise Russo-Ukrainienne va impacter le niveau d’exportation de bauxite de la compagnie CBK. Une perturbation du niveau d’exportation de la CBK signifie une baisse des recettes de l’Etat dont l’ampleur dépendra de la durée de la crise.
Une Inflation qu’il faille étouffer
Cette flambée des prix risque d’avoir des conséquences sur le plan économique et social. Ainsi, il est urgent de la juguler. Les solutions proposées peuvent être à court et long terme. Toutefois, l’urgence est dans le court terme. Pour cela, il faut entre autres :
- Etre plus à l’écoute des acteurs : le dialogue permettra de rétablir la confiance au niveau des opérateurs économiques. Cela permettra
- Plafonner les prix (court terme) : Créer un bouclier pour le pouvoir d’achat des citoyens. Ce bouclier peut être financé par l’endettement ou par des avantages fiscaux. La possibilité d’endettement semble être faible pour un gouvernement de transition.
- Activer une cellule de veille : rendre opérationnel les services publics en charge du contrôle des prix.
- Rectifier le budget : à travers la loi des finances rectificatives, le gouvernement a la possibilité d’opérer des coupes budgétaires au sein de certains services. Des coupes budgétaires de l’ordre de 5% permettront de supporter le bouclier qui va être créé autour du pouvoir d’achat.
Par Amadou Tidiane Barry, consultant en évaluation des politiques publiques,
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