A quelques jours du premier anniversaire du coup d’Etat du 05 septembre 2021, la rédaction de Guinee114.Com donne la parole à ceux qui, depuis cette date ont choisi le silence à ne pas confondre à une résignation de leur part. Naby Youssouf Kiridi Bangoura, ancien ministre d’Etat, secrétaire général et porte-parole de la Présidence de la République, dans ce premier numéro, accepte de nous parler. Ce qu’il retient du 05 septembre, l’interdiction de sortir du pays imposée à ceux qu’une certaine opinion a appelé anciens dignitaires, ses supposés liens avec le colonel Amara Camara, le RPG Arc-en-ciel, son appréciation de la conduite de la transition…Naby Youssouf Kiridi Bangoura nous dit tous.
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Guinee114.Com : depuis le 05 septembre 2021, vous êtes interdit de sortir du pays, comment gérez-vous votre quotidien ?
Kiridi Bangoura: Le 06 septembre 2021, on nous a notifié officiellement l’interdiction de sortir du territoire et le retrait de nos passeports. Depuis, je suis à Conakry, à mon domicile. Je vais régulièrement aux réunions du parti, à notre siège de Gbessia. Au début, j’allais souvent à la plantation dans le village de mes ancêtres, Wonkifong. Mais, depuis l’arrestation de mes camarades, quelques fois dans la semaine, je me rends à la Maison centrale. Le reste du temps est consacré à la famille, rendre visite aux parents et aux amis et la soirée est consacrée à la lecture.
Nous avons lu dans Jeune Afrique que le 05 septembre, vous avez appelé le Président Alpha Condé et puis vous avez tenté de le rejoindre à Sèkhoutoureya. Vous avez été arrêté, puis libéré. Dites-nous ce qui s’est passé ce jour.
Le 05 septembre effectivement j’ai cherché à rejoindre le palais Sèkhoutoureya. J’étais avec mon aide de camp, le chauffeur et un garde du corps. Après avoir échangé avec le Pr Alpha Condé au téléphone, je lui ai dit que j’arrivais parce qu’en âme et conscience je croyais que ma place était à ses côtés dans ces moments difficiles. Moi et mes compagnons avons été arrêtés. Le chauffeur qui est civil et moi-même avons été relâchés 2 heures après l’arrestation du Président Alpha Condé. Je n’ai pas été maltraité. Je remercie Dieu de nous avoir gardé la vie sauve.
Comment expliquez-vous les rumeurs sur les réseaux sociaux, faisant état de vos supposées relations avec les membres du CNRD, notamment le colonel Amara Camara ?
Dans la première quinzaine du mois de septembre, le PM Kassory m’a demandé de rencontrer le colonel Amara Camara qui venait d’être nommé Secrétaire général de la Présidence. La motivation était de faciliter la compréhension de l’organisation et du fonctionnement de la Présidence. Ce fut une bonne séance de travail à mon domicile. Depuis ce jour, je n’ai plus rencontré le colonel Amara Camara. Et, je crois que beaucoup de ministres sortants et entrants ont dû avoir le type de séance de travail. Le souci, bien compris du PM, était, malgré notre déception, de faciliter le maintien de la continuité de l’Etat. Depuis, je ne l’ai plus rencontré.
Alors, pourquoi ces rumeurs persistantes ?
Je ne comprends pas. C’est soit de la malveillance pure et simple, soit une stratégie à double objectif : me décourager dans mon engagement au RPG-AEC, dont je suis membre de la direction nationale depuis douze (12) ans, ou m’opposer à mes camarades, dont, malheureusement, il ne faut pas oublier, certains sont emprisonnés arbitrairement. Je crois que ceux qui sont derrière ces manœuvres se trompent. Je ne me découragerai pas. Dans le monde d’aujourd’hui, la liberté offerte par les réseaux sociaux permet de colporter n’importe quelle rumeur au sujet de n’importe qui. Mais, mon engagement et ma conviction demeurent intacts. Avec l’expérience dans l’appareil d’Etat, je sais que les rumeurs et les dénigrements remplacent les balles létales de ceux qui veulent vous atteindre.
Vous savez, j’ai un ami qui dit pour plaisanter que peut-être on en veut à certains comme moi de n’être ni en exil ni en prison. Comme je crois à la bonté humaine, j’espère sincèrement qu’il a tort.
Justement, comment se porte le RPG-AEC aujourd’hui ?
La base et les fondements du parti sont solides. Le 05 septembre a été un coup rude, mais dès le 7 septembre, des femmes et des hommes, membres de la direction nationale, des organismes dirigeants des femmes et des jeunes, membres du bureau des cadres et de la corporation, ont repris les réunions hebdomadaires pour maintenir la flamme militante. Le Président Alpha Condé et ses compagnons de la première heure, ainsi que tous ceux qui l’ont rejoint le long du parcours ont bâti un parti solide, rompu aux débats démocratiques et possédant une architecture organisationnelle résiliente de la base au sommet. C’est au cours de ces réunions que se discutent et s’adoptent par vote, les décisions et résolutions du parti.
Nous avons choisi au début comme priorité de rassurer nos militants, de les calmer et d’éviter la violence. Et, devant la force des faits, de participer à une transition inclusive et apaisée. Plus tard, l’acharnement contre le Pr Alpha Condé, contre le Président du Conseil Exécutif Provisoire Kassory Fofana et contre tous nos camarades, nous ont amené à des prises de positions plus fermes face à un acharnement incompréhensible. C’est ainsi qu’il est devenu évident pour nous que la libération du Pr Alpha Condé, de Dr Ibrahima Kassory Fofana et de nos camarades est une condition fondamentale pour notre participation à tout processus de dialogue devant mener au retour à l’ordre constitutionnel.
Globalement, quelle appréciation faites-vous de la transition en cours ?
Il faut reconnaitre que la conduite actuelle de la transition ne facilite pas son aboutissement, c’est-à-dire le retour à l’ordre constitutionnel dans une atmosphère apaisée et dans un pays reconcilié. Les dirigeants de la transition doivent reconnaitre la légitimité des autres acteurs politiques et sociaux. Nous sommes dans une situation d’exception qui impose encore plus aux détenteurs de l’autorité, le dialogue, la considération de l’autre, le refus de l’exclusion et la cohésion.
Notre parti, ses alliés et tous ceux qui, comme nous, souhaitent une Guinée unie et paisible, souhaitent la mise en place d’un mécanisme de dialogue sous l’égide de la CEDEAO. Le processus en cours doit rester classique : l’adoption d’une nouvelle constitution, la mise en place d’une CENI et l’organisation des élections nationales (législatives et présidentielle). L’expérience humaine est vaste. Mais, quelques principes restent constants, comme celui vieux comme le monde: à chaque jour suffit sa peine. La politique est l’art du possible. Les autorités militaires doivent encourager le dialogue, le consensus et le respect des droits.
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