Retrait des passeports diplomatiques et de service: une analyse «d’un point de vue économique et financier»

Partie d’une simple rumeur, le retrait des passeports diplomatiques et de service des ministres ainsi que de hauts cadres de l’administration publique a été confirmée par des sources officielles. A en croire la Primature et le porte-parole du gouvernement, il s’agit là d’une mesure allant entre autres dans le sens d’une réorganisation des formalités pour l’obtention du visa et des ordres de missions. En tant qu’observateur de la scène publique et, par ailleurs, Senior-Consultant Indépendant en Finances Publiques, Pierres Onipogui évoque le sujet avec notre rédaction.

 Guinee114.Com : que pensez-vous de cette mesure ?

Pierres Onipogui: Il est important pour l’Etat à un certain moment d’évaluer le poids financier et l’impact des déplacements des membres du gouvernement à l’extérieur du pays, surtout quand il constate une explosion des missions ad hoc.

Mais j’estime que la décision de retirer les passeports aux membres du gouvernement doit s’effectuer avec assez de prudence car certains déplacements à l’étranger sont assujettis à la participation de la Guinée à plusieurs instances de gouvernance qu’elles soient régionales, sous-régionales, internationales ou mondiales auxquelles le pays souscrit et adhéré.

Par ailleurs il faut aussi analyser d’un point de vue économique et financier, où se situe le poids de ses charges d’une part et d’autre part le manque à gagner pour l’Etat ceci, pour élargir le périmètre de la mesure aux autres services publics et démembrements de l’Etat qui d’un point de vue sémantique ne sont pas des membres du gouvernement mais des cadres supérieurs de l’Etat appartenant hiérarchiquement aux départements sectoriels gérés par les membres du gouvernement.

Enfin il ne faut pas perdre de vue que les déplacements à l’étranger sont de facto une consécration législative (ratification) et règlementaire (promulgation) au titre du vote de la loi de finance, donc toute mesure prise devra se conformer au principe de la hiérarchie des normes et du parallélisme de forme. Au regard de la période exceptionnelle actuelle et des multiplicités des déplacements, il est visible que le respect d’une telle démarche orthodoxe s’appliquerait avec de rudes gymnastiques ceci pour multiples raisons. Sinon un acte administratif doit se conformer aux textes supérieurs ou l’acte administratif pris doit de facto réviser les normes juridiques supérieures pour les mettre en harmonie avec la décision de base.

QUE PRECONISEZ VOUS POUR REDUIRE LES CHARGES DE L’ETAT

Premièrement, il faut systématiquement procéder à une évaluation de cette politique publique (missions de déplacements des hauts cadres de l’Etat) de 2021 à 2023, je dis bien l’évaluation et non un audit ou un contrôle ni du moins une inspection. Cette action nous permettra de ressortir deux aspects :

  • Apporter des informations relatives à la continuité progressive, à la poursuite, à l’arrêt ou à la remédiation séquentielle ou linéaire des missions de déplacement par catégorie de services publics ;
  • Produire un rapport dans lequel, les constats, les responsabilités, les recommandations et les perspectives permettront à l’Etat de prendre le ou les mesure (s ) appropriée (s ) à la situation.

Deuxièmement, définir le périmètre de l’évaluation et établir un cahier de charges dans lequel figureront les critères et les indicateurs adjacents ou sous-jacents à l’objectif et aux résultats recherchés par l’évaluation.

Troisièmement, respecter le principe de continuité de l’Administration de façon graduelle, mesurée et par priorité et urgence, pour éviter une entorse aux activités et actions participatives de l’Etat guinéen à l’étranger.

QUEL EST VOTRE MOT DE LA FIN

Lorsque que la puissance publique constate des irrégularités ou des attitudes qui pèsent sur le portefeuille de l’Etat, elle reste dans son rôle central de réguler ou remédier à ces constatations par des mesures ou des actes qu’elle devra prendre. Donc la mesure prise à son caractère fondamental mais ne saurait être la solution au problème mais plutôt dans le temps et dans l’espace, un autre problème.

La mise en place d’un comité par l’Etat pour réfléchir aux solutions à court moyen ou long terme reste salutaire, mais si l’on s’impose la définition centrée de toute  évaluation qui reste «  le jugement de valeur », le comité issu de l’Etat lui-même ne saurait se donner une auto critique donc un jugement de valeur, il devient juge et partie ;  il revient à une entité distincte de l’Etat et indépendante d’évaluer les aspects complexes et spécifiques liés à la problématique soulevée afin de produire des résultats et des recommandations en harmonie avec la démarche classique que se voudrait toute évaluation.

 Ousmane Diakité

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