S’il y a une différence notoire dans la perception des différentes transitions dans la région ouest-africaine, c’est surtout par la diplomatie qui a pu porter la vision des nouvelles autorités et défendre les politiques de refondation institutionnelle. Pour Soriba Cissokho, analyste des questions sous-régionales, « la diplomatie guinéenne, dès le début des réformes entamées, a surtout fait preuve de pédagogie loin des polémiques et je pense que c’est cela qui a pu grandement contribuer à une meilleure compréhension de la vision du CNRD. »
Certains ont parlé de « percée diplomatique » là où, l’analyste voit « une diplomatie missionnaire fondée sur un solide plaidoyer » en faisant référence à la prestation de Dr. Morissanda Kouyaté lors de la 48ème session de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) au Pakistan où il a pu ouvrir de nouvelles perspectives en direction du monde musulman tout en restant dans une posture qui fit dès le début de la Guinée avec sa transition « un pays attractif, ouvert même en pleines réformes » comme en témoigne ce diplomate étranger sous le sceau de l’anonymat. Pour lui, « la Guinée a tenu à se conformer aux différents engagements précédemment souscrits ; ce qui dénote, selon lui, une certaine créativité dans la manière de poser les solides jalons d’une diplomatie dans un pays en pleine transition ».
Mais l’une des lignes directrices marquantes de la diplomatie guinéenne semble être ce Cadre d’Appui à la Diplomatie Économique, à l’Intelligence Stratégique et à la Coopération Internationale (PRODEIC). « Nous nous sommes retrouvés, avec l’arrivée du Président Doumbouya dans une position où une nouvelle mission s’est subitement imposée à nous, celle de mener une diplomatie économique et financière », témoigne un jeune Conseiller des affaires étrangères. « Mais, l’accompagnement du Ministre Morissanda qui relevait presque du coaching nous a énormément aidé à faire face à ce nouveau challenge d’une diplomatie en mutation ».
Le Ministre des Affaires Étrangères, de l’Intégration Africaine et des Guinéens établis à l’Etranger, Dr. Morissanda Kouyaté fit une entrée remarquée sur la scène diplomatique mondiale, comme en témoigne, cet observatoire des coulisses diplomatiques qui l’a observé en marge des travaux de l’Assemblée Générale des Nations Unies tenue en septembre 2022. « Il a été de tous les fronts : lobbying, explications des réformes en cours dans son pays auprès de ses pairs au point qu’au département d’État, le Ministre Morissanda a imposé en douceur, avec admiration, dans la fermeté son rôle d’avocat d’une Guinée à mieux et plus comprendre », renchérit-il.
Mais pour ce conseiller technique à la CEDEAO, « le Ministre Morissanda, bénéficie d’un profil lisse, accepté par ses homologues de la région et du monde ; c’est l’homme des consensus et des compromis » car selon lui, « il a pu toujours trouver les bons équilibres avec la CEDEAO tout en défendant les intérêts de son pays notamment sur les étapes de la transition et tout le processus vers l’ordre constitutionnel »
Il est vrai que sous Dr. Morissanda Kouyaté, on a pu observer une diplomatie de « renouveau et de recentrage sur les intérêts immédiats mais aussi d’une plus grande ouverture, sous l’égide du Président Doumbouya, et de larges perspectives en direction de pays stratégiques comme le Maroc, l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, la Chine, la Russie, les États-Unis d’Amérique, l’Éthiopie, la France, la Turquie, le Royaume Uni, etc. « C’est une diplomatie de développement et de rupture dans ses pratiques et surtout dans la gestion des ressources humaines internes de plus en plus valorisées tout en s’ouvrant à de nouvelles compétences dans un esprit de collégialité dans la prise des décisions importantes », se félicite cet Ambassadeur louant « le renforcement de la Coopération régionale, dont l’organisation de la grande commission mixte Guinée-Mali » malgré la focalisation sur la réalisation des objectifs liés à la mise en œuvre des 10 points de l’accord avec la CEDEAO mais aussi à la refondation institutionnelle et le rassemblement des Guinéens »
La promotion des potentialités d’une Guinée économiquement attrayante est l’une des marques imprimées par le Ministre Kouyaté à la diplomatie guinéenne qui s’est illustrée à travers les visites dans différents pays comme l’Allemagne en décembre 2023. La redynamisation de la coopération avec Berlin a été au cœur de ses plaidoyers au Bundestag en présence des hauts responsables de la coopération.
Le témoignage de cette haute autorité allemande illustre suffisamment ce nouvel état d’esprit vis-à-vis de la Guinée : « Je suis content d’avoir eu cet entretien avec le Ministre des Affaires étrangères. Il m’a informé sur la situation de la Guinée, le processus d’élaboration de la Constitution », souligne, Jochen Labarthe, le Secrétaire d’État du Ministère Fédéral de la coopération économique et du développement, saluant « les possibilités d’investissement en République de Guinée » à l’issue des tables rondes sur les potentialités et opportunités économiques en Guinée.
C’est un homme de mission et de conviction que la Guinée pourra mieux rayonner“, témoigne Albert Joachim, à l’occasion de sa mission à Bruxelles où il a été reçu au siège de l’Union Européenne“
Une diplomatie au service de la diaspora
Discutant des défis liés à l’immigration irrégulière, le Ministre Morissanda a constamment défendu l’impératif d’une politique migratoire prenant en compte l’appui au développement pour les pays de départ. Une enveloppe de 238 millions d’euros pour la Guinée dans le cadre de l’appui de l’Union Européenne.
“Il vola au secours des Guinéens de Tunisie et du Soudan alors qu’avant, il y avait un sentiment d’abandon. Cette fois-ci, la Guinée n’a pas attendu l’OIM (organisation internationale pour les migrations) ni l’UE (Union européenne) pour agir. Le chef de l’État a affrété un avion qui est parti avec moi-même. Et il a fait dix voyages entre la Tunisie et la Guinée pour ramener nos compatriotes. Pour le cas du Niger, il y a encore dix voyages qui sont prévus », témoigne fièrement ce représentant des ressortissants guinéens.
Lors des visites officielles, le Ministre Morissanda a toujours consacré un moment pour aller à la rencontre des Guinéens. « Les problèmes administratifs qui bloquaient nos affaires dans les différents pays sont de plus en plus derrière nous avec l’ouverture des consulats et le renouvellement du personnel qui nous respecte plus. L’air du changement politique à Conakry se ressent jusque dans les bureaux des Consulats où nous retrouvons la fierté d’être guinéen », témoigne ce responsable associatif guinéen établi en Europe depuis bientôt 20 ans.
Dans cette même perspective de défense des intérêts des ressortissants des Guinéens, l’opération de Pont aérien lancée par le chef de l’État pour sauver les Guinéens victimes d’attaques diverses en Tunisie a enregistré « un succès total » selon ce jeune originaire de Nzérékoré.
« Les images sont restés vivaces dans la mémoire des guinéens », témoigne cette mère de deux fils sauvés par le rapatriement de leur pays. A sa descente de l’avion frappé du drapeau Rouge jaune vert, le chef de la diplomatie guinéenne fond en larmes de joie et se jette dans les bras du Colonel Doumbouya pour le remercier des efforts pour « cette opération de fierté et de patriotisme ». Lors de cette opération complexe rondement menée par le Ministre Morissanda à l’époque, les ressortissants guinéens arrivés dans le premier convoi étaient au nombre 49. Ils ont été accueillis dans la soirée du mercredi 1er mars à l’aéroport international Ahmed Sékou Touré par une forte délégation conduite par le Président Doumbouya.
Cette diplomatie de renouveau, épousant l’esprit d’une transition ouverte au monde et s’affirmant comme un modèle dans la sous-région est certes la matérialisation d’une vision mais qui doit beaucoup aux efforts d’un Ministre qui marque aussi bien ses pairs que les ressortissants guinéens à travers le monde.
IBRAHIMA BARRY (Analyste)
