Longtemps présentée comme un scandale géologique avec des ressources naturelles quasi illimitées, la Guinée n’a pas encore tiré le meilleur profit de ses potentialités minières. Cela, en dépit des nombreuses stratégies et politiques qui ont été déployées avec une mise en avant de la quantité des réserves et une priorisation des revenus financiers issus de l’activité. Avec Simandou et les nouveaux besoins du marché des minéraux, l’heure est venue pour la Guinée de réfléchir à une nouvelle approche qui allierait connaissance exhaustive des richesses du sous-sol, durabilité tenant compte des critères ESG et diversification des activités sur les sites d’exploitation minière.
Pour le Président de la Chambre des Mines Ismaël Diakité, l’enjeu de la durabilité dans le secteur minier est une préoccupation majeure. « Il s’agit de s’assurer que les générations futures vont trouver un héritage en matière de patrimoine minier, de biodiversité, d’environnement mais également en termes de contexte socioculturel apaisé. L’enjeu est de miner très bien de façon à assurer aux générations futures un héritage positif », a-t-il introduit.
Gérer les flux migratoires
L’expert a également mis l’accent sur les flux migratoires générés par les activités minières, engendrant un brassage des populations et leur déplacement vers des zones considérées comme plus riches en opportunités. « Ce brassage se fait sans contrôle du minier, cela nécessite donc un pouvoir régalien de l’État qui doit s’exercer pour contenir ces flux migratoires et assurer qu’il y a un équilibre socioculturel dans les zones. Faute de quoi, on va assister à une acculturation, à la propagation de maladies, à une désorganisation qui peut faire perdre à notre société son identité. Pour bien miner, il est important d’assurer un contrôle des migrations des populations vers les zones de production minière, » a averti l’ingénieur des mines.
Changement de narratif
Les enjeux de l’industrie extractive ont évolué. L’heure n’est plus à l’exploitation abusive et intensive. Le professionnel des mines qu’il est, recommande que le narratif qui a toujours prévalu consistant à dire, « nous avons beaucoup de ressources donc nous devons beaucoup exploiter », soit abandonné. Les nouveaux défis tournent autour de l’extraction et de la transformation afin que ce qui est extrait soit diversifié. Désormais, les efforts de promotion des ressources ne doivent pas se limiter aux minéraux métalliques comme la bauxite ou le fer. La question de la transition énergétique se pose donc à la fois en termes de minerais critiques et de minerais stratégiques. Monsieur Diakité insiste sur la nécessité d’avoir un narratif permettant de dire « nous avons des minerais qu’on peut transformer afin de développer une chaine de valeurs et des minerais qui peuvent participer à beaucoup de choses ». Les besoins de l’industrie électronique, de la digitalisation et de l’industrie automobile en matière de nouveaux produits doivent orienter le questionnement vers les minerais qui seront stratégiques pour la Guinée et vers ce qui sera en lien avec les objectifs de développement du pays. « Le narratif doit quitter le sens de l’industrie traditionnelle vers la modernité, la digitalisation et d’autres types d’industries », a-t-il plaidé.
Mieux connaitre notre sous-sol
La diversité des ressources du sous-sol dont la Guinée dispose est un des atouts de notre pays. Malheureusement, nous n’avons pas une connaissance exhaustive de ce qui existe en Guinée. Priorité doit être donnée à la recherche et à l’exploration. Une des dispositions des codes miniers, ancien et nouveau, privilégie la rétrocession qui consiste à transmettre à l’État les informations sur les conditions géologiques et minéralogiques du sous-sol guinéen afin de permettre au secteur minier d’investir progressivement et de rétrocéder à l’État l’ensemble des données nécessaires pour une meilleure connaissance. L’expert minier regrette que ce concept ait été galvaudé et transformé en une sorte de spéculation qui ne dit pas son nom. « Nous devons connaitre davantage notre sous-sol et arrêter de se focaliser sur ce qui est connu par les autres consécutivement de leurs investissements, c’est-à-dire : la bauxite, le fer, l’or, le diamant pendant que la Guinée dispose de lithium, du cobalt, du nickel qu’il faut chercher et trouver dans des quantités permettant de dire que nous avons un gisement à exploiter par un investisseur » a-t-il martelé.
Les valeurs ajoutées du FOMIDE
Déjà présente lors de la première édition, la Chambre des Mines, en sa qualité d’outil au service de ses membres pour la promotion d’une exploitation minière responsable, se réjouit de la tenue de la deuxième édition du FOMIDE les 27 & 28 juin 2024 au Riviera Royal. Le Président de l’Union patronale du secteur minier formel espère que le FOMIDE permettra de quitter de la zone de la promotion du développement minier pour aller vers la promotion des minerais stratégiques pour le développement durable de la Guinée. « C’est en cela que l’événement est intéressant pour la Chambre des Mines », a-t-il souligné. La plateforme est l’un des rares cadres qui parlera de transition énergétique, même si l’empreinte carbone de la Guinée n’est pas des plus hautes. Pour lui, le FOMIDE sera également l’occasion de promouvoir le développement de petites mines qui peuvent profiter à un grand nombre et qui ne nécessitent pas de gros investissements. Il milite pour que des permis de petites tailles soient délivrés à des Guinéens et à d’autres nationalités pour trouver les minéraux qu’il faut pour approvisionner le marché actuel en différents produits de joaillerie, du numérique etc. C’est aussi cela le contenu local. « Tout le monde ne peut pas être dans la bauxite, c’est-à-dire l’exploitation, le transport, la logistique » a-t-il conclu.