Depuis quelques jours, consécutivement à un scandale de détournement présumé de plus de 200 milliards de francs guinéens par la ministre de l’Enseignement technique, on assiste à toute sorte d’invectives et autres propos méprisants et déshonorants à l’endroit des membres du gouvernement. Chacun affirme qu’ils sont des voleurs, qu’ils sont des corrompus, qu’ils le sont tous ! Quelle injustice !
Il a suffi d’une mise en cause d’un membre du gouvernement dans un article de presse, pour que la personne indexée soit déjà jugée coupable avant même que le procureur de la République ne se saisisse du dossier. La sérénité dans laquelle nous aurions tous à gagner, commande pourtant qu’on fasse comme d’autres le font pour réussir à tirer cette affaire au clair. Sans passion, on aurait respecté la présomption d’innocence. Si elle était indépendante et soucieuse de la lutte contre les détournements, la justice se serait vite saisie du dossier, sans attendre un communiqué du gouvernement. La personne mise en cause aurait démissionné pour pouvoir organiser sa défense avec responsabilité si elle est attachée au principe de bonne gouvernance. A l’issue d’un procès équitable, soit elle rembourse l’argent public et assume les autres conséquences collatérales notamment la honte, soit son innocence est prouvée, ce qui permettrait de laver son honneur. Mais non, ça ne se passera pas comme ça en Guinée. Ceux qui dénoncent sont dans la passion tout comme ceux qui défendent madame 200 milliards. Peut-être même que tous les deux camps sont manipulés par d’autres qui tirent des ficèles politiques.
L’une des nombreuses leçons qu’on aura à tirer, à la fin de cette affaire, c’est que nous ne sommes pas toujours justes vis-à-vis de nos ministres. Ce n’est pas parce qu’on a mal à une dent qu’on demande au dentiste d’extraire toutes nos 32 dents. Combien de ministres sont passés à l’Assemblée ou sur les ondes pour dire qu’ils n’ont pas les moyens ? Quel acteur de la société civile a mis pression sur le chef de l’Etat afin qu’il mette suffisamment de moyens à la disposition des ministres afin qu’il nous donnent satisfaction.
Combien de ministres aujourd’hui sont logés par l’Etat et pris en charge convenablement. Beaucoup sont dans leurs propres maisons alors que les villas de la cité ministérielle sont occupées par les progénitures des cadres d’anciens gouvernements ou louées par des tiers. Combien sont restés longtemps en location en tant que ministres de la République ? Et si on parlait de leur salaire lance-roquette qui ne vaut même pas ce qu’ils dépensent par jour ! Avec ça, on leur demande de battre campagne, d’être utiles à leurs communautés respectives, d’être en contact avec le peuple. Un peuple hélas qu’on n’attire que par l’argent. Quelle hypocrisie ! Il faudrait donc chercher beaucoup d’argent avant d’être ministre si exercer une fonction ministérielle en Guinée c’est d’aller distribuer sa fortune sans qu’on ne vous le reconnaisse d’ailleurs.
Autant nous devons être exigeants vis-à-vis d’eux pour leur dire de ne pas faire main basse sur nos biens communs, autant nous devons dire à celui que nous avons élu de leur permettre d’être à l’abri du besoin. Nous devons être juste envers eux, les protéger et défendre leur honneur dans la vérité.
Il suffit de fréquenter certains milieux pour découvrir que certains ministres peuvent même passer plusieurs mois sans avoir le prix de leur carburant alors que d’autres montent de faux dossiers et font sortir l’argent qu’ils se partagent entre eux. Ça aussi c’est une autre vérité mais qui n’intéresse personne tant que le débat restera marqué par la passion. Au moindre scandale, on insulte tout le monde. La fonction ministérielle n’a plus aucun prestige en Guinée. Et c’est bien dommage !
L’image que nous collons injustement à nos cadres qui sont passés dans le gouvernement c’est qu’ils sont tous des voleurs. Pourquoi alors s’étonner qu’ils n’occupent pas des fonctions dans les institutions internationales où la Guinée est très sous-représentée ? Il faut repencher l’Etat, son fonctionnement et son rapport avec le peuple.
Thierno Amadou M’Bonet Camara (Rescapé N°4)
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