Certains l’ont rêvé. D’autres ont essayé. D’autres l’ont peut-être même bloqué, ou manipulé, ou détourné, écrasé. Au nom d’intérêts souvent inavoués. Et le temps s’est écoulé. Et au gré des tâtonnements cousus de toutes sortes de complicités. Et la montagne a demeuré. Et Mamadi Doumbouya en impose la réalité…
On raconte que dans un royaume, un fou jetait l’or dans les puits. Dans ce royaume paisible et d’une fascinante beauté, que le Ciel avait comblé d’immenses richesses, le prince Simandou régnait sur une montagne d’or si lumineuse, si haute et d’une si grande valeur qu’elle permettrait d’offrir à chaque famille un sac de riz par jour pendant dix mille ans.
Le roi son père, maria Simandou à une riche anglaise, mais bientôt ce roi malade et affaibli par l’âge, voyant qu’elle ne donnait pas d’enfants et séduit par le charme d’une israélienne proche de la reine, ordonna au prince de l’épouser. Il fut obéi, mais mourut le lendemain des noces. Quand son successeur, devenu roi grâce aux puissants sortilèges du sorcier, apprit par les confidences d’un ambassadeur d’une île lointaine à la solde d’un chercheur d’or, qu’en fait l’israélienne convoitait la montagne de Simandou, il réhabilita illico l’anglaise en tant que favorite. Celle-ci, ravie, offrit au prince de fêter leurs retrouvailles en compagnie d’une concubine chinoise.
Mais la fête grandiose et fastueuse fut gâchée et brutalement interrompue, quand le roi stupéfait apprit que l’israélienne avait vendu son contrat de mariage à une riche courtisane brésilienne. Rendu furieux par cette trahison, et déjà averti par ses espions qu’elle avait soudoyé la reine pour obtenir la main de Simandou, le roi la congédia. Paniquée, la reine s’enfuit à l’étranger où elle dénonça son corrupteur qui fut décapité. Dès lors, rien ne put freiner la monstrueuse coulée de corruption charriant ses rivages. L’anglaise pressée de piller Simandou manœuvra avec la chinoise pour empoisonner le prince au prétexte de le soigner, tandis que le féticheur amoureux de l’israélienne promit à un ministre déchu de marabouter le roi contre un accord avec la belle.
Tous rongés de perfidie et se défiant des autres comme du diable tombèrent dans leurs propres pièges, pour finir en procès dont les empoignades verbales assourdirent le palais de menaces et d’insultes ! Tandis que la fourbe brésilienne hurla qu’elle ne payerait pas sa dote, un comparse de l’anglaise incarcéré pour trahison révéla à grands cris d’ignobles infamies. De pots de vin en peaux de bananes et de traîtrises en escroqueries, tout le palais s’enflamma pour finir en ruines hantées de vampires rôdant sur la montagne de Simandou, souillée par l’ombre des vautours et les ricanements de hyènes assoiffées d’or.
Quand, épouvanté par ce brasier qui grille les consciences et crame la vertu, le prince Simandou vit le roi sacrifier au Ciel la vie de cent de ses sujets pour obtenir cent ans de règne supplémentaire, il sombra dans un tel abîme de désespoir qu’on ne donna plus cher de sa vie. Le peuple terrorisé et affamé par le saccage du royaume réclama à Simandou un peu de riz, mais pleurant tel un père incapable de nourrir ses enfants, il avoua que la montagne d’or n’appartient plus désormais qu’à la folie humaine, à des sociétés écrans perdues dans l’océan sur des îles confettis où flânent les voleurs, et que lui, Simandou, otage impuissant de paradis fiscaux et d’enfers boursiers, ne pouvait désormais plus rien pour apaiser les souffrances des enfants du pays.
Désespérés, les citoyens, orphelins de Simandou, s’adressèrent au fou qui jette l’or dans les puits. Il suffit, dit ce sage, de calligraphier un par un les noms des enfants du pays sur le drapeau national avant de le planter au sommet de la montagne de Simandou. Ainsi, chacun étant reconnu dans sa légitimité, travail, justice et solidarité ressuscités s’installeront pour 1000 ans. Et c’est ce qu’offre Mamadi. Au-delà du rêve fou, au-delà du rêve du fou, un pont vers la prospérité, un pont vers la postérité.
Souleymane Bah & Tartar(e)