Au moment où la communauté internationale exprime sa compassion à la Guinée dans son deuil, où le Gouvernement ordonne une enquête indépendante approfondie et que les sages et chefs religieux appellent à des sanctions sévères contre les responsables et coupables du drame très meurtrier du stade de NZerekore avec son lourd bilan humain pour les Guinéens dont les larmes coulent encore, un ancien Premier ministre du nom de Kabinet Komara se singularise sur la toile et les réseaux sociaux par une sortie pour le moins abominable :
« À cet effet, il convient de louer l’attitude de tous les officiels présents au stade quand les échauffourées ont éclaté en décidant de demeurer sur place en dépit des violences pour protéger les joueurs plutôt que de les abandonner à la merci des déferlements. »
Cette avilissante déclaration visant à faire épargner les officiels alors que les enquêtes n’ont même pas commencé voile mal le clientélisme perçu chez son auteur depuis les premières secondes de sa vie administrative.
Plus grave, cette sortie frise une forme d’ignominie dont le sieur
Kabinet Komara aurait dû s’abstenir d’ajouter à la mémoire des victimes et au châtiment que vivent les familles endeuillées.
Sans doute, que ce coup de corne est de nature à surprendre une bonne partie de l’opinion étonnée qu’une personnalité – sournoise soit-elle – comme l’ancien Premier ministre pousse si loin l’horreur jusqu’à l’indécence de vouloir blanchir même avant l’heure des officiels qu’aucun élément, à ce stade des enquêtes, ne permet de mettre hors de cause, mais que des témoignages accablent.
Pour ceux qui semblent le connaître cependant, le cadre autoproclamé banquier de profession, alors que son diplôme de fin d’études supérieures fait état d’un Administrateur formé à la faculté des Sciences administratives et juridiques de l’institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry et refuse de mentionner sur sa page WIKIPEDIA sa principale et seule formation digne d’un véritable cursus universitaire dans la dite université en Guinée pour mettre en relief ses courts séjours à titre d’Auditeur Libre à « HEC (Haute École Commerciale) de Paris, l’université du Colorado aux États-Unis et l’université Américaine au Caire », est un des cadres Guinéens pour qui la vénalité a souvent justifié l’attitude et le parcours.
Depuis la compagnie d’alumine de Fria où il a fait ses premiers pas, découvert le billet de Banque et s’initier à l’affairisme avec les privilèges et avantages que lui conféraient les très hautes responsabilités à lui confiées. Malgré la rigueur du régime de l’époque, celui de la première République en l’occurrence sur les questions de gestion des ressources publiques, le tout jeune cadre a su se frayer un chemin dans le boursicotage.
Et quand surgit, le 03 avril 1984, le CMRN du colonel Lansana Conté sur la scène publique nationale, Kabinet Komara est un des cadres promus à de hautes responsabilités par les militaires avec la direction générale des investissements publics. Déjà outillé par son expérience de la compagnie Fria, on l’accuse d’avoir initié et imposé aux entreprises et sociétés bénéficiant des marchés publics, le système de la retro commission de 10%.
Selon l’entourage du Président Lansana Conté à l’époque, ce phénomène naissant dans l’administration Guinéenne, devenu endémique avec la participation de membres de la famille de Komara dans le « recouvrement », est à l’origine de la dégradation des relations pourtant très bonnes entre le Chef de l’Etat Guinéen et son cadre que le successeur du Président Ahmed Sékou Touré admirait et appréciait autant que le Responsable Suprême de la Révolution. Cet agiotage expliquerait également la mise à l’écart de Kabinet Komara dans la formation du gouvernement de technocrates du Premier ministre Sidya Touré en 1996.
Et même au Caire où il a trouvé refuge à la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) (qui – soit précisé- ne fait pas de lui un Banquier ), après sa déconfiture administrative en Guinée, il a continué à courtiser à distance des membres des différents gouvernements Guinéens selon les périodes pour toujours tirer profit des marchés publics à travers les recommandations.
La propension à l’argent est si forte et sans frein qu’il provoque un tollé général et la foudre des populations et cadres de Kankan quand il a voulu s’approprier le site de l’ancien aéroport de la capitale de la Haute Guinée.
Proposé par la sociale civile et les syndicats en 2007 sur une liste de 4 personnalités, il refuse de servir son pays après l’offre d’un portefeuille ministériel « non juteux » formulée par le Premier ministre choisi, Lansana Kouyaté exigeant à ce dernier le ministère de l’économie et des finances et la Banque centrale de la République de Guinée sinon rien. Il confirmait ainsi et de manière éloquente la rapacité dont il a généralement été accablé.
Et même quand l’occasion lui a été donnée pour la première fois, par le capitaine Moussa Dadis Camara, tombeur du défunt régime du Président Lansana Conté en 2008 en le nommant Premier ministre, Kabinet Komara n’a pas su ou pu se débarrasser du boulet de cadre avide qu’il traînait.
Sa résignation et son acceptation des pires humiliations publiques jamais subies par une personnalité Guinéenne que ne cessait de lui infliger le capitaine Moussa Dadis, rien que pour conserver son poste, prouvait à suffisance la nature déjà décrite du cadre qui a passé son temps à la Primature à manœuvrer pour arrondir ses larges angles. Beaucoup voient Kabinet Komara comme un de ceux qui ont encouragé le capitaine Moussa Dadis Camara à se cramponner au pouvoir. À ce titre, il n’est pas injuste que bien d’observateurs le considèrent comme un complice sinon acteur des massacres et viols du 28 septembre 2009 dont le procès, pour historique qu’il ait été, laisse un amer goût d’inachevé en ne s’intéressant et en ne sanctionnant uniquement que quelques exécutants des graves exactions sur les populations et non les initiateurs et concepteurs des causes sinon du crime lui-même.
Combinard, le Premier ministre prévoyant la fin de son régime après l’accident de son Président alité au Maroc, Kabinet Komara, viscéralement attaché à ses intérêts, tente de profiter des négociations politiques de Ouagadougou pour se fabriquer un Décret le nommant » Coordinateur des Accords » . Mais, plus avisé que le Premier ministre affairiste, le Général Sekouba Konaté refuse de se faire prendre dans ce piège en brisant le rêve de Kabinet Komara dans sa machine à broyer.
Haut-Commissaire de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) de 2013 à 2017, le Président Alpha Condé, qui a également eu le temps d’observer et de recevoir des rapports sur l’avidité de son compatriote, lui retire sa confiance.
Mais, jamais vaincu et toujours prompt, il est l’un des premiers cadres après le 05 septembre 2021 à revendiquer une soi-disante proximité avec le nouveau Pouvoir et à s’installer aux commandes de la fameuse villa 5 de la cité des nations pour tenter de placer des proches qui lui seraient obligés. Évincé rapidement des lieux par les nouveaux Maîtres du pays, Kabinet Komara, à 74 ans révolus, fuit la sagesse que la retraite et le 3ème âge imposent et reste attaché aux mœurs de sa jeunesse administrative. Que cherche encore Kabinet Komara ? Où veut-il encore aller après une carrière personnellement avantageuse mais sans impact significatif sur le développement socio-économique de la Guinée. Il ne fait aucun doute que sa responsabilité dans la désastreux état global de la Guinée aujourd’hui est certaine. Un audit profond et sérieux sur la gouvernance de la Guinée mettrait également en cause Kabinet Komara.
Si on le sait sournois sinon fourbe, il était inimaginable que le Premier ministre curieusement survivant d’un régime dont le Président croupit dans les geôles, se soit montré si insensible aux douleurs des populations au point de faire cette malencontreuse sortie abominable pour vouloir vainement défendre des officiels que seules les enquêtes pourront déterminer la responsabilité ou non dans les événements meurtriers de NZerekore.
À suivre…
Mohamed Fakoly