Dans une de nos publications en date du 30 décembre 2024, largement reprise dans la presse, la rédaction de Guinee114.Com révélait une plainte déposée au barreau contre certains avocats. Une procédure introduite par le sieur Kabinè Diané consécutivement à la gestion d’une affaire opposant sa société Guinea Power Multiservices Sarl (GPMS) et la compagnie Sily Ciment. En attendant leur comparution devant les pairs, certains avocats nient les faits d’insuffisance professionnelle et de faux et usage de faux articulés contre eux. Des hommes en robe qui reprochent à leur tour à Kabinè Diané de vouloir souiller leur réputation en les citant devant le barreau, et disent être pressés de pouvoir donner leur part de vérité au conseil de discipline. Dans cette interview, Me Bernard Sâa Dissi, avocat au barreau et collaborateur de Me Kabinè Kourala Keita, explique la genèse du différend avec un client qui n’aurait d’ailleurs jamais payé les honoraires dus à leur cabinet.
Guinee114.Com : A la suite d’une publication de Guinee114.Com, relative à la plainte déposée contre vous et d’autres avocats au Barreau, vous avez souhaité réagir. Est-ce que d’abord on peut savoir, si le Barreau vous a notifié cette plainte ?
Me Bernard Saa Dissi Millimono: Non, officiellement nous n’avons pas reçu notification de la part du bâtonnier du dépôt d’une quelconque plainte contre nous. Cependant, après l’apparition de l’article, j’ai cherché à travers les membres du conseil de l’ordre qu’il soit vérifié si réellement il y a eu dépôt d’une plainte. J’ai eu confirmation qu’effectivement il y a eu dépôt d’une plainte.
Alors, dans cette plainte, le client vous reproche vous et vos confrères de faux et d’usage de faux, insuffisance professionnelle et autres. Comment réagissez vous à ces accusations ?
Bon, que ce soit abus de confiance, faux et usage de faux ou d’autres faits répréhensibles qui sont cités dans votre article, je ne m’y reconnais pas. Absolument, rien de tout cela ne s’est passé dans les rapports entre ce client et nous. Et surtout, à la lecture de votre publication, j’ai compris, selon ce qui est mentionné, que les faits se seraient produits lorsque le dossier était devant le tribunal de commerce de Conakry. Donc, je voudrais apporter la précision que lorsque ce dossier était devant le tribunal de commerce de Conakry, je ne savais même pas s’il y avait ces sociétés qui sont opposées. Je n’avais jamais rencontré ni connu le représentant de la société qui a porté plainte, c’est-à-dire M. Kabinè Diané.
Donc, il est venu vers nous, lorsque le dossier était déjà devant la Cour d’appel, et était d’ailleurs déjà évoqué. Je suis surpris d’apprendre que j’aurais commis des fautes ou préjudices à cette société lorsque le dossier était devant le tribunal de commerce de Conakry.
Alors, pour vous, qu’est-ce qui pourrait expliquer qu’il se retourne aujourd’hui contre vous, vous qui dites l’avoir défendu ?
Sincèrement, je ne peux pas inventer. Je ne peux pas inventer ce qui a motivé M. Kabinè et sa société à déposer une plainte contre nous. C’est lorsque nous serons devant le tribunal que monsieur Kabinè va nous expliquer réellement pour quel motif précis il a porté plainte contre nous. Cependant, je peux quand même vous donner des explications sur ce qui s’est passé entre lui et nous.
Dites-nous !
Alors, M. Kabinè Diané a été recommandé à notre cabinet et précisément auprès de mon collaborateur, Me Kabinè Kourala Keïta. Il est venu au cabinet avec certains éléments de son dossier, dont le jugement rendu par le tribunal de commerce de Conakry et nous avons eu une rencontre avec lui. Ce qui prouve d’ailleurs qu’on n’était pas du tout dans le dossier à sa phase devant ce tribunal-là.
Donc, il est venu avec le jugement et les conclusions produites par le premier avocat qui était déjà dans le dossier, à savoir Me Moussa Sidibé. Il a voulu que nous entrions dans le dossier pour assurer la défense de sa société. Au cours de notre entretien, il nous a fait part de ce qu’il aurait déposé une plainte contre son premier avocat, Me Moussa Sidibé, qu’il aurait aussi déposé une plainte contre l’avocat adverse et une plainte contre un autre avocat. Je ne vais pas donner le nom de cet avocat parce que je pense que dans la plainte déposée devant le conseil de l’ordre, le nom de cet avocat n’existe pas.
J’ai cherché à comprendre pourquoi le dépôt de toutes ces plaintes. Quand il nous a dit qu’il avait déposé ces différentes plaintes, je lui ai dit qu’est-ce que vous reprochez à cet avocat, quels sont les faits dans ce dossier et les pièces. Donc, il a donné des explications, j’ai regardé le jugement, j’ai lu les écrits d’un appel fait par Me Moussa Sidibé, j’ai regardé le contrat et quelques pièces. Je lui ai dit, mais qu’est-ce que vous lui reprochez précisément? Parce qu’au regard du résultat du procès devant le tournoi de commerce de Conakry, moi particulièrement, je constate que la décision qui a été rendue est une décision qui est très bonne pour votre société. Je ne peux pas parler pour vous faire plaisir ou pour qu’un avocat quitte dans un dossier à mon profit. Si je remarque qu’un avocat n’a pas correctement fait son travail, je ne suis pas juge de ça. Je peux me réserver, mais lorsque je remarque que réellement je ne vois pas la faute commise par un avocat, je ne manquerai pas aussi de dire réellement je ne vois pas la faute que l’avocat a commise. Puisque vous dites que le conseil est saisi, il est mieux indiqué pour se prononcer sur ça. Cependant moi personnellement, sur la base de la décision que j’ai devant moi et les faits dont vous m’avez expliqué, moi d’ailleurs à la place de cet avocat, je ne demanderais pas tout ce que vous avez demandé.
Je demanderais une partie en principal et l’autre je la demanderais en dommages et intérêts. Mais si lui il a demandé et il a obtenu tout cela, je pense que tu dois être satisfait de la décision qui a été rendue. Il m’a dit qu’il avait souhaité que le tribunal ordonne une exécution provisoire. Cela n’a pas été fait. Là aussi je lui ai dit, à mon avis, l’exécution provisoire ne peut pas être ordonnée par un avocat. Un avocat peut la solliciter, il appartient au tribunal d’accorder ou pas.
Dans le cas d’espèce, est-ce qu’il a sollicité l’exécution provisoire, est-ce qu’il ne l’a pas sollicitée, je n’étais pas devant le juge pour le savoir. La seule chose que je sais c’est que ce n’est pas un avocat qui l’accorde, c’est le juge qui donne. L’avocat peut solliciter et ne pas obtenir. Après ça, il m’a aussi fait comprendre qu’il n y a pas que ça. Qu’il avait obtenu une ordonnance de saisie conservatoire, l’avocat n’a pas procédé à l’exécution de cette ordonnance. Je lui ai fait observer que même si vous obteniez une ordonnance de saisie conservatoire, ce n’est pas à l’avocat de l’exécuter. L’exécution de la décision de justice, ça c’est le ressort de l’huissier. Il dit mais si cette décision avait été exécutée aujourd’hui, je serais en possession de mon argent parce que j’ai gagné devant le tribunal de commerce. Je lui ai dit non, même si l’ordonnance avait été exécutée, vous ne pouvez pas entrer en position de votre argent parce que l’ordonnance de saisie conservatoire n’a qu’un effet conservatoire, ça rend les fonds indisponibles, ça ne vous permet pas d’avoir accès à ces fonds-là. Il faut d’abord continuer la procédure. Lorsque vous aurez un titre exécutoire, vous pourrez ensuite faire une conversion de saisie. Mais cela ne vous permettrait pas d’avoir cet argent.
En réalité, je n’ai pas vu les choses réelles pour lesquelles une plainte pouvait être déposée contre un avocat. Je lui ai demandé quel était le cas de l’avocat adverse. Parce qu’à mon sens, même si vous êtes opposé à quelqu’un, il a le droit d’avoir un avocat. Mais vous avez porté plainte contre cet avocat, pour quel motif ? Il y a un autre avocat aussi dont je ne dis pas le nom, pour quel motif ? Il m’a déclaré que c’est son avocat qui a constitué ces avocat-là pour la défense de la société adverse. J’ai dit ah, votre avocat peut-il constituer des avocats pour assurer la défense des avocats de la partie adverse. J’ai dit comment cela peut-il se faire et que finalement c’est vous qui gagnez le procès. Il a dit non, c’est lui qui a constitué les avocats. Je lui ai dit bon, si vous n’avez pas les preuves de ce que vous avancez, à mon avis, il ne sert à rien de porter des plaintes par ci par là, moi j’aurais souhaité qu’on se concentre sur l’essentiel. Vous avez déjà une décision de justice, on peut se donner la main pour continuer à assurer la défense de votre société à votre entière satisfaction.
On a fait une convention honoraire, nous avons demandé une provision. Dans la discussion, il a diminué et est descendu jusqu’à un montant de cinq (5) millions. Je lui ai dit que c’est insignifiant par rapport au volume du travail que nous devons faire. Cela étant, mon collaborateur a dit non, il va payer ça aujourd’hui. Nous avons signé mais il a trouvé moyen de ne pas payer et il est parti. Il venait, à chaque fois il promettait, mais il n’a jamais payé. Moi j’ai continué à travailler sur le projet de conclusion pour pouvoir faire les formalités, informer les conseils adverses et entrer dans la procédure. Je l’ai fait appel, je lui ai fait lecture du projet de conclusion et il a dit qu’il valide à 100%, qu’il est d’accord. Je lui ai dit envoyez maintenant la provision pour qu’on fasse les formalités à l’effet pour nous d’entrer effectivement dans le dossier. Il a toujours continué à tourner, il n’a jamais payé.
Après, il a dit qu’il voudrait qu’on dépose une requête aux fin de saisir un navire pour garantir sa créance pour l’exécution de la future décision qu’il obtiendrait. Je lui ai dit mais je ne vois pas trop le rapport entre ces navires et la créances et il n’avait pas aussi assez d’éléments pour l’identification du navire. A ces motifs, je l’avais conseillé de laisser cette procédure de saisie. Mais il a beaucoup insisté et envoyé certains éléments, mais je lui ai dit que je ne vois pas trop le rapport. Je précise que les conclusions, lors qu’il les a validées, je les ai transmises à mon collègue par qui le dossier est entré dans le cabinet. Il en est de même aussi pour le projet de la requête que j’ai fait. Plus tard, Après le dépôt de la requête, il m’a informé que l’ordonnance n’a pas été signée le premier président. Ces jours, il promettait d’envoyer la provision.
Un autre jour, il est venu s’assoir là où vous êtes, il dit Me le dossier-là, il y a une main derrière. Il voulait parler de Me Moussa Sidibé, sans dire son nom. Il a utilisé le nom d’un animal sauvage sur lequel moi je ne vais pas revenir. Je lui dis mais qu’est-ce que vous insinuez ? Il a dit non, Me Moussa Sidibé a la main derrière le dossier. Je lui ai dit écoutez, moi je vous ai déjà dit quelqu’un qui défend ton dossier, au même moment vous avez des doutes sur lui. J’avais regardé les conclusions en appel que Me Moussa Sidibé avait faites. Pour moi, pour apprécier un avocat dans un dossier civil ou commercial qui sont des dossiers essentiellement écrits, je n’ai rien vu dans ses écrits qui soit contraire aux intérêts de votre société. Il n y a pas raison pour moi que je me dresse contre lui. Dans ce dossier, je vois que tu as assez de mesquinerie. Pour ne pas qu’il y ait des problèmes demain, si on ne s’entend pas sur ce dossier, on pourrait s’entendre sur un autre. Je me suis levé, j’ai pris le dossier et je le lui ai donné. Ce n’était pas un dossier en tant que tel, mais il nous avait emmené certaines pièces qui nous ont permis d’avoir une compréhension du dossier. C’est ce fond de dossier que je lui ai rendu. J’ai dit prenez votre dossier et partez. Il a dit Me j’ai confiance en vous, j’ai dit non, il faut partir. Il n’est pas parti avec le dossier.
Quand mon collaborateur est venu, je lui ai fait part en lui disant ce client est entré dans le cabinet par toi mais j’ai pris la décision sans te consulter de lui retourner son dossier parce que je le trouve assez mesquin, il est problématique. Quelques jours après, il est revenu. J’avais des gens au bureau ici. Je lui ai demandé de m’attendre, j’étais en entretien mais il a insisté. J’ai vu un papier avec lui que j’ai lu. Sur ce papier, il parle effectivement d’insuffisance professionnelle et de conflit d’intérêt et il demandait d’arrêter de travailler dans son dossier. Pour quelqu’un qui avait déjà pris la décision de retourner son dossier à un client, si le même client vient demander d’arrêter de travailler dans son dossier, je pense que c’est la chose la plus simple. Je lui ai dit donnez à la secrétaire, elle va enregistrer. Il a dit non, d’émarger moi-même. Je lui dis qu’il ne pouvait pas m’imposer le fonctionnement de mon cabinet. Il a envoyé à la secrétaire.
Quand mon collaborateur est revenu, je lui ai présenté le document. Mon collaborateur a estimé qu’il fallait qu’on introduise une procédure contre lui pour diffamation, il faut qu’il nous dise c’est quoi le conflit d’intérêt, c’est quoi l’insuffisance professionnelle. Peut-être si j’avais suivi mon collaborateur, c’est nous qui aurions envoyé M. Kabinè au tribunal pour diffamation avant qu’il ne dépose une plainte devant le conseil de l’ordre. Depuis ce jour, je ne l’ai plus vu, on n’en a jamais parlé. Je ne connais même pas qui dirige cette société, le personnel est composé de qui, je ne connais rien dedans. Lui et moi, on ne s’est plus vu.
En attendant donc le procès qu’il a intenté contre vous devant le barreau, que diriez-vous alors à nos lecteurs et à vos connaissances ?
Je pense qu’il y a beaucoup de personnes qui me font confiance. Les autres avocats qui sont dans la plainte. Le cas de Me Bombi par exemple, l’avocat de la partie adverse. C’est quand j’ai vu la publication que je l’ai appelé pour demander ce qui s’est passé mais il ne m’a pas répondu. J’ai appelé Me Moussa lui il m’a dit de laisser tomber. J’ai dit mais qu’est-ce qui s’est réellement passé pour qu’on se retrouve tous dans même procédure devant le barreau où on nous accuse de ceci et de cela ? Je n’avais même pas le numéro de Me Oumou Koultoumy. Quand je l’ai appelée, elle m’a confirmé qu’elle avait connaissance de cette publication et qu’elle a déjà parlé avec l’un des journalistes. C’est à travers ses explications que j’ai compris qu’elle-même avait été contactée avant nous mais dans toutes nos discussion avec M. Kabinè, il ne nous a jamais parlé d’elle.
Moi je rassure toutes les personnes qui ont confiance en moi que cette plainte déposée devant le conseil de l’ordre, je ne peux pas prétendre avoir une intelligence ni une technicité meilleure à ceux qui sont chargés d’examiner cette plainte. Ce sont mes formateurs, mes professeurs et mes ainés. Mais les faits quand même, je suis bien placé pour savoir ce qui m’est reproché. Donc là je rasure tout le monde que cette plainte n’aboutira absolument à rien. Je n’ai rien fait qui soit susceptible de ces différents qualificatifs. La deuxième des choses, on a déjà contacté des avocats. Il y aura des procédures qui seront régulièrement introduites pour que la lumière soit faite sur cette affaire. C’est Dieu qui est grand et je pense que la vérité finira par triompher. A l’issue des différentes procédures, on saura réellement entre M. Kabinè et nous, qui est moralement reprochable. C’est lui qui a commencé mais on verra la suite.
Entretien réalisé par Thierno Amadou M’Bonet Camara
622 10 43 78