Lors de l’audience en cours devant la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) ce lundi 17 mars 2025, consacrée aux plaidoiries et réquisitions dans l’affaire opposant l’État guinéen à l’ancien ministre Dr. Ibrahima Kourouma et à M. Mohamed V Sankhon, poursuivis pour détournement de deniers publics et enrichissement illicite, le ministère public a requis de lourdes peines à l’encontre des prévenus.
Dans sa plaidoirie, Maître Sékou Traoré, conseil de M. Mohamed V Sankhon, a vigoureusement contesté les charges retenues contre son client, rejetant tout lien entre ce dernier et la gestion du budget sous la responsabilité de l’ancien ministre Ibrahima Kourouma. Il a sollicité auprès du tribunal présidé par le juge Yagouba Conté la relaxe pure et simple de son client au bénéfice du doute.
« Le docteur Ibrahima Kourouma a déclaré, de manière explicite et sans ambiguïté, qu’il n’a jamais collaboré avec M. Mohamed V Sankhon. Lorsque M. Kourouma était en fonction au ministère de l’Enseignement pré-universitaire, mon client n’occupait pas le poste de Directeur Administratif et Financier (DAF). Par conséquent, il ne saurait être associé à la gestion de ce dernier. Ce lien est tout simplement inexistant », a soutenu Maître Traoré.
Il a, en outre, précisé que M. Sankhon a été nommé DAF du ministère de l’Enseignement pré-universitaire le 20 juin 2020 et qu’il n’a exercé ces fonctions que durant dix-huit mois. « Durant cette période, il n’a géré qu’un seul budget sous l’autorité du ministre Bano, d’un montant de 53 milliards de francs guinéens », a-t-il rappelé, déplorant que son client se retrouve seul devant la CRIEF. « Vous constaterez que M. Mohamed V Sankhon est le seul à répondre devant cette cour, alors même que le ministre Bano, qui était l’ordonnateur des dépenses, est absent. Or, M. Sankhon n’était qu’un exécutant. Malgré cette situation inéquitable, il a produit devant cette juridiction l’ensemble des documents justifiant la gestion des 53 milliards de francs guinéens qui lui sont imputés », a plaidé son avocat.
Évoquant les réquisitions du ministère public, Maître Traoré a pointé l’incohérence des accusations. « Le parquet requiert la condamnation de mon client au paiement de 53 milliards de francs guinéens, correspondant aux fonds alloués au ministère de l’Enseignement pré-universitaire pour l’année 2021. Ces fonds étaient destinés à la rentrée scolaire, à l’organisation des examens et concours, ainsi qu’à la rénovation et la construction d’établissements scolaires. Or, ces travaux ont bel et bien été réalisés. Les contrats sont versés au dossier, les écoles rénovées sont identifiables, les constructions sont justifiées, les examens ont eu lieu, et les diplômes ont été délivrés. Les pièces justificatives sont disponibles. Comment peut-on alors prétendre que ce budget aurait été détourné, comme si l’année 2021 avait été une année blanche en Guinée ? », s’est-il interrogé, dénonçant une volonté manifeste de ternir l’image de son client sans fondement juridique avéré.
Répondant aux accusations d’enrichissement illicite portées contre M. Mohamed V Sankhon, Maître Traoré a démontré, point par point, les arguments du parquet. « Le premier immeuble attribué à mon client date de 2010, une période où il n’occupait aucune fonction significative dans l’administration. Cet immeuble lui a été transmis par son père à titre de don. Quant au second immeuble, acquis en 2018, il appartient au couple qu’il forme avec son épouse, laquelle est une femme d’affaires. Le terrain sur lequel il est bâti a été acquis pour un montant de 500 millions de francs guinéens, bien avant que mon client ne soit nommé DAF. Chercher à lui imputer une fortune inexpliquée dans ces conditions relève de la pure spéculation », a-t-il affirmé.
Il a également dénoncé la confusion faite entre les biens de son client et ceux de son père. « Le parquet spécial va jusqu’à attribuer à mon client des biens appartenant à son père. Celui-ci est propriétaire d’immeubles situés à Freetown, en Sierra Leone, dont la gestion est confiée à un cabinet d’avocats. M. Mohamed V Sankhon n’en est que le mandataire pour le compte des cohéritiers, un mandat dûment établi par acte notarié. Les loyers sont perçus et attestés par des quittances officielles. Il est donc inadmissible que ces biens soient assimilés à son patrimoine personnel », a-t-il plaidé.
Enfin, Maître Sékou Traoré a réagi à la demande formulée par l’État guinéen, réclamant à son client le paiement de 50 milliards de francs guinéens. « Il semblerait que l’État guinéen cherche à combler un déficit budgétaire en exigeant des sommes astronomiques à des citoyens sans fondement juridique. Peut-on réellement exiger de quelqu’un le paiement de 50 milliards sans la moindre preuve d’infraction ? Sur quelle base juridique repose cette réclamation ? Si ce n’est que du vent », a-t-il déclaré avant d’exprimer sa confiance en la justice. « Fort heureusement, nous sommes devant une juridiction avertie, capable de rendre une décision juste et équitable. Nous espérons que cette cour nous départagera en toute impartialité et rétablira les droits de mon client », a conclu Maître Traoré.
Aliou Diaguissa Sow
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