Depuis longtemps, les sociétés publiques sont une forme d’organisation couramment utilisée dans divers domaines de l’administration et des services publics à travers le monde. Au cours des deux dernières décennies, tant les pays africains que les pays développés ont vu la création de nouvelles entreprises publiques à un rythme accéléré, souvent en réponse à des pressions politiques et managériales. La Guinée, en particulier, n’est pas en reste. Les autorités financières du pays s’emploient à élaborer une architecture de gestion et de contrôle financier robuste, visant à concrétiser les avantages des entreprises publiques sans compromettre la discipline budgétaire ni l’efficacité des allocations de ressources. En raison de leur nature spécifique, ces entreprises sont dotées d’organes de gestion spécialisés. Pour garantir une bonne gouvernance, un système de contrôle financier rigoureux est mis en place.
- Organes de gestion des sociétés publiques
Les organes de gestion jouent un rôle crucial dans le fonctionnement des sociétés publiques, assurant à la fois la supervision et la direction stratégique des activités. Ces structures spécialisées sont conçues pour répondre aux exigences uniques des entreprises publiques, en tenant compte de la complexité et de la diversité des missions qu’elles doivent accomplir. En Guinée, comme ailleurs, ces organes sont essentiels pour garantir la transparence, l’efficacité opérationnelle et la responsabilisation au sein des entreprises publiques. Ils sont composés de divers acteurs clés, dont le conseil d’administration, le président du conseil d’administration, le directeur général et les Gouvernances externe : l’exercice de la tutelle, chacun ayant des responsabilités spécifiques pour soutenir une gestion saine et performante.
Composition des organes de gestion
D’emblée, il convient de préciser que par dérogation au droit des sociétés, les sociétés dont le capital est détenu à environ 50% par l’Etat ne tiennent pas d’Assemblée générale. Il nous échoit de débuter par l’un des acteurs clés de l’entreprise publique qui est nul autre que le Conseil d’Administration (CA).[1]Les organismes publics sont régis par des structures de gouvernance rigoureuses afin d’assurer une gestion efficace et transparente. En effet, le Conseil d’Administration joue un rôle central dans cette gouvernance, puisqu’il définit les orientations stratégiques et veille à leur mise en œuvre. Ainsi, il se saisit de toute question relative à la bonne marche de l’organisme, règle les affaires importantes par ses délibérations et procède à divers contrôles et vérifications. Cette responsabilité garantit que l’organisme fonctionne conformément à ses objectifs et répond aux attentes de ses parties prenantes. Par ailleurs, les membres du Conseil d’administration sont régulièrement informés de l’évolution des activités et des résultats de l’organisme. Ils examinent également la situation des principales filiales et participations, ainsi que l’exécution des contrats de programme. Cette surveillance permet au Conseil de réagir rapidement aux changements et de prendre des décisions éclairées.
En outre, le Conseil d’administration approuve plusieurs décisions majeures, y compris le budget, les programmes d’investissement, et les politiques de financement. Il arrête les comptes de l’exercice précédent et détermine la rémunération des hauts dirigeants. Le Conseil autorise également les cautions, avals, et garanties, et examine les prises, extensions, et cessions de participation de l’organisme et de ses filiales. Cette fonction décisionnelle est cruciale pour maintenir une gestion financière saine et une croissance soutenue.
De plus, le Conseil d’administration se réunit au moins deux fois par an, sous la convocation de son président. Ces réunions font l’objet de comptes rendus systématiques, transmis à l’ensemble des administrateurs et aux autorités de tutelle. Au moins une réunion annuelle est consacrée à l’examen du budget ou des comptes prévisionnels, et une autre à l’examen des comptes annuels accompagnés d’un rapport de gestion. En cas de nécessité, le tiers des administrateurs ou le Directeur Général peuvent demander la convocation d’une réunion supplémentaire.
D’autre part, le fonctionnement du Conseil d’administration est encadré par un règlement intérieur qui précise les modalités de ses activités. Ce règlement peut également détailler les décisions spécifiques soumises à l’approbation du Conseil et les seuils financiers applicables aux transactions immobilières et autres engagements significatifs. Il convient de noter que les conseils d’administration jouent un rôle essentiel dans la gouvernance des organismes publics et des sociétés mixtes. Leur composition et les modalités de nomination des administrateurs sont encadrées par des dispositions spécifiques pour garantir une représentation équilibrée et une expertise adéquate. En particulier, les conseils d’administration des sociétés publiques et mixtes sont constitués selon le droit des sociétés, tout en respectant certaines dispositions spécifiques.
Dans le cas des établissements publics administratifs ou des sociétés publiques, le conseil comprend entre trois et sept administrateurs représentant l’État. Ces administrateurs sont désignés parmi les cadres dirigeants des ministères de tutelle, avec un nombre pouvant atteindre neuf pour des organismes de grande taille. Au moins un administrateur est nommé par le ministre chargé des finances. Il faut souligner que les administrateurs sont nommés en raison de leur fonction au sein du ministère de tutelle.
La perte de cette fonction entraîne leur démission automatique du conseil et leur remplacement par leur successeur. La liste des administrateurs représentant l’État est publiée au Journal officiel et sur le site du ministère des finances, avec des mises à jour régulières. Par ailleurs, en plus des représentants de l’État, le conseil peut inclure des représentants d’autres ministères et des personnalités qualifiées, désignées conjointement par les ministres de tutelle. Ces personnalités apportent une expertise indépendante et ne représentent pas l’État. Le contrôleur financier et l’analyste des risques participent également au conseil avec une voix consultative, pouvant émettre des avis sans prendre part au vote. Il est également important de mentionner que les conseils d’administration des établissements publics administratifs et des sociétés publiques ne comprennent pas plus de onze administrateurs. Ceux des organismes gérant un service public doivent inclure au moins un représentant des usagers, assurant ainsi une voix pour les bénéficiaires des services. Enfin, les administrateurs représentant l’État dans les établissements publics administratifs ou les sociétés publiques sont nommés pour un mandat de trois ans, renouvelable une fois. Ceux des sociétés mixtes sont nommés pour la même période que les autres administrateurs, assurant une continuité et une cohérence dans la gouvernance.
Il semble nécessaire de préciser que le Conseil d’administration est dirigé par un Président du Conseil d’administration. Celui-ci occupe une position clé dans la gouvernance des organismes publics. Il détermine, sous son autorité, les grandes orientations et la stratégie de l’organisme. Cette responsabilité comprend la mise en place de réunions périodiques avec l’équipe de direction pour rappeler les orientations stratégiques et s’assurer de leur mise en œuvre. Ce processus de suivi régulier garantit que les objectifs de l’organisme sont clairement communiqués et atteints de manière efficace.
La nomination du Président du Conseil d’administration varie selon le type d’organisme. Pour les établissements publics administratifs ou les sociétés publiques chargées de service public, le Président est nommé par décret pris en Conseil des ministres. Ce décret est accompagné d’une lettre de mission qui fixe les grandes lignes du mandat et les priorités définies par les ministres de tutelle. Cette lettre de mission sert de guide pour l’action du Président et établit clairement les attentes et objectifs à atteindre. En ce qui concerne les sociétés mixtes, la désignation du Président du Conseil d’administration se fait conformément au droit des sociétés. Toutefois, cette désignation doit être validée par le ministre ayant la tutelle de la société mixte. Cette validation assure une cohérence avec les objectifs et les politiques de l’État.
À côté de lui, nous avons le Directeur Général, qui joue un rôle crucial dans la mise en œuvre concrète des orientations définies par le Conseil d’administration et assure la bonne marche de l’organisme dans le cadre de ses statuts. Ses responsabilités incluent plusieurs aspects essentiels de la gestion opérationnelle et stratégique : Notamment, la négociation du contrat de programme, la gestion du personnel, la nomination des cadres dirigeants, la signature des contrats et marchés ainsi que le reporting périodique. Il est par ailleurs un acteur clé dans la gouvernance des organismes publics, responsable de la traduction des orientations stratégiques en actions concrètes. Par la négociation, la gestion des ressources humaines, la nomination des cadres dirigeants, la signature des contrats, et le reporting périodique, il assure que l’organisme fonctionne efficacement et répond aux objectifs fixés par le Conseil d’administration. Cette fonction est essentielle pour garantir la performance et la bonne gouvernance de l’organisme.
Exercice de la tutelle des sociétés publiques
Après avoir passé en revue les organes qui composent la gouvernance interne, il est nécessaire de faire une pause pour présenter les structures de gouvernance externe. La gouvernance externe, souvent désignée par le terme de tutelle, est une mission essentielle pour garantir le bon fonctionnement des organismes publics et leur alignement avec les objectifs de politique publique.
Chaque organisme public est placé sous la tutelle d’un ministre désigné lors de sa création ou lors de la prise de participation majoritaire de l’État. Ce système de tutelle [2]assure que les objectifs techniques et financiers sont atteints, tout en protégeant les intérêts patrimoniaux de l’État. En particulier, le ministre chargé des finances joue un rôle crucial dans la tutelle financière, veillant à ce que les ressources de l’État soient utilisées de manière efficace et responsable. Il s’assure que l’exécution des missions de l’organisme n’est pas compromise tout en préservant les intérêts financiers de l’État.
Les ministres de tutelle ont plusieurs responsabilités clés, notamment la définition des missions et objectifs des organismes publics, la participation à l’élaboration des contrats de programme, et la vérification de leur adéquation avec le plan de développement du secteur concerné. Ils suivent également l’exécution de ces contrats et examinent les budgets annuels de fonctionnement et d’investissement pour garantir leur cohérence avec les objectifs préétablis. Un aspect essentiel de la tutelle est la surveillance régulière des indicateurs techniques des organismes publics.
Cette surveillance permet d’informer le gouvernement des progrès et des défis rencontrés. Les ministres de tutelle approuvent aussi les budgets et les comptes des établissements publics administratifs et des sociétés publiques après délibération du Conseil d’administration, et supervisent les demandes de prêt et les recours à des instruments financiers spécifiques. Les administrateurs représentant l’État au sein des conseils d’administration des organismes publics jouent un rôle clé dans l’exercice de la tutelle. Ils doivent s’assurer que les missions de l’organisme sont menées de manière satisfaisante tout en minimisant les coûts et risques financiers pour l’État. Leur mandat implique une obligation d’honnêteté et de loyauté envers l’organisme public et les ministres de tutelle. Ces administrateurs doivent appliquer les directives des ministres de tutelle, représenter l’État avec intégrité et ne pas exprimer d’opinions personnelles lors des réunions du conseil d’administration. Leur présence à toutes les réunions est obligatoire, et des sanctions sont prévues en cas d’absences non justifiées.
En cas de manquement à leurs obligations, les administrateurs peuvent être tenus responsables devant les juridictions compétentes, y compris la Cour des comptes. Cela souligne l’importance de leur rôle et la rigueur nécessaire dans l’exercice de la tutelle des organismes publics.
- Mécanismes de contrôle financier
Les mécanismes de contrôle financier sont des outils et des procédures mis en place par une organisation pour surveiller, gérer et protéger ses ressources financières. Ils visent à garantir l’intégrité des opérations financières, prévenir les fraudes, et assurer la conformité aux réglementations en vigueur. Ces mécanismes jouent un rôle crucial dans la stabilité et la transparence financière, en fournissant des cadres pour l’audit interne et externe. La gestion des risques, et l’évaluation de la performance économique.
Audit interne et externe
Contrôle et Évaluation des Organismes Publics
Les établissements publics administratifs sont soumis à un contrôle rigoureux exercé par plusieurs entités. Un contrôleur financier, l’inspection générale d’État, l’inspection générale des finances, et la Cour des comptes jouent un rôle crucial dans ce processus, conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances et ses textes d’application. Ce contrôle garantit une gestion budgétaire et comptable transparente et efficace.
Pour les sociétés publiques et les sociétés mixtes, un représentant de la tutelle financière, souvent un analyste ou un évaluateur, est chargé d’analyser régulièrement les risques et d’évaluer les performances de ces organismes. Ce représentant veille à la protection des intérêts patrimoniaux de l’État et présente des rapports périodiques sur la situation économique et financière des organismes surveillés. Il est indispensable que l’organisme public fournisse toutes les informations nécessaires à cette mission, y compris celles relatives à ses filiales. Hiérarchiquement, cet analyste/évaluateur dépend du Directeur chargé des participations de l’État.
Le contrôle externe de ces sociétés est assuré par le Commissaire aux comptes, garantissant une évaluation indépendante et objective des comptes et des pratiques financières. Par ailleurs, les budgets, comptes prévisionnels, et comptes des organismes publics sont publiés sur les sites internet de leurs ministères de tutelle. Ces documents sont également transmis aux commissions compétentes de l’Assemblée Nationale et à la Cour des comptes, qui procède à un contrôle approfondi de la gestion des sociétés publiques et mixtes, pouvant déclencher une procédure de discipline budgétaire en cas de manquements.
Les organismes publics, qu’il s’agisse d’établissements administratifs, de sociétés publiques ou de sociétés mixtes, doivent appliquer le code des marchés publics. Cette conformité est essentielle pour garantir la transparence et l’équité dans les processus d’acquisition et de dépenses. Chaque année, un rapport annexé au projet de loi de finances détaille tous les flux financiers intervenus entre l’État et les organismes publics, y compris les subventions et les éventuelles taxes affectées à ces organismes.
Ce rapport offre une vision claire des soutiens financiers de l’État aux différents organismes publics. En outre, un rapport sur la performance des organismes publics et des participations de l’État est annexé chaque année au projet de loi de règlement. Ce rapport présente des éléments clés tels que le chiffre d’affaires et le résultat net de chaque organisme, une analyse des principaux postes de dépenses, et un récapitulatif des flux financiers entre l’État et les organismes publics. Il inclut également les résultats des principaux indicateurs de suivi définis dans les contrats de programme pour chaque organisme, offrant ainsi une évaluation complète et transparente des performances et de l’efficacité des organismes publics.
Ce cadre de contrôle et d’évaluation est essentiel pour assurer que les organismes publics fonctionnent efficacement, en alignement avec les objectifs de politique publique et en garantissant une gestion financière rigoureuse.
Rapports financiers et transparence
Subventions et Obligations des Organismes Publics
Les organismes publics ne peuvent recevoir directement des impôts, droits, ou taxes, conformément à l’article 8 de la loi organique relative aux lois de finances. Cette règle garantit une utilisation transparente et équitable des ressources publiques.
Quant aux subventions attribuées aux établissements publics administratifs, elles couvrent les coûts de leurs activités, à l’exception de ceux déjà financés par leurs propres ressources. Étant à but non lucratif, leurs subventions d’État peuvent être ajustées en fonction de l’augmentation de leurs ressources propres. En ce qui concerne ces subventions, elles sont clairement séparées en dépenses de fonctionnement et d’investissement, et sont soumises aux avis du Ministre de tutelle et à l’approbation du Ministre des finances.
En ce qui concerne les sociétés anonymes, partiellement ou entièrement détenues par l’État, elles ne peuvent recevoir de subventions, sauf celles accessibles à toutes les entreprises d’un secteur spécifique. Toutefois, les sociétés publiques offrant un service public peuvent recevoir des subventions pour compenser certaines charges ou pertes dues à des tarifs réglementés, ainsi que des subventions en capital pour leurs investissements.
Les organismes publics, quant à eux, sont soumis aux mêmes obligations fiscales et douanières que les autres entités, sauf dérogation prévue par la loi de finances. En outre, ils doivent payer les redevances domaniales, minières ou portuaires prévues par la législation. Les impôts et redevances collectés sont versés au budget général de l’État.
D’autre part, toutes les sociétés anonymes avec une participation de l’État doivent verser des dividendes, selon le droit des sociétés. Les décisions des conseils d’administration des sociétés publiques fixant les dividendes doivent être approuvées par le Ministre des finances, tandis que les sociétés mixtes suivent les règles du droit des sociétés commerciales sans besoin d’approbation ministérielle.
Par ailleurs, chaque année, le Ministre des finances présente un rapport détaillé à l’Assemblée Nationale sur la gestion des participations de l’État dans les sociétés anonymes. Ce rapport, annexé à la loi de règlement, inclut les comptes du budget d’affectation spéciale et rend compte des cessions et acquisitions de titres, justifiant chaque opération et fournissant un bilan financier complet.
Référencements
- LOIS ET ARRETES GUINEENS
- Loi L/2015/N° 008/An du 25 mai 2015 portant Code des investissements en République de Guinée
- Loi L/2017/056/AN du 08 décembre 2017, modifiant certaines dispositions de la Loi L/2016/075/AN du 30 décembre 2016, portant Gouvernance Financière des Sociétés et Etablissements Publics en République de Guinée.
- Arrêté A/2021/860/MEF/CAB/SGG du 29 avril 2021 portant qualification et catégorisation des entreprises
- Loi n°2001-18 du 23 octobre 2001 sur la réforme des entreprises publiques en guinée
- LOIS SENEGALAISES
- Loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022 relative au secteur para public au Sénégal, au suivi du portefeuille de l’Etat et au control des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique
- LOI IVOIRIENNE
- Loi ivoirienne n° 2020-626 du 14 août 2020 portant définition et organisation des sociétés d’Etat
- Loi Burkinabé
- Code de bonnes pratiques de gouvernance des sociétés d’Etat au Burkina Faso
- RESSOURCES DOCUMENTAIRES
- Article de Mohamed CAMARA, économiste consultant, associé gérant du Cabinet Conseil MOCAM CONSULTING et membre du réseau KILLY, portant « gouvernance des sociétés publiques en Guinée » et « la notion d’organismes publics »
- Document portant Gouvernance des entreprises publiques et privées au Burkina Faso : Etat des lieux et perspectives
- Termes de références de la revue annuelle des établissements publics administratifs
- Rapport sur l’état de la gouvernance et la reddition des comptes, édition juin 2023
[1] Titre III de la loi L056 portant gouvernance financière des sociétés et établissements publics
[2] Titre IV de la loi L056 portant gouvernance financière des sociétés et établissements publics
Lancine Doumbouya
Consultant – Ingénieur Système d’Information Audit Contrôle de Gestion – Associé-Gérant de BALIMANA CONSULTING & INVESTMENT SARL
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