A qui profitent les manifestations en Guinée ? (Par Mamoudou Boulléré Diallo)

Du regard d’un observateur de la scène sociopolitique guinéenne, on est en mesure d’affirmer que les manifestations de rue engendrent des bénéfices pour bien des acteurs. Si certains Guinéens pensent que leur pays n’a point besoin desdites manifestations parce qu’elles se soldent assez souvent par des cas de morts d’hommes et des dégâts matériels importants, d’autres estiment qu’elles représentent un droit fondamental permettant aux citoyens d’exprimer leurs désaccords quand ils ne sont pas d’accord. D’où les clivages qu’on a connus ces dernières années entre manifestants et contre-manifestants qui se disputent l’espace civique guinéen. Mais alors, à qui profitent les manifestations en Guinée ?

 Aux organisateurs ? 

Evidemment ! Car ils ont toujours quelque chose à défendre et mettent des moyens dans la mobilisation. C’est toute une équipe travaille d’arrache-pied, à travers notamment la communication dans les médias traditionnels et les réseaux sociaux.

Aux contre-manifestants ?

Sans doute aussi.  Souvent des acteurs sociaux se séparent en queue de poisson après une collaboration dans des manifestations, certains bénéficient des nominations, changent de discours tandis que d’autres attendent le tour suivant. Crise de confiance et naissance de frustration, la résultante c’est le divorce. Et l’État est accusé d’avoir fait circuler des billets de banque, souvent sans preuve.

Aux manifestants ?

En effet, oui. À la veille de chaque manifestation des jeunes sont actifs pour la mobilisation de leurs camarades. Qu’est-ce qu’ils perçoivent ? De qui ?

Au gouvernement ?

Peut-être. Mais seul le ministère de la Sécurité et celui de la Défense nationale peuvent nous dire avec exactitude combien l’État débourse dans l’achat du matériel de maintien d’ordre. (Les caméras de surveillances installées le long des routes de la capitale ; les matraques, les gaz lacrymogènes, les engins roulants et autres équipement des agents de maintien d’ordre sur le terrain, eux-mêmes combien ils perçoivent par jour comme ?

Un jeune de l’axe Hamdallaye-Bambéto-Cosa, qui a l’expérience des manifs de rue de Conakry, nous a confié que les manifestants sont toujours infiltrés par des corps habillés. «C’est eux qui jettent les cailloux en premier pour nous inciter à réagir. Il y a des gens qui sont plus chauds et qui ne se fatiguent jamais. Ils sont là dans toutes les manifestations même s’ils sont arrêtés aujourd’hui et qu’il y a manifestation demain, ils seront présents», explique-t-il. Si c’est vrai, eux aussi ont un traitement spécifique pour leurs actes ?

Aux vendeuses de sachets d’eau minérale qui se cherchent entre manifestants et force de l’ordre ? Elles sont perçues dans chaque manifestation malgré tous les risques.

A la mère de famille qui ne demande que son quotidien et qui voit sa marmite renversée au meilleur des cas, au pire son enfant ensanglanté et réduit à l’infirmité ou tué ? Je n’en crois pas. Et vous ?

Le cimetière lui n’a malheureusement jamais perdu après les manifestations, il reçoit de nouveaux ‘’martyrs’’. Mais à qui profite vraiment les manifestations, moi je n’en sais pas trop. Et vous ?

Mamoudou Boulléré Diallo, journaliste guinéen

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