Cette semaine, au cours d’une longue plénière loin des micros et cameras des journalistes, l’avant-projet de nouvelle constitution a été adopté par le Conseil national de la transition (CNT). Son préambule devrait être lu en présence des parties prenantes de la vie nationale lundi à l’occasion d’une plénière programmée à cet effet. Mais avant, le président de l’institution a rencontré quelques médias dont Guinee114.Com pour leur présenter « l’esprit » du projet.
Après cette plénière prévue lundi, le CNT entrera dans une série de séances de travail avec des représentants de différentes entités dès mercredi, la journée de mardi étant réservée à une plénière sur la loi de finances rectificative. Il s’agit notamment de représentants des partis politiques, de la presse, des confessions religieuses… L’avant-projet de constitution leur sera présenté cette fois article après article au cours de ces réunions à petits groupes sans téléphone, les préoccupations et autres «critiques objectives» recensées pour leur éventuelle intégration.
Après cette étape, le CNT convoquera une plénière pour adopter un projet de constitution qui sera publié au journal officiel de la République. Après le referendum, la Constitution adoptée sera publiée, elle aussi, au journal officiel de la République. L’objectif de cette double publication étant, selon des officiels du CNT, d’éviter qu’un projet de nouvelle constitution différent de celui qui aura été adopté au CNT, ne soit soumis au vote des citoyens lors du referendum. La mauvaise expérience de 2020 hante encore tout le monde. Le pays s’était retrouvé avec deux constitutions.
Pour le moment, la démarche du CNT est d’expliquer à toutes parties prenantes, y compris à la presse, «l’esprit de l’avant-projet de constitution » avant même d’engager le débat sur «la lettre », c’est-à-dire le contenu. Mais nous avons déjà quelques tendances à propos de ce qui pourrait être le contenu de ce document tant attendu.
Fin du pouvoir hégémonique du Président de la République
D’abord, l’avant-projet de constitution comporterait plus de deux cents (200) articles et consacrerait la création d’un Senat. Ainsi, en plus des députés à l’Assemblée Nationale, les Guinéens auront un Senat qui ne sera pas sans pouvoirs. Il jouera entre autres le rôle jusque-là dévolu au Médiateur de la République, une institution qui fait partie de celles qui vont disparaitre. Ce Senat à d’autres pouvoirs plus importants. Il aura par exemple son mot à dire dans le pouvoir de nomination du président de la République puisque les cadres que le Chef de l’Etat élu voudra nommer ministres vont d’abord passer une audition au niveau du Senat présenté comme étant une chambre non politique à la différence de l’Assemblée.
Le Conseil Economique et Social changera dans sa dénomination, ses prérogatives et sa composition. Son appellation pourrait s’apparenter à Commission nationale du développement. La Haute Cour de Justice prendra une nouvelle appellation. Elle pourrait être appelée Cour spéciale de justice de la République. Dans l’ancienne constitution, la Haute cour de justice était prévue mais elle n’a jamais été mise en place. Alpha Condé a largement bénéficié de ce vide institutionnel. Cette fois, sa mise en place pourrait être fixée à la deuxième plénière des députés de la nouvelle Assemblée.
L’une des reformes pourrait être au niveau des candidatures aux différentes élections puisque la nouvelle constitution consacrerait les candidatures indépendantes pour sortir de la dictature des partis politiques et satisfaire ceux qui ne voudraient pas être dans les partis. Le parrainage pourrait être une obligation comme au Sénégal.
Aussi, la notion de haute trahison qui peut emporter le Président de la République sera désormais clairement définie à travers les infractions constitutives de cela. Ces infractions pourraient être autour de cinq dont le bradage des ressources minières.
Une Constitution verrouillée
Toucher à la Constitution comportera des risques difficiles à affronter. D’abord, pour que les résultats d’un referendum passent, il faudra au moins 60% de taux de participation et une victoire de plus de 50%. D’autres mesures plus draconiennes seraient envisagées dans l’encadrement des referendums et toute autre ambition de changement ou de modification de la Constitution. La pétition ferait parti des moyens constitutionnels que le projet de nouvelle loi fondamentale prévoit pour les citoyens afin de leur donner le pouvoir d’agir.
Aux dires de membres du bureau exécutif de l’organe législatif, des spécialistes du droit constitutionnel ont certes travaillé sur le document mais le CNT présente son avant-projet de constitution comme étant le reflet de la société parce qu’inspiré des aspirations de la population. Puisque sa mission est de proposer un projet « qui nous ressemble et nous rassemble ».
Il faudra attendre la publication du document les jours à venir sur le site internet du CNT pour en savoir davantage. Les citoyens sont impatients de comprendre surtout autour de la possibilité ou pas pour certaines autorités du pays de se présenter aux prochaines élections même si, à priori, la charte de la transition a déjà tranché sur cette question.
Thierno Amadou M’Bonet Camara
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