Elhadj Boubacar Biro Diallo, premier Président de l’Assemblée nationale multipartite Guinéenne (1995 – 2002) s’est éteint samedi 08 février 2025 à l’âge de 103 dans sa ville natale de Mamou où il a vu le jour en 1922 dans son village de Kourou Djalloyabhè précisément. Compagnon de l’indépendance de première heure avec de notables actes de bravoure contre le colonialisme Français, militant et responsable du Parti-Etat avec de nombreuses fonctions politiques et administratives assumées sous la première République, Elhadj Boubacar Biro Diallo, chez les Guinéens et au niveau de la communauté internationale, part après une si longue carrière politique, avec l’image d’un Homme de caractère, défenseur acharné et infatigable des libertés, principes et valeurs démocratiques dans toutes ses manifestations.
Depuis l’annonce de la triste nouvelle, les témoignages qui pleuvent de toute part pour retracer les différentes étapes de sa vie, lui rendre hommage à la dimension de sa stature d’homme d’Etat, s’accordent tous sur le fait que l’Illustre disparu était une exception Guinéenne dans l’histoire politique très opportuniste et mercantiliste de ce pays depuis l’instauration du multipartisme et la légalisation des partis politiques, le 03 avril 1992.
En effet, comme l’attestent de nombreux récits notamment ceux de mes confrères Tibou Kamara, Aboubacar Sakho, Ibrahima Sory Barry BIS, Abdoulaye Sankara ou Albassirou Diallo, la particularité qui fait la grandeur historique d’Elhadj Boubacar Biro Diallo est que le certifié de l’école primaire supérieure (EPS) Camille-Guy de Conakry et du diplomé de l’école normale William-Ponty de Dakar n’a pas attendu de perdre les avantages et privilèges du Président de l’Assemblée nationale pour signifier à ses adversaires et partisans politiques non seulement la sincérité de son choix politique mais aussi et surtout la prévalence de ses convictions portées sur les valeurs fondamentales de la bonne gouvernance, principes d’Etat de Droit et de Démocratie.
Sur ces points, une profonde exégèse de l’histoire des tumultueux rapports entre le Secrétaire Général du PUP et ses collègues du BPN, d’une part, et entre le Président de l’Assemblée nationale et le Président de la République, d’autre part, indique aujourd’hui que le Général Lansana Conté, en quête de légitimité démocratique, avait une notion approximative du caractère réel et la vraie personnalité du compagnon de l’indépendance de première heure, qui a poussé la témérité jusqu’à éraillé le tricolore colonial Français, en allant chercher Elhadj Boubacar Biro Diallo pour diriger le naissant parti (PUP) et conduire le combat de la légitimation populaire. A-t-il estimé, finalement à tort, que l’ancien militant secrétaire fédéral du Parti-Etat, était un cadre Guinéen comme un autre.
Cependant, il faut reconnaître que le combat pour la légitimation et la légalisation du décennal pouvoir transitionnel du Président du CMRN, Elhadj Boubacar Biro Diallo, jusqu’au bout, l’a mené avec détermination et sur tous les fronts en parcourant le pays, tenant des meetings non sans risques dans certains endroits notamment en Haute Guinée et une bonne partie de la région Forestière, acquises à l’époque au RPG d’Alpha Condé ou en Moyenne Guinée où les personnalités de Bah Mamadou avec l’UNR et Siradiou Diallo avec le PRP dominent l’adhésion des populations et se partagent l’électorat.
Après la présidentielle du 19 décembre 1993, et l’élection au 1er tour de son candidat, le Président Lansana Conté conséquence directe de l’annulation des votes de Kankan centre et Siguiri, Elhadj Boubacar Biro Diallo, à la tête du PUP, se lance dans l’autre bataille politique, celle des législatives à travers la Guinée. Comme avant la présidentielle, sa délégation et lui rencontrent une farouche hostilité des militants de l’opposition. Ils sont confrontés à des difficultés et obstacles sur le terrain jusqu’au blocage, la confiscation des véhicules et l’interdiction d’entrée dans certaines zones.
N’empêche, le secrétaire général du PUP, coriace, fait face à la résistance des populations opposées à ses conquêtes politiques. Sous la protection de la puissance publique, il tient à faire passer son message politique partout en Guinée.
La persévérance est payante. Avec l’appui de l’administration, le PUP sort victorieux des législatives du 11 juin 1995 avec 71 députés d’Elhadj Boubacar Biro Diallo, 19 au RPG d’Alpha Condé, 9 à L’UNR de Bah Mamadou, 9 au PRP de Siradiou Diallo, 2 au PDG-RDA d’Elhadj Ismaël Gassim Gussein et Momoh Bangoura, 2 à l’UPG de Jean Marie Doré, 1 au PGP avec Elhadj Bah Jules, 1 à l’UNPG d’Ahmed Tidiane Cissé et 1 au parti Dyama d’Elhadj Mansour Kaba.
Ainsi lors de la toute première plénière, le 30 août 1995, Elhadj Boubacar Biro Diallo est élu Président de la première Assemblée nationale pluraliste Guinéenne post indépendance.
Cette consécration, non sans frayeur pour lui avec la rumeur sur les candidatures du Général Sory Doumbouya et d’Elhadj Aboubacar Somparé que la tactique du Général Lansana faisait répandre, marque aussi l’émancipation et l’affranchissement politique d’Elhadj Boubacar Biro Diallo tenant à assumer la plénitude de ses nouvelles fonctions au sommet de l’Etat.
Dès la séance d’ouverture de la première session budgétaire en juillet 1995, il tient à prévenir le Gouvernement présent au grand complet que l’Assemblée nationale dont il est le Président « ne sera pas une simple chambre d’enregistrement » en prenant à témoin l’opinion nationale et internationale de rester ferme sur le principe de la séparation des pouvoirs et de faire jouer au parlement toute sa partition dans le contrôle des actions du gouvernement, la défense de tous les droits. Avec ce tout premier discours mémorable, il marque son territoire et gagne le respect des Guinéens et des chancelleries représentées à Conakry.
Après les événements des 2 et 3 février 1996, il condamne certes la tentative de prise du pouvoir par les armes, apporte son soutien au régime du Général Lansana Conté, mais il exige que les enquêtes portent sur les vraies causes de l’insurrection militaire et se prononce contre toute forme de règlements de compte en recommandant un traitement de l’affaire selon les principes de l’Etat de droit. Cette sortie suscite des murmures à peine audibles au sein du PUP où ceux qui ne semblaient pas le connaître auparavant commencent à se poser des questions sur la liberté dont s’offre le Président de l’Assemblée nationale.
Ils seront totalement situés à partir de juillet 1996 sur la vraie personnalité de l’homme de principe que le Président de l’Assemblée nationale tenait à incarner.
Dans son discours annonçant la création d’un poste de Premier ministre et la formation d’un nouveau gouvernement sous la direction de Sidya Touré, le Président Lansana Conté affirme avoir consulté le Président de l’Assemblée nationale et le Président de la Cour Suprême.
Dans une réaction inattendue à cette affirmation, Elhadj Boubacar Biro Diallo dément formellement la version du Général Lansana Conté : » J’ai pas été consulté, c’est quand je suis allé lui dire au revoir avant mon voyage qu’il m’a informé de sa décision de former un nouveau gouvernement. Entre une information circonstancielle et une consultation, il y a tout un océan « .
Il venait de trancher le débat sur sa tendance politique en indiquant aux et aux autres que le Président de l’Assemblée nationale n’est pas le Secrétaire Général du PUP.
Autant le secrétaire général du PUP a été fervent batailleur du Président Lansana Conté en guerroyant sans retenue contre ses opposants, autant il entend être un loyal mais sincère et objectif Président de l’Assemblée nationale soucieux et respectueux de l’Etat de Droit pour lequel il croyait se battre en rejoignant le régime et en œuvrant pour la double victoire du PUP et de son champion aux législatives et à la présidentielle.
En septembre 1996, lors de la session budgétaire consacrée à la loi de finances initiale avec le discours de politique générale du nouveau Premier ministre, Sidya Touré, le Président de l’Assemblée nationale s’illustre par un réquisitoire sévère du régime caractérisé par la mauvaise gouvernance, le déficit des libertés politiques, le pillage des ressources financières etc. Au nouveau Premier ministre et à son gouvernement, Il rappelle son attachement et celui du parlement aux valeurs et vertus de la bonne gouvernance. Mettant en garde et rabrouant, au passage, des députés du PUP supportant mal les critiques et attaques de l’opposition contre le Président Lansana Conté.
Le vase était rempli pour qu’éclate enfin le latent conflit entre le Président de l’Assemblée nationale et le Président de la République.
Désormais entre les 2 personnalités, les ponts semblent couper et les liens rompus.
À l’issue de la présidentielle de décembre 1998 dans laquelle Elhadj Boubacar Biro Diallo s’est mis en retrait, la tension atteint un degré maximal entre les deux personnalités suite à l’arrestation et la longue détention du Président et candidat du RPG, Alpha Condé en décembre 1998 à Pinet.
Si le Président de l’Assemblée nationale, comme de nombreux Guinéens et observateurs internationaux, ont été étonnés de la présence d’un candidat à la présidentielle aux environs d’un poste frontière à des milliers de kilomètres de son bureau de vote à Conakry et observé, à cet effet, une certaine prudence, Elhadj Boubacar Biro Diallo a refusé, sans jugement, de cautionner la longue détention d’un député, de surcroît Président d’un parti de premier ordre.
Par rapport à cette situation synonyme à ses yeux de violation des principes de Démocratie et d’Etat de Droit, il joint sa voix à celle de toutes les personnalités qui en Guinée et dans le monde exigent la libération du principal opposant au régime du Général Lansana Conté.
Ses discours et interviews étaient des événements majeurs politiques.
Le perchoir était devenu le tribunal du régime.
Les dénonciations réitérées du Président de l’Assemblée nationale contre la mauvaise gouvernance, déclenchent les réactions parfois furieuses des députés du PUP comme Aboubacar Somparé, Sekou Decazi Camara, Sekou Mouké Yansané, Sékou Beka Bangoura, Almamy Sèkhou Sankhon ou du chef protocole à la présidence de la République, Malick Sankhon qui a fait de son parti de l’époque LCC (La Cause Commune) un virulent instrument contre Elhadj Boubacar Biro Diallo.
Mais, plus rien n’arrête le Président de l’Assemblée nationale. Pas surtout ces attaques qu’il considère comme des gesticulations désespérées ni les représailles comme le retrait des gardes de sa protection rapprochée et de sa residence de la Cité ministerielle ou les restrictions sur son budget qui ne sont pas de nature à le dissuader. Au contraire, en harmonie avec sa conscience, il ne désarme point. » Ma sécurité est entre les mains de DIEU «
Fidèle aux principes qui ont présidé son engagement politique en faveur du Président du CMRN, il accepte le sacrifice de la « punition « , continue de denoncer toute forme de dérive et s’oppose fermement au projet de modification constitutionnelle du Président Lansana Conté pour s’octroyer un 3ème mandat en prenant la tête du MORAD ( Mouvement contre le référendum et pour l’alternance démocratique). Il rejoint formellement l’opposition et son nom circule comme probable candidat unique du FRAD ( Front pour l’alternance démocratique) contre le 3ème mandat du Président Lansana Conté à la présidentielle de décembre 2003 que l’opposition boycotte finalement.
Il reçoit également Alpha Condé à l’assemblée nationale après la grâce présidentielle accordée à l’opposant en 2001.
Face à cette intransigeance sur les principes d’Elhadj Boubacar Biro Diallo en totale rupture avec son propre régime, l’imprévisible nouveau ministre de la justice, Abou Camara ( que rappellent les agissements de Charles Wright) dont la nomination intervient en pleine période de crise entre le Président Lansana Conté et le Président de l’assemblée nationale, se veut « Guerrier » du Général Lansana Conté comme il s’était proclamé et n’a pas besoin de permission pour s’inviter dans la guerre des Titans. Ainsi, à la veille du référendum constitutionnel du 11 novembre 2001 ouvrant les portes à ce 3ème mandat pour le Président Lansana Conté, Abou Camara lance le mouvement en faveur du OUI et affronte directement Elhadj Biro Diallo symbolisant le front du refus. Et le ministre de la justice qu’il était écrit une menaçante lettre au président de l’assemblée lui enjoignant de justifier, devant la Cour des Comptes de la Cour Suprême, l’utilisation des fonds d’un certain nombre de chèques tirés sur le budget du parlement. Les enquêtes ordonnées à cet effet par le Président de l’assemblée nationale avaient compromis des personnalités parlementaires proches du régime et trop engagés en faveur du référendum à l’époque.Mais la lettre du Garde des Sceaux a été considérée par le Président de l’assemblée nationale et son entourage comme une provocation, une atteinte à l’honorabilité personnelle d’Elhadj Biro Diallo.
Par rapport au leader du RPG, le ministre de la justice, Abou Camara menace dans une correspondance adressée au Président de l’assemblée, de faire dissoudre le Parlement si le député était admis à son siège soulignant qu’Alpha Condé gracié mais non amnistié » est hors jeu politique’’. Le ridicule ne tue pas, mais depuis, Alpha Condé n’a plus jamais remis les pieds à l’hémicycle. C’est en septembre 2003 que le futur Président de la République a été réhabilité grâce au vote du projet de loi d’amnistie présenté par le successeur d’Abou Camara, Mamadou Sylla « SYMA » à l’assemblée nationale.
Toujours est-il que le Président de l’Assemblée nationale, digne et intraitable, est resté droit dans ses bottes jusqu’à son départ du perchoir le 30 juin 2002 (jour de la finale de la coupe du monde Brésil 2 – 0 Allemagne à Yokohama) et après 7 ans d’une législature de 5 ans en Homme de conviction. Il se retire à Mamou où malheureusement, il s’est éteint avec les mémoires de la bibliothèque qu’il était. Comme tout être humain, Elhadj Boubacar Biro Diallo n’était pas cependant parfait. S’il a su partir, la rancune est restée si tenace envers le Président Lansana Conté et ses anciens compagnons politiques du PUP, mais aussi par amour pour ses enfants très proches du chef de la junte, qu’il s’est laissé trahir un moment par sa grande sagesse unanimement reconnue en qualifiant le capitaine Moussa Dadis Camara de « Messie et Moïse » en 2009 suite à la prise du pouvoir de ce dernier après la mort de l’ancien Président.
Quoi qu’il en soit, dans le don de soi, il a été un modèle, une référence qui a été tenace dans la défense de la vérité.
L’histoire le retiendra parmi les personnalités intègres dont l’Afrique peut s’enorgueillir.
En cette circonstance douloureuse pour la Guinée, une pensée émue pour sa famille, ses enfants Salifoulaye Diallo et Kadiatou Biro Diallo.
VEUILLE ALLAH, NOTRE CRÉATEUR, l’accepter dans son éternel Paradis. Amen