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Des Guinéens étrangers ? (Par Ibrahima Sano)

Le droit positif guinéen définit les modes d’acquisition de la nationalité dans notre pays. Et la norme supérieure du pays est très claire quand elle  dit que les Guinéens sont égaux en droit et en devoir.  Elle ne fait alors aucune distinction de sexe, d’âge, d’origine ou de confession. D’où vient alors l’idée que certains se croient plus Guinéens que d’autres alors qu’aucun Guinéen n’est supérieur à un autre ?  Comment un Guinéen  peut-il traiter un autre d’étranger sur une terre quelconque du territoire national ? 

Le peuplement de la Guinée fait l’objet d’un mythe. Certains peuplent croient avoir hérité de la terre alors qu’il est admis que chacun vient d’un point  et s’est établi dans un autre où il a trouvé des premiers habitants : animaux, végétaux, humains. Ceux dont les ancêtres se sont installés les premiers dans certaines contrées disent en être les autochtones et déclarent les autres allogènes. Pour eux, la terre leur appartient, car leurs aïeux, pour s’y être établis les premiers, ont eu des dieux le droit de les exploiter.  

Même dans l’Afrique ancestrale  les occupants d’une terre n’en devenaient pas propriétaires mais régisseurs du sol qui obtenaient des dieux le droit de les exploiter. La terre, dans cette Afrique-là, n’appartenait à personne et n’était non plus pas à tous, elle ne se vendait ni s’achetait. Le premier installé permettait aux autres de jouir d’elle à travers des offrandes faites aux dieux ou des colas.  Le patriarche était issu de la famille la plus ancienne qu’il fût un vulgaire manant ou inculte. 

Ces réalités ont changé avec l’avènement de la colonisation et aussi de l’indépendance. Pour accéder à la terre, construire une maison, on ne passe plus par le patriarche. Pour accéder à la propriété  foncière, les procédures sont connues et l’Etat tout comme les personnes physiques peuvent en être propriétaires.  La chefferie est abolie et nos lois ne la reconnaissent pas. Alors comment  certaines personnes peuvent-elles devenir nostalgiques d’une époque qu’elles n’ont pas vécue ? 

Certaines agglomérations en raison des avantages qu’elles offrent : existence de sociétés minières, perspectives de négoce, attirent les gens de tous les coins du pays.  Dans ces lieux-là, les allogènes semblent avoir mieux réussi que les autochtones : ils sont cadres de l’Administration,  dirigeants d’entreprises minières, grands commerçants, etc.  L’esprit d’aventure est pour quelque chose . Les autochtones, eux, ayant vendus leurs terres à ceux qu’ils qualifient d’étrangers  vivent dans de mauvaises conditions et  ont acquis la certitude qu’ils sont surpassés à bien des égards par ceux que leurs aïeux ont   accueillis.  Alors pour eux, le fossé entre leurs vies et celles des allogènes doit être comblé pour arrêter la perpétuation des inégalités. Surtout celle du patrimoine.  Ils croient qu’il faut donc une redistribution des avoirs et même instituer une inégalité d’accès au pouvoir : « chacun soit élu dans sa région d’origine », disent-ils.  

Les méthodes qu’ils utilisent bien que désespérées dénotent de leurs conditions  de vie et   révèlent leurs ambitions : déshabiller Pierre pour habiller Paul à qui les habits reviennent de droit.  Les droits de propriété doivent être pourtant protégés dans notre pays, autrement aucune lutte contre la pauvreté ne réussira.

Ibrahima SANOH, Citoyen guinéen. 

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