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Fatou Sikhé, ancienne directrice du CHU Donka : le 28 septembre, «on s’est retrouvé devant une véritable boucherie humaine»

Les dépositions de témoins se poursuivent au Tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’appel de Conakry dans le dossier portant sur les événements du 28 septembre 2009. Ce mardi, 23 janvier, c’est Dr Fatou Sikhé Camara, ancienne Directrice générale de l’hôpital Donka au moment des faits qui était à la barre.

Selon elle, 815 blessés ont été enregistrés dans son centre hospitalier suite aux événements du 28 septembre. « Quelques temps après, il y a eu des mouvements dans le quartier, beaucoup de perturbations. On disait que ça tire au stade, qu’il y a eu des blessés. Donc j’ai immédiatement appelé l’ambulancier du jour pour que je m’y rende afin de comprendre exactement ce qui se passe. Il est venu me chercher à la maison et nous sommes partis à l’hôpital national Donka.

Je me suis rendue immédiatement dans la salle des urgences où toutes les équipes étaient déjà mobilisées. Nous avons vu beaucoup de blessés arriver dans des états insupportables et heureusement le chef de service des urgences était là. Lui et son équipe avaient déjà bénéficié d’une formation avec le CICR pour déclencher le plan d’urgence dès que le nombre de blessé atteint 25. Et, au moment où j’arrivais, ce chiffre était déjà atteint parce que les ambulances de la croix rouge et d’autres ambulances avaient commencé de faire venir les blessés à Donka. Ce que nous avons vu ce jour, j’étais vraiment sidérée. On s’est retrouvé devant une véritable boucherie humaine.

Mais les équipes se sont mobilisées et le plan d’urgence c’est de mobiliser immédiatement toutes les ressources humaines, matérielles en produits pharmaceutiques qu’il faut pour la prise en charge des blessés. Le CICR avait installé une pièce dans la salle des urgences avec tous les produits pharmaceutiques d’urgences qui doivent être débloqués dès que ce nombre (25) blessés est atteint. Mais au niveau où nous étions, le stock de l’hôpital national Donka ne pouvait plus tenir la prise en charge des victimes. Toutes les équipes médicales de l’hôpital national Donka étaient mobilisées. (…) Comme j’ai vu que nous étions débordés, les ressources de l’hôpital ne pouvaient plus suffire pour cette prise en charge parce qu’en une journée, nous avons reçu plus de cinq cents (500) blessés. Situation à laquelle aucun des professionnels de santé que nous sommes n’avait jamais été confronté.

J’ai immédiatement appelé ma hiérarchie, notamment le directeur national des établissements hospitaliers et des soins et ensuite monsieur le ministre de la Santé pour dire que nous sommes dans une situation d’urgence et que nous avons besoin vraiment d’assistance en produits pharmaceutiques d’urgence.

Quelques temps après, monsieur le ministre est arrivé, il nous a trouvés dans la salle des urgences. On lui a expliqué la situation, il a compris de quoi il s’agissait et il y avait besoin immédiat d’apporter d’autres produits pharmaceutiques pour faciliter la prise en charge des victimes et il est ressorti pour se rendre à la pharmacie centrale de Guinée afin qu’une dotation (en produits pharmaceutiques d’urgences) puisse être mise à notre disposition.

Effectivement, dans la matinée, nous avons reçu des stocks d’urgence pour continuer la prise en charge des blessés. Mais aussi il y a eu à nos côtés nos partenaires du secteur de la santé en situation d’urgence et de catastrophe l’OMS, l’UNICEF, Médecins sans frontières, le CICR, la Croix rouge et tous les partenaires du secteur de la santé que vous connaissez étaient à nos côtés avec des stocks d’urgence pour nous accompagner dans la prise en charge des blessés.

Je voudrais vous dire que cette prise en charge s’est déroulée dans de très bonnes conditions. Au finish, quand on a capitalisé pendant les jours suivants on s’est retrouvé pour le cas de l’hôpital Donka à 815 blessés »,  a-t-elle fait savoir.  

Poursuivant sa déposition, Dr Fatou Sikhé Camara s’est réjoui du fait que, selon elle, toutes les victimes qui ont été admises à l’hôpital Donka ont bénéficié de soins gratuits du début à la fin.   «À moins que ça se passe à mon insu, la prise en charge était gratuite à l’hôpital Donka sur instructions du ministère de la Santé. Notre rôle ce jour a été de soigner les malades, de soulager la souffrance des victimes, sauver des vies. Et ça, nous l’avons fait dans les meilleures conditions. C’est seulement vers 1 H du matin que j’ai cherché à rentrer à la maison pour me reposer et pouvoir revenir le lendemain matin. Toutes les victimes en tout cas qui étaient admises ce jour à l’hôpital Donka avaient bénéficié de la prise en charge. Et c’est en ce moment seulement que j’ai décidé de rentrer pour me reposer mais les équipes d’urgence sont restées en place presque jusqu’au matin», a t-elle indiqué.

Mamadou Macka Diallo

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