Dans la nuit du 17 au 18 décembre 2023, la Guinée a été secouée par une catastrophe majeure : l’incendie du plus grand dépôt de carburant à Kaloum. Cet événement tragique a non seulement causé des pertes humaines et matérielles considérables, mais a également révélé et exacerbé les faiblesses structurelles de l’économie guinéenne.
Bilan Humain et Matériel
Selon le communiqué No 6 du gouvernement, ce désastre a provoqué la mort de 23 personnes et blessé 285 autres, affectant directement plus de 10 000 individus. La destruction d’environ 800 bâtiments témoigne de l’étendue de la crise, qui a largement dépassé les frontières locales de Kaloum pour prendre une dimension nationale. Face à cette tragédie, le président de la transition a proclamé trois jours de deuil national, annoncés lors de son adresse à la nation le 20 décembre 2023.
Impact Économique Direct
La catastrophe a eu un impact direct sur l’économie guinéenne, particulièrement dans le secteur énergétique. L’Institut National de la Statistique (INS) anticipe une réduction de 4,2% des importations de pétrole raffiné pour 2023. Ce déficit affecte le secteur des transports, crucial pour l’économie, entraînant un ralentissement prévu de la croissance économique de 0,7 point de pourcentage.
Inflation et Ses Conséquences
L’effet immédiat sur les citoyens s’est manifesté par une inflation galopante. Les tarifs de transport ont connu une hausse substantielle de plus de 60% au niveau national, avec des hausses encore plus significatives dans certaines régions. Les projections d’inflation pour décembre 2023 dépassent 10%, un bond considérable par rapport aux prévisions antérieures de moins de 5%. À Conakry, cette inflation pourrait excéder 15%, surpassant largement les 8% observés en novembre 2023.
Impact sur les Finances Publiques
La catastrophe de Kaloum va impacter les finances publiques du pays, entraînant une réduction des recettes dues au ralentissement des secteurs clés comme les transports et l’énergie, et une augmentation des dépenses pour la prise en charge des sinistrés et la reconstruction des infrastructures. Ces changements exigeront un rééquilibrage budgétaire, incluant potentiellement une augmentation de l’emprunt et la recherche de soutien financier international. À long terme, il est crucial de planifier stratégiquement pour une reprise économique durable, avec un accent sur la diversification économique et l’amélioration de la gestion des finances publiques, afin de renforcer la résilience et la stabilité de l’économie guinéenne.
Stratégies Monétaires et Politiques
Face à ces défis, la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) a opté pour un assouplissement monétaire lors de sa réunion du 22 septembre 2023. La baisse du taux directeur de 50 points de base, de 11,5% à 11,0%, et celle du taux des réserves obligatoires de 200 points de base, à 13,0%, visent à injecter de la liquidité dans l’économie. Cette initiative a libéré environ 5 000 milliards de GNF, destinés à soutenir à la fois les secteurs privé et public.
Renforcement des Réserves de Change
Le gouvernement a mis en œuvre des politiques visant à renforcer la monnaie nationale et à atténuer l’inflation, notamment par le rapatriement de 50% des recettes d’exportation depuis septembre 2023. Cette stratégie vise à stabiliser l’économie en renforçant les réserves de change.
Urgence de Diversification Économique
L’incendie a souligné la nécessité urgente de diversifier l’économie guinéenne. La forte dépendance aux importations de pétrole pose un risque majeur. L’investissement dans les énergies renouvelables et l’augmentation de la production locale dans divers secteurs sont essentiels pour améliorer la résilience économique du pays.
Plan de Riposte Collaboratif : Une Dépendance Économique Exposée
Le gouvernement guinéen, en collaboration avec des partenaires financiers, envisage d’élaborer un plan de riposte complet pour faire face aux conséquences de l’incendie de Kaloum. Ce plan devrait inclure des mesures immédiates pour la prise en charge des victimes, la reconstruction des infrastructures endommagées et la relance de l’économie. La Guinée montre ainsi sa dépendance actuelle à l’assistance extérieure pour faire face à des crises majeures, exposant sa fragilité économique.
Le Parlement a aussi un rôle essentiel à jouer dans cette situation, étant donné que le projet de loi de finances initiales 2024 est actuellement en examen au sein de l’institution. Il incombe au Parlement de veiller à ce que la loi de finances intègre pleinement le plan de riposte, garantissant ainsi une approche coordonnée et soutenue pour relever les défis économiques actuels.
Modernisation des Infrastructures
L’événement a également révélé le besoin critique d’améliorer les infrastructures, en particulier dans le secteur énergétique, tout en respectant des normes de sécurité strictes. Il a également mis en lumière la nécessité d’équiper et de former adéquatement les services de secours, notamment les pompiers, dont le rôle va au-delà de la simple lutte contre les incendies.
Coopération Régionale
La Guinée doit envisager une coopération régionale renforcée pour sécuriser son approvisionnement en énergie et faciliter la construction de nouvelles infrastructures pétrolières. Cette coopération souligne l’importance de la solidarité et de la collaboration interétatique dans la gestion des crises et le développement économique.
Vers un Avenir Économique Réinventé
L’incendie du dépôt de carburant de Kaloum représente un point de bascule pour la Guinée. Il expose les vulnérabilités de l’économie nationale mais offre aussi l’opportunité de repenser la stratégie économique du pays. Investir dans des infrastructures sûres, diversifier l’économie et renforcer la coopération régionale constituent des étapes clés vers un développement économique durable et résilient. Les réponses apportées à cette crise seront déterminantes pour la trajectoire économique future de la Guinée et influenceront de manière significative la société guinéenne pour les générations à venir.
NB: Toutes les statistiques mentionnées proviennent du discours du gouverneur de la BCRG lors de l’ouverture de la session de présentation de la loi de finances initiale 2024.
Par Amadou Tidiane Barry, Social program evaluator
Email : Barrytidiane2012@gmail.com