La Guinée est à la croisée des chemins. Elle doit (encore et encore) choisir entre la rupture et la continuité. Et ses choix dans ces cas de figures n’ont pas toujours été judicieux. Elle s’est souvent trompée ; on l’a fréquemment trompée ; elle s’est fait systématiquement avoir. La Guinée a manqué beaucoup de rendez-vous. Elle pourrait encore cocher la case rouge.
Entre trébuchement et patinage, la route est boueuse
Mon Dieu ! C’est la troisième tentative de nouer avec le bonheur national via une transition politique ! Trois fois dans un élan de refondation de la nation guinéenne ! Et là, c’est l’ultime chance. « Nous n’avons pas droit à l’erreur», a d’ailleurs rappelé notre chef d’orchestre, le colonel Doumbouya. Et sûrement, quelque part, Dieu Est en train de dire à un de Ses anges-lieutenants : « Va dire aux Guinéens qu’après la cartouche CNRD, ils n’auront plus d’excuses pour justifier leur avilissant retard ». Ça veut tout simplement dire qu’après la trahison du Comité militaire de redressement national (CMRN) en 1984 et l’amateurisme du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) en 2008, en cas d’échec cette-fois, nous serons châtiés par Un Être Suprême dont nous aurons abusé de la magnanimité.
L’inclusivité comme leitmotiv dans une configuration erronée
Dans son élan de « placer la transition sous le signe de l’espérance et d’une Guinée nouvelle », le Chef de l’Etat, président du CNRD, entend ainsi faire participer toutes les forces vives du pays au vaste chantier de la renaissance et du redressement. C’est là que ça devient compliqué. Comment faire du nouveau sans « recyclage » ni « chasse aux sorcières » ? Le Colonel Doumbouya trouvera sûrement sa formule juste.
Mais de toutes les entités sollicitées dans cette transition à travers les organes établis, c’est la frange juvénile qui inquiète plus d’un. On le sait déjà : la jeunesse guinéenne a une réputation de nature peu orthodoxe. C’est la couche du laisser-aller, de la facilité et de la tentation. Même avec tous ces fardeaux historiques, elle est néanmoins appelée à pourvoir cinq des quatre-vingt-cinq sièges de l’organe législatif de la transition, le Conseil national de la transition (CNT).
La jeunesse de la perdition au sein des instances ?
Que le bazar commence ! Aussitôt qu’elle a eu vent de cette brèche dans le CNT, la jeunesse guinéenne a commencé son métier de cœur : la démagogie pour l’objectif. Son cadre de discussion idéal est circoncis aux réseaux sociaux où futilités et fantasme se disputent la place. Des potentiels Conseillers nationaux pour la transition se portent déjà candidats. Ce qui est normal. Mais l’écrasante majorité n’en est pas digne. Il faut dire aux jeunes de ce pays que l’influence virtuelle est en déphasage au poids de la capacité réelle ; que l’indice de l’intégrité n’est pas forcément une illusoire popularité sur les réseaux sociaux qui n’obéissent à aucune règle classique d’appréciation ; que l’expérience de la soupe étatique n’est pas compatible à la volonté de rupture ; et que, de toute évidence, même multipliés à l’infini, leur niveau d’analyse n’arrivera jamais un niveau idéal d’un Conseiller national au nom d’une jeunesse nationale.
Spécialisée depuis des décennies en campagnes politiques folkloriques, nourrie depuis belles lurettes de paresse et de facilité, connue pour son génie à jouer les djélis des commis des pouvoirs centraux, la jeunesse guinéenne doit et devrait se taire devant des situations aussi sérieuses qu’une transition politique.
Le degré de contribution est égal au degré de rétribution
Une transition est toujours la résultante d’une lutte menée contre un pouvoir ayant montré ses limites. Bien. Beaucoup de Guinéens font aujourd’hui semblant d’oublier que c’est la lutte contre le troisième mandat de l’ancien président, Alpha Condé, qui a créé cette situation. Et une lutte, ça se mène ; ça a un prix. En Guinée, les sacrifices furent des plus énormes. Alors questions : ces jeunes qui s’agitent pour occuper les sièges au CNT, où étaient-ils lorsque se faisaient massacrer leurs compatriotes dans le combat du mal de l’époque ? Où avaient-ils mis leurs capacités variées de bruit futiles ? Réponses : ils étaient là, devant nous, les yeux dans les yeux, nous disant « nous sommes des jeunes, évitons la politique. ». Ils étaient là à poster leurs photos avec les dignitaires de la répression au moment même où des citoyens se faisaient réprimés. Ils étaient là, en train de considérer leur proximité avec le pouvoir d’alors comme une distinction sociale de niveau Nobel. Ils se moquaient des mémoires des Guinéens tués par leurs proches. Ils tuaient par leur silence devant le crime. Ils se moquaient du FNDC et de ses sympathisants. Ils chantaient et dansaient pendant que certains dénonçaient. Aujourd’hui, ils envahissent à flots la politique que la plupart d’entre eux vilipendait pour justifier leur silence coupable face aux exactions des anciens maîtres dont les aumônes leur étaient indispensables. Honte à tous ceux qui, aujourd’hui, s’érigent en défenseurs du peuple, alors qu’ils m’avaient submergé de messages dissuasifs dans ma lutte démocratique. Honte ! J’ai en tout cas honte à votre place.
Quelle jeunesse guinéenne au CNT ?
C’est simple : il faut appliquer la même méthode pour tous. Les dignitaires du régime déchu n’ont rien à voir avec la transition. Et donc, normalement, les petits renards des palais (présidence et ministères) et tous les jeunes démagogues et muets sous la révolution, personne ne doit y aller. Personne ! Ce serait un manque de respect à la nation guinéenne, qu’un jeune illégitime aille parler au nom de toute la jeunesse.
Il y a encore des jeunes intègres. Il y en a qui n’ont pas vendu leurs âmes au diable. Il y a des Charles White au sein de la jeunesse consciente de Guinée. Il y a bien des adeptes de Foniké Menguè. Que la jeunesse soit dignement représentée !