La République est traînée dans la boue (Ibrahima Sanoh)

La fonction de Président n’a plus rien d’exaltant en Guinée. Etre président  de la République ne signifie plus grand-chose.  Le poste de président  n’impose aucune manière de vivre, de faire et de parler. L’occuper n’exige aucune savoir-faire ou savoir-être. 

Le Président de la République peut tout se permettre, il peut mal s’habiller, mal parler. Il n’a pas de limites à se fixer. Il est le Chef de tout le monde et nul ne doit lui rappeler l’étendue de ses responsabilités et la grandeur de sa fonction. Il est un homme ordinaire. Il peut répondre à qui il veut et comme tout le monde. Si le chef n’a pas de haltes, ses épigones ne devraient pas en avoir.  Ils doivent tout se permettre pour défendre non pas des valeurs mais le chef qui les a nommés et au service de qui ils doivent être.  

Si être Président ne signifie plus grand-chose, devenir ministre n’a plus rien d’admirable. Le ministre peut aussi insulter et avoir un vocabulaire de la rue. Il peut calomnier, si cela est profitable à la notoriété de son chef. Il peut aussi frapper ses adversaires à travers  ses écrits s’il sait aligner des mots et dire ce qu’il pense. Importe qu’il  parle plus de gens que d’idées. Il doit juste écrire pour sauver l’image de son patron et aussi mener son combat contre ses adversaires par procuration. Il peut les traiter de bandits. Il peut, s’il veut, les comparer aux animaux. Alors, il évoquera les souriceaux, les  éléphants, les poux. Il sera admiré par les partisans du Président qui partageront ses éreintages, qui salueront son dévouement à la défense de l’image de leur champion. 

Pour devenir président, il faut avoir le cœur. Il faut  insulter. Il faut tailler les croupières aux autres. Il faut évoquer leur vénalité et dire au peuple qu’ils sont des étrangers ou feront,  élus présidents, des autres Guinéens des étrangers chez eux. Il faut aussi  avoir le courage de dire que son principal adversaire  est le candidat d’une communauté et œuvre à son hégémonie et qu’il ne faudra pas élire.    Il faut parler ainsi car le peuple ne sait pas distinguer les artifices de la vérité .Il ne faut pas parler de son projet de société. Cela ne  compte pas, c’est cautère sur une jambe de bois. Les électeurs ne  lisent pas et ne sont pas  intéressés par les propositions de réformes, ils veulent des T-shirts, de l’argent et des sacs de riz. Certaines localités veulent voir les fils à la tête des délégations ou qu’on leur promette le retour d’un de leurs dignes fils contraints à l’exil.

Pour être un bon ministre, il faut battre campagne pour celui qui vous a nommé et être prêt à tout pour le maintenir au pouvoir afin de garantir son propre maintien dans le gouvernement. Il faut être son parrain dans sa ville natale et évoquer ses hauts faits auprès des siens. Il ne suffit pas d’être compétent, il faut être un militant du parti au pouvoir et, une fois ministre, il faut se montrer servile et son défenseur. Il ne suffit pas de se mettre au travail, les ministres ne sont évalués que par rapport à leur capacité à mobiliser, à inventer un bilan au chef pour qui la Constitution peut être modifiée afin qu’il finisse son travail. 

Ibrahima SANOH, citoyen guinéen. 

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