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Le drame familial qui a inspiré Rama, la guinéenne primée au FESPACO: «j’ai été virée plusieurs fois à l’école, faute de paiement…» (Interview exclusive)

Dieu l’avait prévu ainsi ! C’est à travers le talent de cette jeune étudiante originaire de Dinguiraye en formation à l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté de Dubréka que la Guinée a remporté le prix «film des écoles de cinéma», à l’occasion de l’édition 2023 du FESPACO (Festival Panafricain des Arts et de la Télévision de Ouagadougou) au pays des hommes intègres.  Ramatoulaye Bah, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, nous parle d’elle, de ses sentiments, de son parcours et, surtout, de faits réels vécus par elle et sa famille qui ont inspiré le scenario du film gagnant portant sur le manque d’infrastructures scolaires et des drames auxquels cela est capable de conduire un pays comme le nôtre.  

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 Guinee114.com : vous avez participé à l’édition 2023 du FESPACO en remportant un prix dont toute la Guinée se montre fière. Dites-nous d’abord quel sentiment vous anime-t-il en réalisant un tel exploit ?

Ramatoulaye Bah : je n’arrive toujours pas à réaliser ce qui vient de se passer, les mots me manquent pour exprimer ma joie mais une chose est sûre, ce que la Guinée avait besoin de ce prix. Et, si Dieu a fait que c’est à travers moi que le pays le remporte, je dis Alhamdoulilah.

Guinee114.com: vous êtes étudiante, le monde du cinéma vous découvre avec votre talent, pourriez-vous nous parler de vous ?

Ramatoulaye Bah : depuis toute petite, je suis passionnée du cinéma. Si je vous dis que quand j’ai eu mon baccalauréat j’ai dû décocher presque tous les choix que mon père avait fait pour moi afin que je puisse être orientée à Dubreka (sourire). Le cinéma c’est une passion pour moi, quand je travaille sur un film, j’ai l’impression d’être en train de m’amuser et on dit que quand vous aimez ce que tu faites, les gens trouvent du plaisir à être à vos côtés. Et aujourd’hui je ne regrette pas d’avoir choisi le cinéma. Ce n’est pas du tout facile, mais avec la volonté et la persévérance, on arrive à tout faire grâce à Dieu

Guinee114.com : comment résumeriez-vous l’œuvre que vous avez présentée à Ouaga et qui a valu un si prestigieux prix à votre pays, la Guinée ?

Ramatoulaye Bah : ce scénario a été longtemps mûri dans ma tête et ce n’était pas difficile à écrire car je me suis inspirée de faits réels. Tout le monde sait qu’en Guinée on manque de tout et surtout d’infrastructures publiques, et moi j’ai développé une thématique très sensible qui porte sur les écoles publiques. Je vous invite à regarder le film, vous verrez que nous sommes jeunes certes mais nous comprenons également les difficultés que les parents  vivent pour nous envoyer à l’école. Je suis passée des causes notamment la pauvreté aux conséquences dont l’abandon scolaire et l’immigration clandestine. Alors, pour mon premier film, je ne pouvais pas laisser passer cela car moi même je suis passée par là, j’ai été virée plusieurs fois de l’école, faute de paiement et mon grand frère Alpha Abdoulaye Bah qui a disparu il y a de cela neuf (9) ans sans nouvelles, à été ma principale source d’inspiration. Je profite de ce message pour diriger mes pensées et prières vers lui où qu’il soit.

Guinee114.com : quand on est une jeune dame comme vous et qu’on fait le cinéma en Guinée, quelle sont les difficultés qu’on affronte ?

Ramatoulaye Bah : malheureusement ce n’est pas seulement dans le domaine du cinéma qu’on a des difficultés quand on est une femme en Guinée, c’est dans presque dans tous les domaines. Mais vous savez, c’est à cette femme de savoir ce qu’elle veut réellement. Car il y a une chose très importante pour une femme qui veut travailler dans un domaine comme le cinéma. Elle doit faire la différence entre le plaisir et le bonheur. Le plaisir c’est ce qu’on peut avoir tout de suite, je veux parler de gagner les choses facilement. Si c’est ce que vous choisissez, y en a qui sont prêt à vous le donner mais reste à savoir si cela va durer. Par contre, si vous cherchez le bonheur, il faudra le cultiver le créer. C’est comme planter un arbre dans le Sahara, il faut beaucoup de courage pour se dire que cet arbre va survivre mais si jamais ça arrivait vous avez un grand bonheur car vous aurez réussi là où tout le monde pense que c’est impossible.

Guinee114.com : diriez-vous que le cinéma guinéen fait son retour ?

Ramatoulaye Bah : je dirais oui, le cinéma guinéen fait son comeback sur la scène internationale avec de bons films et au moment où je vous parle, on croise les doigts, le film de mon grand frère Thierno Souleymane Gando c’est pour ce soir (samedi)  et j’espère qu’on va rentrer avec deux prix. Donc le cinéma guinéen fait son comeback.

Guinee114.com : auriez-vous un message, des remerciements pour conclure cette interview ?

Ramatoulaye Bah : Mes remerciements vont d’abord à l’endroit de Monsieur le Ministre en charge de la Culture, M. Alpha Soumah.  Puis, les responsables de l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté de Dubréka, notre chef de département M. Sory Kourouma qui s’est toujours battu pour que le département Cinéma et Audiovisuel grandisse et prospère à travers la formation, le suivi et les masters classes afin de s’assurer d’avoir la meilleure des formations de base. Je remercie Lagui+Cinéma et  le grand réalisateur Bobo Herico qui m’a ouvert ses portes et m’a tout donné pour mon tout premier stage, le DG Ibrahima Diallo et leur associé Thierno Diallo. Je remercie le Directeur général de l’Office National du Cinéma guinéens, M. Noël Lamah, je remercie le président de la FENACIG M. Cheik Abdoulaye Camara. Je remercie Saïkou Ahmadou Diallo, ENABEL qui m’a prise en charge à travers le projet Guinée créative financé par l’Union européenne et mis en œuvre par ENABEL Guinée.  Merci à ma chère brave et tendre mère  qui m’a soutenue et qui ne m’oublie pas dans ses prières.

Interview réalisée par Thierno Amadou M’Bonet Camara (Rescapé N°4)

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