Dès l’entame de son séjour au Palais de la Colombe, le successeur de Bernard Goumou a semblé placer son action sous le sceau du discours de vérité. Dire les choses crues. Il l’a même revendiqué lors de sa première conférence de presse. «Nous aurons toujours le langage de vérité et le langage de ce qui est possible, pas le langage de ce que nous voulons au risque d’induire nos compatriotes en erreur», a déclaré Bah Oury le 13 mars 2024, alors qu’il faisait face pour la première fois aux médias dans le cadre d’une conférence de presse en tant que Premier ministre.
Il ne pouvait pas trouver mieux pour impressionner une certaine presse. La presse naïve qui pense que dans le contexte guinéen actuel, un Premier ministre peut continuer à avoir la liberté de dire la vérité, dire ce qui est.
Il faut d’ailleurs dire que le nouveau Premier ministre ne tardera pas à en prendre pour son grade. Ce n’est pas allé loin, comme on le dit en langage courant. Cette même conférence de presse était en réalité l’illustration du premier conflit entre la démarche de vérité que veut incarner Bah Oury et la gouvernance telle qu’elle est. Toute cette conférence ne poursuivait qu’un seul but : créer une tribune permettant au Premier ministre de «rectifier » une partie de ses propos sur RFI 24 heures auparavant.
Avec le média français, le nouveau Premier ministre avait confirmé les négociations avec le fameux bateau turc pour résoudre le déficit d’électricité. Apparemment, il ne fallait pas parler de ça comme ça. Dans la gymnastique pour se recadrer, l’ancien «lion» de l’UFDG des années 2010 s’est particulièrement corrigé pour dire que le bateau turc n’était pas en réalité, la piste privilégiée puisque cette solution couterait assez trop.
Quand il a reçu les organisations professionnelles de presse dans le cadre de ses rencontres avec les acteurs sociopolitiques, Bah Oury ne s’en cachait pas. Ses services de communication ont pris des images de l’audience et fait des publications sur les réseaux sociaux à l’intention de qui veut le savoir.
Au lendemain de cette rencontre médiatisée au cours de laquelle Bah Oury, en bienveillant Premier ministre, a promis de s’investir en faveur d’une résolution de cette autre crise, c’est l’ARPT qui a agité son fouet contre le groupe Djoma média, l’une des nombreuses victimes des restrictions en cours. Pas difficile d’e savoir d’imaginer que cette attitude de l’ARPT peut être interprétée comme étant une réponse immédiate du palais à la démarche du PM sur ce dossier.
C’est aussi au moment où il se battait comme un beau diable pour convaincre les acteurs politiques à venir autour de la table, qu’un des leaders de la société civile a été détenu dans des circonstances de nature à ne pas encourager la décrispation.
Comme s’il n’avait encore rien compris à tout cela, ou comme s’il était plutôt déterminé à maintenir la trajectoire de la vérité, voilà que notre Premier ministre s’est encore illustré lors de la célébration de la fête de Ramadan. «Le gouvernement est conscient que le mois de cette année a été particulièrement pénible pour la grande majorité de nos compatriotes du fait d’un déficit en desserte d’électricité», a déclaré Bah Oury. Ne parlons pas des erreurs de langage du ministre porte-parole du gouvernement, présentées comme étant la manifestation d’un conflit entre le Premier ministre et l’insaisissable Ousmane Gaoual.
Tout ceci ressemble à une bataille menée par le vieux politicien conscient du fait que lui, plus que quiconque dans cette transition, n’a pas droit à l’erreur. Bah Oury devrait mériter l’adhésion des Guinéens à sa nomination, lui qui, depuis des décennies, pleure et chante la misère de cette population. Et, dire la vérité aux Guinéens avec humilité, c’est la moindre des choses.
Thierno Amadou Camara (Mbonet)