Les Gaz lacrymogènes: ce composé chimique qui asphyxie la démocratie guinéenne

Au lendemain de sa 64ème fête de l’indépendance, la République de Guinée respire, malheureusement, une fois encore de plus, du gaz lacrymogène. Ce, principalement, dans le but de disperser des regroupements non autorisés. Bien que l’usage de ces substances chimiques par les forces de l’ordre soit légal, l’inefficacité et les conséquences qu’ils portent sur la santé des citoyens et celles des finances publiques ne peuvent nous laisser indifférent.

La répression violente des manifestations est devenue monnaie courante des gouvernements à travers le monde. Qu’elles soient autorisées ou pas, il suffit d’un petit dérapage pour que l’enchantement tourne au vinaigre. Nous remarquons presque ces mêmes situations en Guinée, aux Etats-Unis, en France, en Chine et, très récemment, en Inde. Tous, et bien d’autres gouvernements, gardent silence face à l’usage abusif de ces grenades par les forces de sécurité. La plupart du temps, s’ils lèvent le petit doigt, c’est pour accorder des promotions aux agents ; et non pas pour rappeler le respect strict du protocole d’utilisation des gaz lacrymogènes. Pourtant, les organisations de défense des droits de l’Homme telle que Amnesty International ne cessent de rappeler que l’usage de ces grenades devrait se limiter : Des séances d’entrainement martial ; Disperser sans danger une foule violente ; L’auto-défense des agents (utilisé un aérosol ou du gel) ; Exécuter l’ordre du commandant de compagnie.

Ce, à cause de ces effets néfastes sur la peau, les yeux et les poumons. Car, un gaz lacrymogène est composé du Chlorure, du Nitrogène, du Carbon et de l’Hydrogène. D’après les Nations Unies, l’utilisation des irritants chimiques – en général – peut causer : des difficultés respiratoires, de la nausée, du vomissement, de l’irritation des voies respiratoires, l’inflammation des conduits lacrymaux, du spasme, des douleurs thoraciques, des dermatites, des œdèmes pulmonaires, de l’hémorragie interne, des brûlures cutanées et des explosions (si en contact avec du combustible).

De ce fait son usage n’est autorisé que dans des circonstances bien précises. Et d’ailleurs, Business Insider mentionne que l’usage de ses substances chimiques lors d’une marche pacifique crée plus de désordre, que l’inverse. D’autant plus que le jet de gaz, pousse certains manifestants à contre-attaquer. D’où partira un mouvement sauve qui peut. Ce qui engendre blessures et parfois meurtre. L’on se rend compte que l’usage de ces substances chemiques causent d’énormes problèmes sanitaires, sans pourtant garantir le maintien ou le rétablissement de l’ordre public.

A Conakry, des vidéos tournées à l’occasion des opérations de maintien d’ordre montrent à suffisance l’inefficacité de l’usage des gaz lacrymogènes. Les Policiers et gendarmes guinéens ne respectent nullement les procédures et étapes du maintien d’ordre. Les gaz sont jetés sur quelques personnes ou en direction des domiciles des citoyens. Alors que le regroupement de foule doit être intense et que les manifestants refusent de disperser après trois sommations à travers un mégaphone. De même, la force déployée par les agents n’est jamais proportionnelle au degré de violence de la foule. Au petit regroupement, à la moindre occasion, ils tirent. On peut conclure qu’ils ne tirent pas pour disperser la foule, mais pour faire du mal. D’ailleurs, ils ne se servent pas que de ces gaz dans l’exécution de leur mission. Un constat qui remet en cause l’efficacité de ces substances chimiques. Sur les images on peut distinguer des agents se prêter à des échanges de jet de pierres avec les jeunes après que leurs collègues aient tiré plusieurs gaz lacrymogènes. Pire, sur une autre on voit un gendarme tirer à balles, à bout portant et à visage découvert, à l’aide d’un pistolet.

Sur ce, se pose une multitude de questions sur l’efficacité de l’usage des gaz lacrymogènes dans les opérations de maintien ou de rétablissement de l’ordre public. Car, s’ils ne le sont pas, leur usage coûte néanmoins très chère à la santé des personnes exposées, tout comme au budget national.

Selon AMTEC Less-Lethal System, une firme américaine, le prix d’un gaz lacrymogène varie entre 30$ et 40$. Si le gouvernement guinéen se procure des siens ailleurs en Turquie (comme on peut voir sur l’image), nous pouvons déduire que le prix d’achat n’est pas aussi élevé. Cependant, jusqu’à preuve du contraire, rien ne nous garantit qu’il soit en-dessous de 20$ l’unité. Ce montant multiplié par le nombre de bombes lacrymogène utilisées depuis janvier 2022, devient tout simplement une saignée économique sur l’argent du contribuable guinéen.

Faudrait-il donc continuer à asphyxier la démocratie guinéenne avec un outil aussi inefficace ?

Abdoulaye BAH, politologue

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