C’est en défenseur des coups d’État enregistrés ces dernières années en Afrique que le colonel Mamadi Doumbouya s’est exprimé ce jeudi, 21 septembre 2023, à la tribune de la 78e Assemblée générale des Nations Unies. Le président de la transition guinéenne a déclaré que si les militaires renversent les régimes civils pour prendre le pouvoir, « c’est bien parce qu’il y a des raisons très profondes ». C’est pourquoi, dit-il, au lieu de s’indigner et de condamner les coups d’État en Afrique, la communauté internationale devait plutôt s’attaquer aux causes de ces putschs.
« Epidémie de coups d’État en Afrique. Après celle de la Covid-19, le continent est frappé par celle des putschs militaires, notamment dans les pays francophones du sud du Sahara. C’est tout le monde qui les condamne, qui les sanctionne, qui s’émeut de la réapparition brusque de cette pratique que l’on croyait révolue. A juste titre. Mais j’ai envie de dire que la communauté internationale doit avoir l’honnêteté et la correction de ne pas se contenter de dénoncer les seules conséquences, mais de s’intéresser et de traiter les causes. Les coups d’État, s’ils se sont multipliés ces dernières années en Afrique, c’est bien parce qu’il y a des raisons très profondes.
Et pour traiter le mal, mesdames et messieurs, il faut s’intéresser aux causes-racines. Le putschiste n’est pas seulement celui qui prend les armes, qui renverse un régime. Je souhaite que l’on retienne que les vrais putschistes, les plus nombreux, qui ne font l’objet d’aucune condamnation, c’est aussi ceux qui manigancent, qui utilisent la fourberie, qui trichent pour manipuler les textes de la constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir. C’est ceux en col blanc qui modifient les règles du jeu pendant la partie pour conserver les rênes du pouvoir. Voilà les putschistes les plus nombreux !
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je fais partie de ceux qui, un matin, ont décidé de prendre nos responsabilités pour éviter à notre pays un chaos complet, une situation insurrectionnelle. Aucune force politique, toutes complètement neutralisées à l’époque, n’avait ni le courage, ni les moyens de mettre fin à l’imposture que nous vivions. La rectification institutionnelle à laquelle mes frères d’armes et moi avons pris nos responsabilités le 05 septembre 2021 n’était qu’une conséquence de cette situation de chaos qui avait fini par fissurer le tissu social et mettre à mal le vivre ensemble.
Sans être exhaustif, nous pensons que les transitions qui sont en cours en Afrique, sont dues à plusieurs facteurs parmi lesquels on peut citer, les promesses non tenues, l’endormissement du peuple, le tripatouillage des constitutions par des dirigeants qui ont pour seul souci de se maintenir au pouvoir au détriment du bien-être collectif. Aujourd’hui, nos peuples africains sont plus que jamais éveillés et décidés à prendre leur destin en main. La mauvaise répartition des richesses crée des inégalités sans fin : la famine, la misère, qui rendent le quotidien de nos populations de plus en plus difficile.
Ces inégalités font partie des causes des événements qui mettent en péril surtout le vivre ensemble. Quand les richesses d’un pays sont dans les mains d’une élite alors que les nouveau-nés meurent dans les hôpitaux par manque de couveuses, il n’est pas surprenant que dans de telles conditions, nous assistons à des transitions pour répondre aux aspirations profondes du peuple », a déclaré le colonel Mamadi Doumbouya, qui s’exprimait pour la première fois à la tribune de l’ONU dans une salle à moitié vide.
Diop Ramatoulaye