Le transport et la gestion des corps des victimes du 28 septembre 2009 est au centre des débats, ce mercredi 15 novembre 2023, devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’appel de Conakry. Le Général de Brigade Oumar Sano, chef d’état-major général des armées au moment des faits, est en train d’être entendu comme témoin. L’officier à la retraite retrace le film du ramassage, du transport et du dépôt des corps des victimes à la morgue de l’hôpital Ignace Deen de Conakry.
« Le 25 septembre 2009, je suis allé à la Présidence pour rendre compte au ministre de la Défense qui était chez le président. Le président Dadis a dit qu’il y a trop de murmures et qu’il ne veut voir aucun militaire dans la rue. Il a insisté devant le ministre de la Défense. Je n’étais pas convaincu que ce meeting allait avoir lieu parce que les leaders politiques étaient tout le temps avec le président. Il n’y a pas ce leader qui ne passait pas à la Présidence. Donc personnellement, je pensais qu’ils pouvaient se comprendre. C’est pourquoi on n’était pas trop sûrs.
Le lendemain, ils sont partis à Labé. J’ai réuni tous les commandants au camp Alpha Yaya Diallo pour faire passer le message. Et j’ai demandé à tous les chefs d’état-major d’aller rendre compte à leurs troupes. Et le 27 septembre, à 10 heures, l’ordre a été respecté. Tout le monde a été caserné, les armes étaient aux faisceaux selon les informations qui m’ont été remontées.
Le 28 septembre, aux environs de 10h-11h, une dame m’a appelé et s’est présentée à moi. C’était une française, c’est elle qui dirigeait la Croix-Rouge. Elle m’a demandé de l’aider à avoir des ambulances parce que, selon elle, la Croix-Rouge n’avait qu’une seule ambulance, et c’était insuffisant pour transporter les corps. C’est ainsi que j’ai contacté le colonel Diaby, ministre de la Santé d’alors, j’ai demandé sa position, et je lui ai fait savoir ce que la dame m’a dit. Il m’a répondu que toutes les ambulances de l’armée sont en panne, j’ai remonté les informations à la Française. Après, elle m’a demandé que si elle peut avoir des camions, j’ai demandé combien ? Elle m’a dit 2 ou 3.
J’ai ordonné qu’on mette 3 camions à sa disposition. Par l’intermédiaire des chauffeurs, elle a contacté le commandant du train militaire pour lui demander d’augmenter un camion, ce dernier a rajouté un autre camion. Les 4 camions sont partis au stade. Ils ont embarqué les corps dedans. La dame a dit d’envoyer les corps à la morgue. Ils sont partis à Ignace Deen, ils n’ont pas trouvé de responsables. Ceux qui étaient sur place ont dit qu’ils ne pouvaient pas recevoir les corps mais ils vont préparer la salle. Les chauffeurs ont décidé eux-mêmes de ne pas laisser les camions, ils sont venus au camp Samory.
Lorsque la salle était prête, ils ont décidé de ramener les corps à Ignace Deen. Mais en partant à Ignace Deen, on leur a demandé de revenir. C’est après j’ai appris dans les radios qu’on a enlevé les corps. Ils m’ont dit qu’il y a 155 corps que la dame a embarqués dans les 4 camions, les 155 sont venus au camp, et c’est 155 ont été déposés à la morgue. Après tout ça, les camions sont allés se garer au camp, aux environs de 17 heures. Et ces chauffeurs ont été écoutés par la commission de gestion de la crise. Après, il y a eu deux autres corps qui ont été déposés à la morgue de l’hôpital Donka.
Quand le Colonel est venu à l’hôpital Donka, il m’a appelé et il m’a dit que la directrice de Donka n’a pas trouvé d’ambulance. Il m’a dit que Donka était débordé. C’est vers 16 heures que je suis parti, avec l’actuel chef de Cabinet au ministère de la Défense, vers le camp Alpha Yaya pour rendre compte de ce qui s’est passé la journée. On a trouvé le capitaine Dadis dans le salon avec les éléments du salon. Il criait en disant : « vous m’avez empêché de sortir, vous avez vu ce que les militaires ont fait ». On a essayé de le calmer. Lorsqu’il s’est calmé un peu, on a quitté », a-t-il longuement expliqué.
En réponse à une question du président du tribunal, le Général Sanoh a déclaré que ce sont les chauffeurs des camions, dont il ne se souvient plus les noms, qui ont décidé d’eux-mêmes d’envoyer les camions chargés des corps au camp Samory. L’officier dit également n’avoir aucune information sur la destination des 100 autres corps non rendus à leurs familles respectives.
Diop Ramatoulaye
666-75-16-10