Conseiller spécial du président Moussa Dadis Camara quand, en 2008, selon des témoignages, des dizaines de personnes ont été tuées au stade du 28 septembre de Conakry, c’est à Abidjan, dans la commune de de Cocody que nous avons rencontré cette semaine Idriss Chérif pour parler l’ouverture annoncé d’un procès de ce qui est appelé le massacre du 28 septembre.
A la tête d’un parti politique, l’ancien conseiller du président du CNDD qui a aussi été ministre de la Communication durant la même transition, n’a pas caché sa joie de savoir que la lumière va enfin être faite sur ces évènements douloureux. Nous lui avons posé des questions auxquelles il a répondu pas sans y ajouter des commentaires, des témoignages, lui qui dit avoir vu le président Dadis pleurer le 28 septembre 2009.
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Guinee114.com: les autorités de la transition annoncent l’ouverture du procès des évènements du 28 septembre avant la fin de ce mois. Faites-vous vraiment confiance.
Idriss Chérif: Vraiment, je tire le chapeau au CNRD. Je dis encore bravo à Mamadi, à son équipe et à son gouvernement. Vous voyez, une affaire qui a duré pendant treize (13) ans. Et qu’est-ce qu’on peut reprocher pour dire que ceux-là ne peuvent pas faire ce procès ? Ceux qu’on a élus ont fait dix (10) ans, ils n’ont pas pu tenir même le début du procès, quelqu’un qui vient d’arriver, à seulement un an, s’est engagé déjà à l’organiser. J’ai toujours dit que je préfère entendre dire que j’ai mal fait qu’on me dise que je n’ai rien fait.
Mais ceux qui sont sceptiques, c’est surtout par rapport à la justice. Sa capacité à juger cette affaire en ne disant que le droit dans un contexte où certains estiment que Cellou Dalein, Sidya Touré et Dadis seraient visés par une volonté de régler leurs comptes à travers ce procès.
C’est un procès qui sera médiatisé. Ces magistrats sont des juges, ce ne sont pas des personnes qui méconnaissent les articles, qui ne savent pas écouter. Il y a la défense qui est là. Les gens vont s’exprimer, ils vont être écoutés, ce qu’ils vont dire sera comparé, voir dans ce qui s’est passé dans les enquêtes préliminaires, prendre une décision à la suite de cela et dire le droit. Il faut aller jusqu’au bout, chercher l’origine de la situation, savoir pourquoi il y a eu des morts ? Qui a ordonné ? Qui a tué ? Est-ce que ce sont des militaires qui ont tué ou c’est d’autres personnes parallèles qu’on a mises dans le groupe pour aller tuer ?
Vous avez quand même été un acteur majeur de cette transition de 2008 sous le CNDD du président Moussa Dadis Camara. Vous étiez dans son entourage le plus proche en tant que conseiller spécial, êtes-vous disposé à jouer un quelconque rôle pour la réussite de ce procès en allant par exemple témoigner à la barre si la justice vous le demande ?
C’est un problème militaire, ce n’est pas un problème civil. Pour être un témoin, il faut vivre les faits. J’ai été ministre de la Communication juste après les évènements du 28 septembre. Mais en ma qualité de ministre de la Communication, je me suis exprimé sur ce que j’ai vu avec les médias (Espace, Evasion, Djoma, Gangan TV et au niveau de la presse écrite) en long et en large. Je ne sais pas s’il y a d’autres personnes qui ont pu s’exprimer comme moi, en toute clarté.
Ce que j’ai vu ce jour, c’est ce que j’ai dit. Mais ce que vous n’avez pas vécu…, je n’étais pas au stade. J’ai été réveillé vers 17 heures, j’ai vu un président qui pleurait, dire qu’on l’a eu, qu’on l’a piégé. J’ai demandé au président vous ne connaissez rien dans cette histoire ? Il a dit non, je n’en sais rien, je suis piégé. Il pleure devant des personnes mêmes qui étaient dans le système d’Alpha, qui étaient là. Comme Laye Junior Condé. J’ai dit monsieur le président levez-vous, je vais vous défendre.
Un chef qui vous dit ne marchez le 28, marchez le 29 parce que ce jour est un jour historique, vous pouvez marcher mardi, on va vous aider. Non, on va marcher. Mais il faut aller au fond du dossier. Au stade du 28 septembre, on dit que des militaires ont tiré. Est-ce qu’il a des impacts de balles sur les gradins et autres ? Il y a eu une enquête internationale. Il faut regrouper toutes ces données. Les corps qui ont disparu, où les a-t-on mis ?
Il faut trouver les charniers parce que je n’ai pas encore vu de charniers qu’on a montré pour dire voilà ce qui s’est passé le 28 septembre, mais s’il y en a, il faut les montrer. On a vu l’Ukraine, on a enterré plus de 400 corps qu’on a vus. Ceux qui étaient là-bas, Toumba et Marcel, ils sont en prison, ils sont tous des témoins qui peuvent témoigner. Moi je n’ai pas été convoqué par une commission d’enquête ni pour être témoin ni pour autre chose, ça ne me concerne pas du tout.
Avez-vous un message à l’endroit de nos nombreux lecteurs ?
Pour l’organisation du procès du massacre du 28 septembre, il faut tirer le chapeau aux militaires. Je pense que chaque guinéen doit venir dire sa part de vérité. Il faut vraiment rétablir les parents des victimes dans leur droit. Il faut aller jusqu’au bout pour savoir ce qui s’est passé pour que plus jamais ce genre de situation ne se passe en Guinée.
Le premier droit c’est le droit à la vie. Que ce procès se passe dans l’amour, dans la paix, et que, véritablement, le droit soit dit. Les magistrats doivent garder leur patience et leur sens d’écoute et être être à la hauteur. Et qu’après cela, il y ait le pardon entre les Guinéens parce que nous sommes une famille.
Le CNRD a pris la plus belle décision qui est d’organiser le procès des évènements du 28 septembre qui a été tant réclamé par Dadis Camara et d’autres. Toumba et tout le monde ont voulu qu’il y ait ce procès, ils ne veulent pas mourir avec la conscience sale, ils ont voulu que ce procès se passe à leur vivant. Et que, s’ils doivent demander pardon au peuple, qu’ils le fassent pour avoir la conscience tranquille.
Thierno Amadou M’Bonet Camara, de retour d’Abidjan
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