Monsieur Charles Alphonse Wright a-t-il violé son devoir de réserve en tant que magistrat comme le soutiennent certains ?

Voilà une question dont la réponse pourrait jeter un éclairage sur le débat concernant la suspension de ce magistrat.

Au prime abord, il est important de rappeler que, selon le statut des magistrats, le magistrat, avant d’entrer en fonction, prête serment entre autres de ne prendre aucune position publique et d’observer en tout la réserve. Le même  statut des magistrats reconnaît au magistrat la liberté d’expression. Certains estiment cependant que le Procureur Charles Alphonse Wright aurait violé son devoir de réserve. Le devoir de réserve est l’obligation qui est faite à tout agent public de faire preuve de réserve dans l’expression écrite ou orale de ses opinions. Une opinion, c’est ce que l’on pense sur un sujet. Il est clair qu’en rappelant les dispositions des articles 13 et 14 du Code de procédure pénale, le magistrat n’a pas exprimé une opinion. Il a rappelé en des termes clairs ce que le législateur a dit sur une question donnée. De même que n’importe quel juriste ne donne pas une opinion quand il invoque un texte de loi.
 
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 23 du Statut des magistrats qu’il a toujours rappelé d’ailleurs, M. Charles Alphonse Wright n’a jamais renoncé à sa liberté d’expression. Bien évidemment,  l’exercice de cette liberté doit être concilié avec le devoir de réserve qui apparaît comme une limite à cette liberté. 
 
Mais encore une fois, le droit de réserve n’existe que lorsqu’il s’agit d’exprimer une opinion. Or, le rappel des dispositions légales n’est pas une opinion. Par ailleurs, le législateur n’a nulle part interdit à un magistrat d’intervenir dans les médias sous réserve de se conformer aux termes de son serment. Il faut d’ailleurs faire une distinction entre le devoir de réserve du magistrat du siège et celui du magistrat du parquet. On sait par exemple que le juge ( magistrat du siège) ne doit pas exprimer une opinion ou une position sur des questions qui pourraient lui être soumises. Et quand il est déjà saisi, sa position ne doit être connue qu’à travers la décision qu’il rendra mais pas avant. Ainsi, le magistrat du siège doit observer une certaine retenue même quand il se borne à rappeler ou évoquer la loi dans son expression écrite ou orale en public. En ce qui concerne les magistrats du parquet, le législateur lui donne la possibilité de communiquer dans certaines hypothèses conformément aux dispositions de l’article 8 du Code de procédure pénale. 
 
On pourrait reprocher à M. Charles Alphonse Wright d’avoir usé et abusé quelquefois de ces  dispositions relatives au droit reconnu au procureur de la République de communiquer sur un dossier judiciaire y compris par voie de presse et à certaines conditions. Mais est-ce une faute disciplinaire ? La réponse est non, d’autant plus que lorsque le même magistrat communiquait sur certains sujets, cela n’incommodait pas ceux qui devaient éventuellement le rappeler à l’ordre. Sans doute parce que ses fréquentes sorties médiatiques arrangeaient certains. Il a fallu qu’il rappelle à l’ordre un des rares visages connus du CNRD pour que ces prises de parole devant la presse soient jugées intempestives et anormales.
 
Maître Mohamed Traoré, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier

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