Il y a deux grands partis politiques en Guinée : le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) et L’Union des Forces Démographiques de Guinée (UFDG). Ce ne sont pas les meilleurs exemples de conduite saine, certes, mais on peut s’en servir pour refonder l’échiquier politique national. On peut même faire d’une pierre deux coups si on réussit à « tuer l’ethnie » (comme le recommande le président-colonel Mamadi Doumbouya) dans cette future nomenclature. D’abord, soyons d’accord sur le fait que notre système politique est moribond.
Selon l’ancien Ministre de la citoyenneté, Kalifa Gassama Diaby, « la composition ethnique de nos formations politiques faussent le débat démocratique. » C’est la prémisse majeure de notre raisonnement. En Guinée, parler de politique, c’est parler d’ethnies et de communautés, malheureusement. On ne va pas refaire le monde, on l’a dit et chanté : c’est grave, très grave même; et la nation se perd au profit de l’émergence de l’autisme communautaire
Comment dissocier la politique du spectre de l’ethnie ?
Parmi la pléiade de partis qui peuplent la scène politique guinéenne (officiellement plus de 150), seuls l’UFDG et le RPG sont reconnus dans les branches internationales des doctrines politiques. L’Internationale Socialiste connaît Alpha Condé, fondateur du Parti Jaune; et le leader des Verts-Et-Blancs, Cellou Dalein Diallo, est un des vice-présidents de l’Internationale Libérale. En plus de leurs idéologies politiques bien définies et conformes au bipolarisme mondial, ce sont également les deux plus gros contingents de militants dans les forces électorales du pays. Par conséquent, disons-le, les deux plus gros fouteurs de troubles aussi.
Il faut ramener le débat démocratique sur les idéologies traditionnelles de la politique. Il faut élaguer la classe politique en classant les formations par appartenance à ces blocs. Lorsque les leaders politiques guinéens, outrecuidants et fesse-mathieux, vont se positionner tel que le souhaitent les véritables lignes politiques, l’engrangement d’éventuels militants constituera une opération plus sûre et moins bazardeuse. On n’en aura plus besoin de suivre un leader politique pour son patronyme, pour son ethnie ou pour sa région. Ce sera une occasion, avec l’évolution de l’alphabétisation de la population, d’ouvrir la période des premières adhésions objectives.
En plus de la définition claire de ces positions évoquées ci-haut, il faudra ensuite axer tout le débat sur les programmes de sociétés des différents prétendants à la tête du pays. La presse pourrait être, pour une fois, garante de ce débat en mettant le curseur exclusivement sur des thématiques incontournables de la vie de la nation et du monde.
Les Français par exemple ne votent qu’après être convaincus sur leurs préoccupations : pouvoir d’achat, chômage, assurance santé, sécurité, éducation, retraite, climat… Les Guinéens aussi ne sont pas dupes, ils pourraient bien être habitués à ces débats de fond. Pour cela, il faut transformer les échéances électorales à des ensembles de mini-référendums pour des aspirations singulières qui forment un tout de bonheur escompté : le développement. Voter pour celui ou celle qui propose plus de sécurité, par exemple ; ou voter contre celui ou celle qui propose moins d’effort dans l’éducation. Ne parler que de programmes et de propositions concrètes de ceux qui veulent gouverner.
La réforme doit être osée
« Faire le sale boulot », cette formule récente du Colonel-président pourrait bien faire ses preuves dans ce projet d’édification d’un nouveau paysage politique dépourvu de futilités et de duplicités. Pour ce faire, il faut que les autorités de la transition prennent la responsabilité historique de réorganiser l’échiquier politique du pays. Il faut profiter de cette transition pour impulser cette mutation profonde. J’appelle le président de la transition à créer le canevas de la refondation politique. La tâche sera certes ardue, vu le niveau d’anarchie et le risque de réticence des « grands leaders ». Mais il faut bien faire quelque chose pour que les futures générations soient exemptées de cette besogne.
Il faut créer deux ou quatre grands blocs politiques dont les candidats se disputeront Sekhoutoureya. Dans le scénario bipolaire des blocs (la Gauche et la Droite), il faut chapeauter les pôles par l’UFDG et le RPG, conformément à leurs positionnements : les libéraux face aux socialistes. Il y aura ainsi des primaires à l’interne entre tous les micros partis qui vont concourir à la tête de la grande famille politique pour en être le candidat.
Dans le scénario tripolaire des blocs (la Gauche, la Droite et le Centre), il faudra reconduire les deux premiers pôles (Gauche/RPG et Droite/UFDG), puis créer le Centrisme pour toutes les autres formations dont les lignes ne sont pas foncées dans le Libéralisme ou le Socialisme.
Dans le scénario quintipolaire des blocs, il faudra ajouter les deux extrêmes eaux trois premiers grands groupes. Ainsi, les libéraux les plus radicaux dans leurs idées formeront l’Extrême droite et leurs homologues radicaux socialistes formeront l’Extrême gauche.
Et au-dessus de toute cette ramification, l’Etat veillera au grain pour une animation sans faille de la vie politique. Que les conditions d’acquisition du statut de leader politique soient durcies : la moindre mise en examen doit disqualifier un candidat. Le jour de la gloire en Guinée, c’est le jour où le système politique connaitra une telle organisation. Monsieur le président, vous pouvez bien vous emparer de ce mérite historique.
Allez-y, mon colonel, essayez !