C’est un témoignage qui a ému la salle en cette 49ième audience dans le dossier des événements douloureux du 28 septembre 2009. Oury Bailo Bah, la première victime à comparaître devant le TPI de Dixinn délocalisé à la Cour d’appel de Conakry dit ne pas savoir jusqu’à présent ce qu’est devenu son frère.
À la barre, Oury Bailo Bah a expliqué que son jeune frère s’appelait Elhadj Hassane Bah, archiviste documentaliste, marié sans enfant, engagé en 2008 à la fonction publique. Mais depuis le 28 septembre 2009, il n’a plus des nouvelles de son frère dont le corps a été pourtant identifié au préalable au stade du 28 septembre. Son corps fait donc partie des disparus.
« …Nous sommes allés chez Thiégboro, chez Pivi, il y avait des gens qu’on avait envoyé là-bas, mais il n’y avait pas notre frère parmi eux. Ceux qui étaient là-bas criaient et demandaient de l’aide. Etant dans les recherches, je reçois la nouvelle fatidique. Quelqu’un m’a dit: « mon frère, du courage, j’ai vu Hassane parmi les morts. Pour être sûr, je me suis approché, j’ai bien vu que c’est lui, pour avoir une preuve, j’ai fouillé dans sa poche, il avait une clé et 7 mille francs guinéens mais je n’avais pas osé faire l’annonce ».
Dès qu’on a envoyé la clé, ma sœur est partie ouvrir sa chambre, on a confirmé que c’était bien lui. On est rentré. J’ai vu du sang humain coulé aux urgences de l’hôpital Donka, on dirait dans une boucherie. Des blessés affluaient, les médecins sur place faisaient leur mieux mais c’était dans un désordre total, la débandade, une pagaille qui ne dit pas son nom…
Cinq jours après les événements, les corps qu’ils ont gardé, beaucoup avaient commencé à pourrir, des visages commençaient à devenir méconnaissables, des corps qui sentaient. Le manque de dignité dans le traitement des corps nous a marqués.
Le corps de mon frère a été vu sur l’esplanade du stade du 28 septembre avec d’autres corps, alignés. Son corps n’a jamais été retrouvé après les évènements. Nous n’avons même pas encore fait notre deuil, on ne peut pas se recueillir. Ce qui nous reste de lui, c’est son souvenir. Monsieur le président, je voudrais bien qu’on me dise où se trouve le corps de mon frère. J’ai avec moi, une photo dans laquelle figurent des corps. Cette photo est une preuve qu’il a été tué, c’est également une preuve que son corps a disparu.
Ma mère a tellement réclamé le corps de mon frère. J’étais obligé de mentir, de dire à ma mère que son corps était dans un état tel qu’on ne pouvait pas transporter. Mais elle m’a dit de mettre le corps dans des plastiques pour envoyer mais il veut voir le corps de son fils. C’est arrivé là-bas (au village) que j’ai été obligé de lui dire qu’on n’a pas retrouvé son corps… », a expliqué Oury Bailo Bah, la première partie civile à comparaître devant la barre du tribunal de première instance de Dixinn.
Diop Ramatoulaye
666-75-16-10