Politique générale du Gouvernement : point par point, Dansa Kourouma analyse le discours du Premier ministre

Le Premier ministre était devant les députés le mardi. Ibrahima Kassory Fofana a défendu la politique générale de son gouvernement qui a été ensuite adoptée par la représentation nationale. Contacté par Guinee114.com, Dansa Kourouma, président du Conseil National des Organisations de la Société Civile de Guinée, a fait une analyse exhaustive du discours du Premier ministre.

Décryptage

D’abord c’est un exercice important qui contribue à renforcer le principe de la démocratie et le principe de la séparation des pouvoirs dans notre pays. Pour moi l’élément le plus important c’est le symbolisme des rapports entre l’Exécutif et le Législatif.

Le discours a été très long ce qui signifie que le Premier ministre accordait toute l’importance pour arriver à convaincre les députés. Ensuite, peut-être que les problèmes auxquels il est confronté sont tellement énormes et il ne parvient pas à structurer une approche qui permet de donner les meilleures réponses aux problèmes les plus importants.

En ce qui concerne le contenu du document, je pense que le Premier ministre a été trop superficiel sur les questions liées à l’évaluation de son document de politique passé. Parce qu’en réalité avant de projeter des nouvelles visions c’est important d’évaluer ce que vous avez déjà mis en œuvre. Cette évaluation n’a pas été bien approfondie pour convaincre les députés sur la nécessité de le faire confiance. Cette partie évaluation était caractérisée par une autosatisfaction du Premier ministre quant à son bilan économique qu’il estime être positif avec le maintien d’un taux de croissance à 5% mais également son bilan sécuritaire. La politique sociale du gouvernement qui se matérialise par les projets ANIES et ANAFIC. Je pense que sur le plan de son bilan, le PNDES si c’est le document de référence, nous estimons au niveau de la société civile que le PNDES dans sa version une n’a pas été à la hauteur des attentes de la population. Par conséquent, le Premier ministre devra se remettre en cause pour que le nouveau PNDES, version2, puisse tenir compte des insuffisances de la version1 mais surtout de tout ce qui est lié aux défis à atteindre pour le pays.

J’ai trouvé une certaine incohérence dans le discours. Annoncer une croissance à 6% avec une bonne politique d’inclusion sociale et économique et même de redistribution de la richesse et puis en même temps on dit à la population de serrer les ceintures parce que les jours à venir seront difficiles. Je trouve ça incohérent sur le plan politique. Cette incohérence m’a préoccupé parce qu’on plaide pour un taux de couverture d’électricité à 70% et on plaide en même temps d’augmenter le prix d’électricité.

 

Sur les promesses, le premier point c’est accordé 1% du budget national au financement des projets innovants dans le domaine du numérique porté par les jeunes et les femmes. C’est une bonne proposition. C’est concret. 1% du budget national c’est une ressource suffisante pour créer un fond catalytique en faveur de l’innovation.

Le deuxième point c’est l’augmentation du budget de l’éducation à 20% d’ici 2025, malgré que c’est une augmentation par rapport aux années passées mais on est encore inférieur aux normes indiquées par la CEDEAO. Aux normes internationales c’est 30 à 40% dans beaucoup de pays qui ont un système éducatif robuste. Donc c’est une avancée mais qui n’est pas suffisante par rapport à l’éducation. Et je ne suis pas d’accord lorsque le Premier ministre dit que “la priorité des priorités c’est l’éducation à la base”. Je suis d’accord que cet investissement sur les cinq ans touche tous les segments du système éducatif. C’est un mécanisme interconnecté.  L’enseignement technique et supérieur sont des maillons essentiels pour le développement de la Guinée.

Une autre promesse du Premier ministre c’est 1500 kilomètres de routes nationales et préfectorales bitumées et 850 km de voiries urbaines d’ici 2025. C’est aussi une proposition pertinente mais j’ai quand même des réserves quand on sait depuis dix ans que le président Alpha Condé est au pouvoir mais la manière dont les routes sont construites ça ne me rassure pas sur la capacité de tenir cette promesse d’ici 2025.

Résorber la desserte en électricité avec un taux d’accès des ménages à 70%. C’est bien mais j’ai un peu de bémol parce qu’au même moment on demande d’augmenter la facture d’électricité. Donc augmenter l’électricité et couvrir plus de ménages me semble être un problème quand le pouvoir d’achat de la population est affecté du fait de plusieurs contingences qu’on connaît.

D’une manière générale en termes de financement, l’augmentation de la ressource interne en doublant les recettes jusqu’à atteindre 20% du PIB c’est aussi une très belle promesse parce qu’on ne peut pas financer des projets sans avoir les ressources.

Le Premier ministre a beaucoup venté la politique sociale du gouvernement mais sans donner l’impact de l’ANIES sur la réduction de la pauvreté et sur l’augmentation du pouvoir d’achat ou la protection des ménages face à la pauvreté. L’ANIES était une initiative pertinente jusqu’à ce qu’elle n’ait été politisée à outrance. Dès qu’elle a été politisée à outrance, elle se distance des filets sociaux productifs qui étaient beaucoup plus géré selon les directives de la Banque mondiale mais l’ANIES prend un élan populiste et politique ça fait que son impact sur le développement social durable n’est pas perceptible à cause de la tempête politique.

En résumé, il y a quatorze promesses que j’ai répertoriées mais je pense que la stratégie du Premier ministre pour la création d’un environnement de paix, de stabilité, gage d’un développement économique durable, cette stratégie n’est pas convaincante. Je pense qu’il faut faire de l’effort pour décrisper la situation. Il faut que la compétition politique se mette en place avec vigueur mais tout en respectant le principe de liberté des autres et en respectant la paix et la sécurité des citoyens. On doit avoir un écosystème politique plus dynamique mais qui respecte les lois de la République et dont les actions doivent être non violentes.

Sur la question liée à la santé, je n’ai pas suivi le Premier ministre. J’attendais le Premier ministre que d’ici les cinq années la Guinée va souscrire à l’assurance-maladie universelle pour permettre de soutenir les familles dans le cadre de la prise en charge de leurs frais médicaux. En dernier, j’ai trouvé que les projections du Premier ministre sont toujours sur cinq ou six ans, c’est-à-dire correspondant au mandat du président de la République. Je n’ai pas vu de projection sur deux ans qui correspond à la durée de son contrat avec le président. C’est comme s’il a défendu un projet de société sur cinq ans correspondant aux projets de société du président de la République sans pour autant de se préoccuper naturellement de ce qui l’attend lui et son gouvernement dans les deux années donc on n’a pas de résultats intermédiaires sur deux ans dans ce discours de politique générale du premier ministre. Ceci me semble être un élément très important. 

Diop Ramatoulaye

666751610

Articles similaires