Alors que les dossiers de candidature à l’élection du 25 février sont en cours d’examen, le principal opposant a vu une de ses peines confirmée par la Cour suprême, ce qui pourrait le rendre inéligible.
Durant quinze jours, ses partisans s’étaient remis à rêver à la candidature de leur leader à la présidentielle du 25 février. Mais un nouvel obstacle s’est dressé, jeudi 4 janvier, sur le chemin du principal opposant du pays. Dans un feuilleton politico-judiciaire interminable, la Cour suprême sénégalaise a confirmé la condamnation d’Ousmane Sonko à six mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA (305 000 euros) de dommages et intérêts.
La peine avait été prononcée en appel en mai 2023 dans une affaire de « diffamation, injures et faux » qui opposait le tonitruant leader du parti les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), dissous en juillet, au ministre du tourisme Mame Mbaye Niang. Ousmane Sonko l’avait accusé fin 2022 d’avoir été épinglé par un rapport de l’inspection générale des finances pour des fautes de gestion lorsqu’il assurait la coordination d’un programme agricole de l’Etat.
A deux semaines de la publication définitive de la liste des candidats à la présidentielle, la décision de la Cour suprême compromet sérieusement l’éligibilité de l’opposant en détention depuis le 29 juillet pour plusieurs accusations, dont « appel à l’insurrection ». Selon le Code électoral, les personnes condamnées à une peine avec sursis inférieure ou égale à six mois sont inéligibles pour une durée de cinq ans.
« Il ne tombera pas »
« Les adversaires de M. Sonko ont réussi l’objectif de l’éliminer de la présidentielle », a réagi, la mine défaite, Me Cheikh Khoureychi Ba, membre du collectif d’avocats de l’opposant à la sortie d’une longue audience qui a pris fin tard dans la nuit de jeudi. « Très déçu » de la décision de justice, Me Ciré Clédor Ly a dénoncé « un complot d’Etat », « mais [Ousmane Sonko] ne tombera pas », a déclaré l’avocat qui juge « hâtive » la remise en cause de l’éligibilité de son client. Il invoque une disposition du Code électoral pour estimer que la juridiction de jugement devait indiquer expressément la déchéance de la qualité d’électeur d’Ousmane Sonko.
Me Al-Hadj Diouf, le représentant de Mame Mbaye Niang, n’a quant à lui pu dissimuler sa satisfaction à la lecture de la décision des juges de la Cour suprême. « Nous venons d’enregistrer une grande et importante victoire », a-t-il lâché.
La défense d’Ousmane Sonko se montrait pourtant confiante avant ce coup de massue. « Que les Sénégalais aient l’esprit tranquille », déclarait il y a quelques jours Al-Malick Ndiaye, le secrétaire général à la communication du Pastef dans une interview avec un média privé. Les avocats du principal opposant sénégalais ont tout au long de leur plaidoirie évoqué l’inconstitutionnalité d’un article du Code pénal sénégalais qui réprime la diffamation envers une autorité gouvernementale. Ils espéraient ainsi retarder le verdict de la Cour suprême afin qu’il soit donné après que la question de la candidature de leur client pour le scrutin présidentiel ne soit tranchée.
« Plans B »
Le Conseil constitutionnel étudie actuellement les dossiers des 93 candidats à l’élection du 25 février. Il doit statuer vendredi sur la validité des parrainages du leader du Pastef et indiquer si son dossier de candidature est complet avant de l’étudier sur le fond et publier la liste définitive des candidats au plus tard le 20 janvier.
S’il ne lèvera pas définitivement le suspense sur les chances de l’opposant de participer au scrutin, cet examen donnera une première indication. Ousmane Sonko a déposé à la dernière minute un dossier de candidature après une décision de justice rendue mi-décembre qui ordonnait sa réinscription sur les listes électorales. Mais ce dossier ne contient ni fiche officielle de parrainage ni attestation pour la caution. A la place, son camp a joint une liste de parrains, une quittance de dépôt de la caution et des constats d’huissier des refus respectifs de la Direction générale des élections et de la Caisse des dépôts et consignation de leur remettre ces documents théoriquement indispensables pour être candidat.
Malgré les incertitudes pesant sur sa capacité à être candidat, Ousmane Sonko a été investi dimanche par sa coalition dans un lieu privé, à huis clos, après l’interdiction par les autorités du meeting public prévu samedi. Pour faire face au premier ministre Amadou Ba, le candidat de la majorité du président Macky Sall, l’ex-Pastef a prévu des « plans B ». Le parti a présenté la candidature de son numéro deux, Bassirou Diomaye Faye. Il soutient aussi la candidature de Habib Sy, leur allié au sein de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi.
Lemonde.fr