Après l’interrogatoire de l’accusé Marcel Guilavogui, l’audition des victimes a repris ce mercredi, 19 juillet 2023, dans le procès des événements du 28 septembre 2009, qui se tient devant le tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’appel de Conakry.
À l’ouverture de l’audience, c’est Abdoul Hamid Diallo, partie civile dans cette affaire, qui a comparu pour livrer sa version des faits. Il est revenu longuement sur ce qu’il a vécu au stade du 28 septembre de Conakry, où plus de 150 personnes ont été tuées, des centaines d’autres blessées et plusieurs femmes violées le 28 septembre 2009.
« Le matin du 28 septembre, lorsqu’on est arrivés à Dixinn, juste au niveau de l’école primaire de Dixinn Centre 1, le colonel Tiegboro est apparu devant nous avec ses agents. Il nous a bloqué le passage, il nous a dit de ne pas passer. J’étais là, il a tenu des propos offensants envers les manifestants. Mais de discussion en discussion, il a reculé.
Arrivé à Dixinn terrasse, j’ai rencontré Mme Yarie que je connaissais. Elle m’a dit : Hamid, on a arrêté les leaders. Donc on s’est dirigés vers la route qui mène à l’université Gamal. Là, il y avait une ceinture de policiers, on n’a pas pu traverser, on s’est retournés à la terrasse (l’esplanade du stade du 28 septembre, NDLR).
Peu de temps après, j’ai vu la porte du stade ouverte, on est rentrés dans le stade. Les gens affluaient et il y avait vraiment de l’engouement. Le stade était plein à craquer. Moi, j’étais dans les gradins, lorsqu’un frère m’a appelé pour me demander où je suis, je lui ai dit que je suis au stade.
Il m’a dit : il faut sortir, nous avons aperçu un cortège de bérets rouges ici, et si ces gens-là vous trouvent là-bas, vous n’allez pas vous en sortir. J’ai dit : grand frère, je ne peux pas sortir d’ici parce que l’ambiance est vraiment grandiose. Donc quelques minutes, j’ai entendu des crépitements d’armes automatiques vers le pont de Madina.
Ce qui m’a marqué, c’est quand j’ai vu des bérets rouges rentrer par la grande porte avec des armes, ils tiraient. D’autres avaient des brassards rouges. J’ai vu des gens tomber. Mais je n’ai pas paniqué, je suis descendu de manière lucide des gradins, je suis arrivé sur la pelouse, et chacun se cherchait.
On s’est dirigés vers la deuxième porte du stade parce que ceux qui tiraient, sont rentrés par la grande porte. Alors, il y avait une forte bousculade. Moi, j’ai eu la chance de m’en sortir, mes biceps étaient vraiment épuisés. Je me suis dirigé vers la cour qui se trouve vers les rails, parce qu’il y avait des personnes qui aidaient à faire passer les gens dans le quartier de la SIG.
Lorsque mon tour est arrivé, il y a une jeune fille qui était touchée par une balle qui demandait secours, son sang m’a touché. Je n’ai finalement pas voulu prendre le risque de passer là-bas. Je me suis retourné avec un groupe, on s’est dirigés vers le stade annexe. Arrivé là-bas, je me suis débrouillé pour escalader le mur.
Et là, j’ai vu des bérets rouges qui continuaient à tirer sur les gens, et j’ai pu compter six corps sur l’esplanade. Je me suis dit que si je descends là, je serai comme les autres, donc j’ai rebroussé chemin. Il y a un poteau en aluminium vers le côté de Landreyah, c’est par là-bas que je suis descendu.
Et là-bas aussi, il y avait des gendarmes qui détenaient des machettes. J’ai été dépouillé de mon argent, 22 500 francs guinéens après je suis passé », a narré Abdoul Hamid Diallo, qui pointe un doigt accusateur sur les services spéciaux dirigés alors par Moussa Tiegboro Camara et des bérets rouges.
L’interrogatoire de cette partie civile se poursuit avec les questions des avocats.
Mamadou Macka Diallo
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