C’est avec des sentiments mitigés que maître Thierno Souleymane Baldé est sorti de la première journée du procès du gendarme Ibrahima Baldé, accusé des meurtres de trois jeunes lors d’une manifestation du FNDC en octobre 2022. Heureux de l’ouverture de ce procès, l’avocat de la partie civile éprouve aussi une déception. Il regrette le rejet de sa requête relative à la comparution d’un témoin, qu’il estime nécessaire pour la manifestation de la vérité.
Après huit mois de détention préventive, Ibrahima Baldé, le gendarme filmé en train de tirer à balles réelles lors d’une manifestation appelée par le FNDC le 20 octobre 2022, s’explique devant la justice. Son procès s’est ouvert ce lundi 19 juin 2023 au tribunal de première instance de Dixinn. A la barre, l’accusé a plaidé non coupable des faits de « meurtre, atteinte à la vie, coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » qui lui sont reprochés. Il a déclaré avoir utilisé son pistolet uniquement pour faire des tirs de sommation et non pour tirer sur des manifestants. Un argument appuyé par son avocat, qui estime que les faits prouvent déjà l’innocence de son client.
« Mon client a nié les faits parce qu’ils ne sont pas fondés. Nous avons eu ce matin le dossier de la procédure, nous l’avons compulsé ici à l’audience, et nous nous sommes rendu compte que les éléments du dossier militent en faveur de sa disculpation. Les faits tel qu’ils ont été exposés dans le dossier de la procédure prouvent à suffisance qu’il ne peut pas être l’auteur des meurtres qui ont eu lieu, c’est évident. Vous-mêmes, vous avez suivi les débats, l’arme qu’il détenait qui est visible, que tout le monde entier a vue, c’est une arme de fabrication turque de marque Canik 9. Nous connaissons sa portée.
Et grâce aux réseaux sociaux, mon client a été identifié sur un point et les transports judiciaires qui ont eu lieu à son insu même ont prouvé que là où les corps ont été retrouvés était à des distances qui n’étaient pas à la portée de l’arme qu’il détenait, tout ça c’est dans le dossier. Il était accompagné de ses supérieurs, on l’a vu ensemble avec les autres. Et même sa position, vous savez qu’un tir de sommation, ça se reconnaît par la position du bras. Quand le bras est levé en l’air, c’est un tir de sommation, il n’a pas pointé un adversaire, il a fait des tirs de sommation. Donc, en aucun cas vraiment, par ces tirs de sommation qui étaient absolument nécessaires d’ailleurs pour dissuader les manifestants, il ne pouvait être l’auteur des meurtres qui ont été commis », soutient maître Joseph Sovogui.
De son côté, l’avocat de la partie civile a trouvé étonnant que l’accusé, qui dit être innocent, refuse de répondre à ses questions devant le tribunal. « Il a refusé systématiquement de répondre à nos questions. Et pourtant, c’est des questions très simples qui sont destinées justement à démontrer si effectivement c’est lui qui est l’auteur des cas de meurtres ou non. Dans les conditions normales, il devait répondre à toutes nos questions pour démontrer au tribunal qu’il est innocent comme il le dit. Mais comme on dit souvent, qui ne dit rien consent. S’il refuse de répondre à nos questions, c’est qu’il y a une raison derrière. Mais au bout du compte, le tribunal appréciera », a réagi maître Thierno Souleymane Baldé au sortir de la salle d’audience.
L’avocat de la partie civile se réjouit que ce procès puisse se tenir, mais regrette déjà une décision du tribunal. Me Baldé ne comprend pas en effet pourquoi la juridiction a rejeté sa demande relative à la comparution du Commandant de l’unité dont faisait partie Ibrahima Baldé le 20 octobre 2022. Pour lui, celui-ci représente un témoin clé qui peut aider à la manifestation de la vérité dans cette affaire. « Il ne suffit pas juste d’organiser un procès, il faudrait qu’on puisse entendre tous les témoins, présenter tous les éléments de preuve. Une fois qu’une décision est rendue, qu’elle soit conforme aux faits.
Et vous avez suivi, nous avons demandé la comparution de certains témoins et nous tenons absolument à ce que ceux-là puissent comparaître. Nous ne voulons pas qu’il y ait un soi-disant procès. Nous savons très bien que selon l’article 497 du code de procédure pénale, tous les éléments de preuves doivent être discutés contradictoirement devant le tribunal. Nous ne voyons pas pour quel motif le procureur de la République s’oppose à la comparution d’un témoin, dans la mesure où cela va concourir à la manifestation de la vérité. Nous tenons absolument à ce que tous les témoins qui peuvent apporter des éléments de preuves pour démontrer soit la culpabilité ou l’innocence de l’accusé soient entendus devant ce tribunal », a dit l’avocat des plaignants.
Ce procès va se poursuivre le 03 juillet prochain devant le tribunal criminel de Dixinn.
Mamadou Macka Diallo