» Une famille où il n’ya pas de métisse, kö famille ndouttouri »;
» Un homme qui ne réussit pas ne marie pas une étrangère » ;
» Si a gaynata hadju, a hèbhata dèbbö djananö »;
» Ce que tu gagnes, c’est ta cousine »;
» Kö dèndhan ma hèbhata « ;
» Bepperi kö dèndhan hèbhata fi ta ö moulou « .
Voilà des extraits des propos de Dr Bano Barry dans une vidéo qui circule sur la toile sujet du mariage entre cousins et cousines. Par prudence, il vaut mieux préciser que ce sont des « extrais » puisque peu de gens disposent de l’intégralité de l’enregistrement.
Par ailleurs, la même prudence commande de prendre en compte le contexte dans lequel ces propos ont été tenus. Sur la base de ces extraits, on peut faire l’effort de comprendre ce qu’a voulu dire le sociologue même si on n’est pas d’accord avec lui.
1- Dr Bano Barry a-t-il dit que tous les hommes qui ont épousé leur cousine sont des » bepperi » ?
La réponse est non, d’autant plus qu’il reconnaît avoir lui-même épousé sa cousine. Le contraire signifierait qu’il serait lui-même un » b……. ». Or, il est un sociologue réputé. Il a été conseiller d’un président de la République sur les questions de l’Éducation avant d’être ministre.
Il est donc loin d’être un « b……. ».
Il existe des milliers d’hommes qui ont épousé leur cousine. Ils ne sont pas pour autant des » be…… ».
Ici encore comme ailleurs, c’est la relativité.
D’ailleurs, les choses ont beaucoup changé. Rare sont les pères qui accepteraient actuellement de donner leur fille à un neveu » be…… ».
La famille, d’accord. Mais chaque famille, chaque femme aspire au bien-être qu’un cousin » b……. » ne peut assurer.
2- Il n’est pas faux de dire que très généralement une famille ne donne pas sa fille en mariage à un homme qui n’a pas réussi ou dont elle n’est pas sûre qu’il peut réussir au regard d’un certain nombre de faits concrets. Parfois, on consulte même les marabouts et feticheurs pour être éclairé sur l’avenir de l’union projetée.
À noter qu’il s’agit ici de réussite matérielle ou financière.
On entend parfois dire dans certaines familles musulmanes qu’on ne donne pas sa fille à un non musulman. Mais il suffit qu’un Américain, un Australien, un Français, et même un Japonais ou un Mongole se présente dans une de ces familles pour demander la main d’une fille pour que cette règle tombe. Parfois, on impose comme condition de l’acceptation de la demande en mariage de cet étranger non musulman sa conversion à l’islam. Mais on sait que dans bien des cas, c’est juste pour la forme. Après avoir obtenu ce qu’il veut c’est-à-dire le mariage, l’homme reprend sa religion qu’il n’avait d’ailleurs sérieusement abandonnée. Du moins dans certains cas.
La question de la réussite matérielle ou financière n’est pas étrangère à ce type de mariages. Il existe une présomption de réussite matérielle ou financière dont jouissent les Blancs qui veulent prendre pour épouse une filles dans certaines de nos familles. Encore que tout ne se résume pas à la réussite matérielle ou financière. Parfois, ce type de mariages repose sur l’amour, rien que sur l’amour. C’est rare, diront certains. Mais passons.
3- On ne peut nier aussi que dans nos familles, il existe des mariages entre cousins. Cela n’est d’ailleurs pas propre seulement à notre société. On peut en trouver des exemples dans d’autres sociétés. Ce sont souvent des mariages arrangés et même forcés. Les raisons de ces mariages entre cousins sont nombreuses. Parmi ces raisons, on peut citer celle indiquée par Dr Bano Barry.
En effet, dans une famille, on peut bel et bien arranger un mariage entre un homme et sa cousine afin qu’il puisse avoir une épouse même s’il ne répond pas au critère de la réussite au sens où l’on entend ce terme ou à la promesse d’une telle réussite. Ainsi, on lui donne la possibilité d’avoir une progéniture. S’il meurt, il ne » disparaît » pas.
Mais il faut dire encore une fois que ce n’est pas l’unique raison des mariages entre cousins. Soutenir le contraire ou faire une généralisation serait une erreur d’appréciation.
C’est peut-être ce qu’a voulu dire Dr Bano Barry.
Beaucoup sont sans doute choqués par les termes qu’il a employés et ne sont pas allés plus loin. Il est vrai que des termes comme » bepperi « , ou « ndouttouri » ne sont pas très agréables à entendre. Mais là aussi, il y a lieu de relativiser. En employant ces termes, il voulait peut-être désigner le fainéant, le vaurien, l’oisif.
Les sousous diraient » fouyanté », les malinké » fouaré » ou « denbo » pour être moins gentil encore. Dr Bano Barry aurait pu choisir d’autres termes pour s’exprimer sur un sujet qui relève bien de la sociologie qui est son domaine de compétence.
Mais on sait aussi qu’il a souvent un langage « cru » pour se faire comprendre. Cela a des avantages et des inconvénients. Plus d’inconvénients que d’avantages ? Ce n’est pas exclu.
C’est pourquoi, on dit chez nous que le moment et la manière de dire une parole sont aussi importants que la parole elle-même.
Maître Mohamed Traoré, ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Guinée