Le mardi, 20 avril 2021, Reporters Sans Frontières (RSF) a sorti un rapport sur la liberté de la presse dans le monde. La Guinée qui occupait auparavant la 110ème place, a gagné un point de plus et occupe désormais la 109ème place sur 180 pays évalués. Les réactions des professionnels de médias en Guinée, n’ont pas tardé.
Ce jeudi, 22 avril 2021, nous avons rencontré le fondateur et administrateur général du site d’information guineematin.com, Nouhou Baldé, pour aborder ce sujet.
Quelle explication avez-vous après la sortie de ce rapport du RSF ? Est-ce que le contenu reflète les réalités sur le terrain ?
Nouhou Baldé : Je pense que la publication du rapport était attendue surtout par les victimes. Vous savez que quand on parle de rapport, il y a ceux qui briment et ceux qui sont brimés. Les journalistes, les médias sont de l’autre côté de la barrière. Nous sommes les victimes des repressions contre la liberté de la presse et puis généralement contre les libertés d’expression parce qu’au-delà du fait qu’on nous prive quelques fois d’exprimer nos idées, le fait qu’on durcisse les conditions d’expression dans un pays, rétrécit le champ d’action des journalistes puisque quand ceux qui s’expriment sont inquiétés, intimidés, persécutés, nous sommes aussi victimes. Parce que nous allons manquer d’une manière ou d’une autre d’interlocuteurs surtout d’interlocuteurs percutants, des gens qui disent de façon claire leurs opinions. Malheureusement, nous vivons dans un pays où les espaces de liberté sont rétrécis chaque jour davantage.
Après la publication de ce rapport je suis de ceux qui sont sincèrement déçus de Reporters Sans Frontières (RSF). Parce que je ne peux pas comprendre alors qu’on est en train de perdre justement nos libertés dans ce pays puisque nous le vivons du jour le jour, nous savons que nous perdons de la liberté, nous savons que nos invités ne viennent pas, ont peur ou ne s’expriment dorénavant que sous anonymat parce qu’ils ont peur d’aller en prison, nous-même on est empêché de travailler, on viole les lois pour nous empêcher de travailler.
Je suis donc de ceux qui sont déçus d’apprendre que dans cet environnement-là, la Guinée gagne un point. Et après lecture du rapport, puisse que j’ai commencé par avoir des échos avant d’ouvrir le rapport mais quand j’ai lu la partie concernant la Guinée, sincèrement j’ai eu l’impression que cette partie a été écrite soit à Sékouréyah soit au département de la communication.
Je suis dans tout mon sérieux, je suis déçu de voir aujourd’hui qu’on rappelle que la Guinée a connu des avancées notables avec la dépénalisation des délits de presse. Mais çà, nous l’avons gagnée sous le régime militaire de Lansana Conté. La junte de Dadis du CNDD donc nous l’a léguée, l’a gardée, l’a protégée et la transition de Sékouba Konaté l’a protégée. Au contraire sous la mandature du Président Alpha Condé, nous avons entendu toute sorte de critiques sur cette loi la L002, loi d’ailleurs qu’on ne respecte plus. Nous savons tous ce que Makanera Alhousseine Kaké a dit sur cette loi. Nous savons tout ce que Amara Somparé, l’actuel ministre de la communication, dit de cette loi. Nous savons que malgré l’existence de cette loi bien qu’elle soit en vigueur, des journalistes sont mis en prison, des journalistes sont condamnés.
Nous savons tous ce qui passe sous cette loi, sous le prisme de cette loi. Alors voir reporters sans frontières remettre ça au goût du jour comme si c’était un acquis obtenu récemment et taire toutes les violations qu’il y a eu… Je rappelle que Guinéematin a été suspendu le 18 octobre jour de l’élection présidentielle de 2020 sur la base du néant. Il y a aucune base, aucune loi, aucun principe, aucun code même pas une entente entre journalistes et autorités ou associations des journalistes.
Sur ce, je dis encore sur aucune base on a suspendu notre site pour un mois. Et il se trouve que la faute prétendument commise, l’aurait été au niveau de la page Facebook de Guinéematin. On reproche à la page Facebook de Guinéematin d’avoir commis une faute, ce qui était faux, puisse qu’il n’y avait pas de faute tous les médias faisaient ce qu’on a fait: relayer les opérations de vote. Ce qui était légal, normal à encourager d’ailleurs. On reproche donc à la page de Guineematin.com d’avoir commis une faute et on vient suspendre Guineematin.com. Reporters sans frontières n’y voit rien, n’apprend rien. Alors que Assane Diagne qui est le représentant de Reporters sans frontières en Afrique de l’ouest a été saisi de toutes ces questions.
Il a reçu des copies de tout ce qui s’est passé, il tait ça ou je ne sais pas s’il a une équipe, ils taisent ça. On nous parle d’avancée liée à la dépénalisation des délits de presse, quelque chose qu’on est en train de perdre. Puisse que malgré l’existence de cette loi nous savons que Amadou Sadjo Diallo est en prison pour avoir critiqué le richissime Antonio Souaré, Reporters sans frontières ne voit rien.
Amadou Djouldé Diallo est en prison, je peux comprendre qu’il a été arrêté en 2021. Mais Sadjo, ses ennuis judiciaires datent de 2020. Reporters sans frontières n’y voit rien. Tout ce qu’on a vécu en 2020, on nous parle de dépénalisation des délits de presse. J’ai l’impression donc que ce rapport n’a pas été équitable, il n’a pas été indépendant, il est loin est d’ailleurs contre les journalistes.
J’ai l’impression qu’il est soit censuré, soit peut-être corrigé ou en tout cas, il y a une probabilité qu’il y ait une collision quelque part entre ceux qui briment les journalistes, ceux qui sont aux affaires et peut-être les rédacteurs de ce rapport. D’ailleurs, on m’apprend que ce dernier temps le représentant du RSF en Afrique de l’ouest s’est fait recevoir au ministère de la communication avant la publication de ce rapport.
Est-ce qu’il a soumis aux autorités guinéennes ce qu’il voulait dire sur la Guinée ? Est-ce qu’il s’est fait corriger ? Je ne sais pas. Et je trouve que les journalistes Guinéens ont besoin encore une fois de se donner la main pour compter sur eux de ne compter sur personne parce que ceux sur qui on croit compter peuvent nous contourner et aller faire des choses qu’on ne peut pas imager ailleurs. Je pense que les Guinéens doivent se battre, on doit savoir que nos libertés c’est nous-mêmes qui devons les gagner, c’est nous-mêmes qui devons les protéger et si nous les perdons à notre niveau on les aura perdu et pour tout bon malheureusement
Entretien réalisé par Mamadou Macka Diallo
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