(Cette interview est parue pour la première fois dans le Magazine de la Présidence N°003) La Caisse nationale de sécurité sociale ou CNSS est un établissement public guinéen, à vocation de sécurité sociale. Créée en 1955 sous la forme de caisse de compensation des prestations familiales (CCPF), elle gérait, comme son nom l’indique, la seule branche des prestations familiales. Puis, elle reçut la mission de gérer la branche accidents du travail et maladies professionnelles, autrefois sous l’apanage des compagnies privées d’assurance en 1959.
En 1960, sa compétence a été élargie à la gestion de l’assurance vieillesse ainsi qu’à celle de l’assurance maladie-invalidité. C’est au terme de ce processus que la Loi N°21/AN/60 du 12 décembre 1960, érigea la Caisse de compensation des prestations familiales en Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS.
Depuis cette date, la CNSS a traversé plusieurs péripéties à l’image d’autres structures publiques. L’avènement du Colonel Mamadi Doumbouya et ses compagnons d’armes a impulsé un nouvel élan à cette structure.
Dons cet entretien que le nouveau Directeur Général de la Caisse Nationale a bien voulu nous accorder, il revient sur les différentes innovations qu’il a apportées pour permettre à la CNSS d’atteindre l’objectif assigné à elle par le Président de la République, le Colonel Mamadi Doumbouya.
Depuis que vous êtes entré en fonction le 14 décembre 2021, quel est à ce jour, le dynamisme et le changement que vous avez impulsés à la CNSS ?
Face à l’ampleur de la transformation nécessaire pour servir des prestations de qualité aux assurés sociaux, nous avons agi sur les leviers pour recentrer la CNSS autour de ses missions.
Nous avons consacré les premiers mois de nos actions au redressement financier de l’Institution que nous avons l’honneur de diriger : il s’agissait de garantir rapidement l’équilibre du régime de base de protection sociale des salariés du secteur privé et du parapublic. C’est une absolue nécessité l
Cette action pose aujourd’hui les bases de la refondation de la CNSS en garantissant le paiement des engagements sociaux, c’est-à-dire les prestations sociales à nos assurés.
Nous avons ainsi engagé la sécurisation des ressources financières en luttant drastiquement contre les déperditions dans la collecte des cotisations sociales. À ce jour, je voudrais souligner que la CNSS dépend quasi exclusivement des cotisations sociales. Ce qui l’expose aux chocs externes, économiques et sanitaires. D’ailleurs, nous envisageons la diversification des ressources pour atténuer ce risque.
Nous avons également mobilisé des efforts pour la maîtrise des dépenses, notamment de prestations sociales. Nous avons ainsi réduit nos dépenses techniques de 2022 de 40 % environ par rapport à l’exercice précédent. C’est un processus continu qui passe par le contrôle régulier et la preuve de vie des pensionnés.
Ces deux actions combinées ont permis de constituer, pour la première fois dans l’histoire de l’Institution, des réserves techniques consacrées par le Code de la sécurité sociale. Elles dénotent la bonne gestion financière de l’Institution et garantissent le paiement des engagements aux assurés sur un horizon temporel long.
Je voudrais profiter de cette opportunité qui m’est offerte pour remercier le personnel de la Caisse qui a parfaitement bien compris le nouvel enjeu de refondation que nous opérons depuis décembre 2021. Ce sont des hommes et des femmes qui, au quotidien et avec dévouement, œuvrent à la crédibilisation de notre Institution en exerçant au mieux le mandat de gestion des cotisations que nous avons reçues de nos assurés et de leurs employeurs.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de gestion du régime de base des travailleurs salariés du secteur privé et du parapublic, quelles sont les réformes que vous avez apportées ?
Naturellement, ces efforts de redressement financier engagés ont permis, sur la base d’une étude actuarielle conduite et réalisée par la Direction de l’Actuariat que nous avons fait créer pour suivre et évaluer la soutenabilité du régime, de revaloriser et mensualiser les pensions de retraite et les allocations familiales versées aux assurés ayant des enfants mineurs à charge.
Les retraites ont ainsi été revalorisées dès octobre 2022 de 70% en moyenne, avec un effort particulier de 120% sur les petites pensions, généralement perçues par les veuves au titre de la réversion aux conjoints survivants. Quant aux allocations familiales, elles ont augmenté de 200% !
L’autre fait marquant est la prise en charge et l’indemnisation des veuves des anciens travailleurs et les retraités de Rusal Friguia. Figurez-vous que ceux-ci n’étaient pas entrés en possession de leurs droits depuis, pour certains, 2013 voire 2012. Ils sont désormais, pour ceux qui en avaient droit, intégrés dans la paie mensuelle des retraites avec un rappel intégral du montant qui leur était dû depuis la date d’effet de leur droit.
D’autres, en raison de critères d’éligibilité, ont perçu un versement unique au titre du capital décès pour secourir les ayants- droit suivants.
Nous ne pouvions pas rester indifférents, ni nous contenter de petits ajustements face à ce drame.
Le gouvernement l’a parfaitement bien compris et nous a apporté tout le soutien nécessaire dans les négociations avec le management de Rusal FRIGUIA et son prestataire : C’est de la dignité humaine dont il s’agit !
Nous avons également, pour l’ensemble du personnel, corrigé une anomalie salariale qui existait depuis 2005 : la valeur monétaire du point d’indice élément de calcul du salaire de base, a été portée à sa valeur légale de 6112 GNF issue de l’accord tripartite gouvernement-Patronat- Mouvement syndical du 07 avril 2022, signé sous l’égide de ministre du Travail et de la fonction publique.
Cet acquis vient compléter d’autres mesures salariales telles que la prime de transport majorée aux lendemains de l’accord.
Quels sont vos projets en cours termes et en perspectives ?
A la CNSS, nous souhaitons davantage nous engager aux côtés de nos assurés sociaux. C’est pourquoi, nous avons inscrit dans notre plan d’action opérationnel et commencé la construction d’unités médicales pour le diagnostic et la chirurgie réparatrice du cœur afin de limiter les évacuations sanitaires à l’étranger souvent coûteuses aux familles et à la Caisse. Il s’agit, là aussi, d’améliorer l’accès au diagnostic médical des populations. C’est pourquoi, nous construisons à Kankan, ville aux confluences de bassins d’emplois, donc de nos assurés, un centre moderne de diagnostic biomédical et d’imagerie médicale. Il est également prévu la construction à Conakry d’un centre d’hémodialyse et d’un centre de chirurgie ambulatoire pour traiter les victimes d’AVC.
Ces investissements responsables soutenus par le Président de la République, Chef de l’État, le Colonel Mamadi DOUMBOUYA, font écho aux missions hautement sociales de notre Institution. Ils montrent, une nouvelle fois, après le redressement financier opéré en 2022, qu’il est possible de concilier performance financière et engagement social basés sur l’attention sincère portée à nos assurés et à la population guinéenne.
Nous avons aussi commencé à décliner notre programme de modernisation opérationnelle basée sur la digitalisation de nos processus métiers. Nous pensons, en effet que la digitalisation constitue un levier indispensable pour améliorer notre performance opérationnelle et la qualité de nos prestations.
Dans la même quête d’efficacité, nous incitons nos assurés à privilégier la perception de leur droit par les moyens de paiement électroniques, le virement bancaire ou la téléphonie mobile.
Nous allons concevoir et lancer la téléprocédure sociale pour faciliter la déclaration et le recouvrement des cotisations sociales au moyen de télépaiement.
Par ailleurs, l’enrôlement biométrique des assurés sera poursuivi et amplifié afin de maîtriser la population assurée et les bénéficiaires.
La diversification des revenus ne sera pas non plus en reste : notre stratégie explorera toutes les options de placements et d’investissements productifs afin de procurer des revenus réguliers à la Caisse qui complèteront les seules cotisations sociales. Il s’agit par exemple des prises de participation de capital, d’investissements dans les titres de créances de l’État…
Enfin, nous allons jeter les fondations solides pour l’extension de la couverture sociale aux agents de l’économie informelle. Ramener, en effet, cette frange importante de la population active sous le parapluie de la protection sociale est un objectif qui nous est assigné. C’est, là aussi, une mission hautement sociale. Car, dans notre société en Guinée, nul ne devrait être laissé pour compte.
Quelle est votre principale mission au cours de cette transition ?
La CNSS, de par ses actions au quotidien, contribue à la refondation de l’Etat. C’est à travers cette composantes qu’elle participe en posant les bases d’une refondation en profondeur au sein de notre institution.
Les missions de la Caisse sont fondamentales : nous avons la tâche ambitieuse de nous occuper de l’humain, du prénatal à la vieillesse en passant par la prise en charge de l’assuré en cas de maladie.
Nous avons une relation de très long terme avec nos assurés. Ainsi, les problématiques de notre institution appellent à une réponse collective et solide pour assurer la pérennité de notre régime de protection sociale dont dépendent plusieurs milliers de personnes. Enfin, il s’agit de replacer l’humain au cœur de la refondation.
DCI