Souleymane Sow sur l’an un du CNRD: ” la culture de l’impunité reste toujours une très grosse préoccupation pour nous…”

À l’occasion du premier anniversaire du CNRD au pouvoir, la rédaction de Guinee114.com est allée à la rencontre de Souleymane Sow, Directeur exécutif d’Amnesty Internationale Guinée pour évoquer la situation des droits humains en Guinée. L’activiste nous a livré une étude comparative non seulement de l’ancien régime à l’actuel mais aussi les premiers mois du Comité National du Rassemblement pour le Développement et les mois récents. Pour lui, plusieurs actes positifs ont été posés aux premiers jours du CNRD. 

 
“C’est vrai qu’à la prise du pouvoir le 05 septembre 2021, nous étions dans une situation complexe avec énorme d’arrestations de militants pro-démocratie, de restrictions de libertés individuelles, une culture d’impunité, c’est dans cette situation qu’est intervenu le 05 septembre. Ce jour, et les jours qui ont suivi, évidemment, il y a eu des discours qui ont rassuré, qui ont donné de l’espoir à tout un peuple. Il y a eu des actes avec notamment, la libération des prisonniers. Lors de la sortie du rapport d’Amnesty ont comptabilisait à peu près quatre cent (400) détenus pro-démocratie à travers le territoire, beaucoup d’entre eux ont été libérés et donc il y a eu une accalmie dans les manifestations. Il y a eu une charte de la transition qui a été présentée au peuple, et dans cette charte on reconnaît le droit international donc qui nous réconfortait mais il y a aussi le fait que dans cette charte, le CNRD et le gouvernement reconnaissent les libertés et s’engagent à respecter les libertés fondamentales. 
 
Nous pouvons noter aussi, l’engagement récent des autorités d’ouvrir le procès des événements du 28 septembre 2009. Si jamais cela se concrétisait, ça serait une autre grande avancée treize ans après”, a t-il énuméré pas sans dénoncer les manquements qui ont caractérisé par après la gestion sous le magistère de l’homme du 05 septembre 2021.
 
 “…Malheureusement, un an après, il y a aujourd’hui, beaucoup d’inquiétudes, beaucoup d’incertitudes. Il y a des décisions qui nous interpellent et qui nous inquiètent énormément. La première a été quand-même cette décision reconduite en novembre 2021, puis reconfirmer en 2022, celle d’interdire toutes les manifestations sur l’ensemble du territoire national jusqu’aux échéances électorales. Ce raccourci de relier toutes les manifestations à des manifestations politiques pose déjà un problème et interdire toutes manifestations est une atteinte très grave aux libertés fondamentales. Et c’est pourquoi à Amnesty on avait sorti un communiqué pour dénoncer cette décision et demander aux autorités guinéennes de revenir sur cette décision. On ne peut continuer à interdire toutes les manifestations et toutes les manifestations ne sont pas politiques. Il peut y avoir des manifestations sociales, des femmes pourraient sortir dans un quartier pour réclamer de l’eau ou de l’électricité, des élèves pourraient réclamer de meilleures conditions d’études, des salariés pourraient réclamer des meilleures conditions de travail…ce sont des formes de réunions pacifiques pour nous et donc des manifestations pacifiques. On ne peut pas interdire toutes les manifestations surtout sur toute l’étendue du territoire. Et à chaque fois qu’une manifestation a été annoncée et qu’elle a été reportée par les autorités, il y a une répression, ça se transforme en une violence inouïe avec malheureusement des cas de morts et des cas de blessés. Les arrestations continuent au même titre qu’il y avait. Les corps des victimes sont encore gardées depuis plusieurs semaines. C’est vrai que le ministre de la Justice avait annoncé que c’est pour des causes d’autopsie mais il va bien falloir communiquer pour situer les parents des victimes pour qu’ils sachent où en est-on, il faut qu’on restitue les corps pour qu’ils puissent faire leur deuil. C’est vrai qu’il y a eu une première manifestation lors de l’augmentation du prix des carburants, un jeune a été tué à Hamdallaye, tout le monde a été agréablement surpris, très réconforté, on a vraiment crû que cette culture d’impunité allait enfin s’arrêter parce qu’on a vu rapidement les autorités se mobiliser, ouvrir une enquête avec des résultats et on a mis main sur des présumés auteurs. Ça prouve quand-même que quand les autorités veulent ils peuvent.
 
Malheureusement, depuis il y a eu d’autres cas de morts, d’autres cas de blessés sans suite. Et donc la culture de l’impunité reste toujours une très grosse préoccupation pour nous même si le procureur d’alors, Alphonse Charles Wright avait annoncé des poursuites sur les crimes de sang qu’il ya eu dans ce pays, malheureusement depuis cette annonce nous ne voyons pas les choses avancées en tout cas nous ne sommes pas informés de l’avancement de ces différents dossiers. Or, nous avons vu le gouvernement et le CNRD ont mis autant de volontés et d’énergie pour lutter contre les crimes économiques, nous aimerions aussi que les autorités puissent mettre autant de volontés et d’énergies pour lutter contre les crimes de sang. Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons: les libertés individuelles sont remises en cause, il ya eu la dissolution du FNDC qui nous préoccupe énormément, nous avons appelé les autorités à revenir sur cette décision, il y a aujourd’hui des inquiétudes par rapport à la liberté de la presse, des journalistes ont été convoqués même si ça n’a pas pu se tenir,  dans un camp militaire, des journalistes ont été brutalisés par des forces de défense et de sécurité. Voilà la situation des droits de l’homme même si le dialogue continue avec les autorités, on a eu un très bon échange avec le ministre de la Sécurité et son cabinet qui avaient un langage très rassurant notamment dans le maintien de l’ordre mais malheureusement on a vu les dernières manifestations qui ont mal tournées. La Guinée est passée à l’examen périodique universel en 2020, il y a eu deux cent treize (213) recommandations acceptées par la Guinée, nous aimerions vraiment que les autorités avancent sur la mise en œuvre de ces recommandations tel que le ministre de la Justice s’était engagée pour l’ouverture d’un centre de veille sur la mise en œuvre de ces recommandations”, a laissé entendre Souleymane Sow, directeur exécutif de Amnesty Internationale Guinée.
 
Sur le cas des prisonniers notamment les anciens dignitaires détenus depuis le mois d’avril 2022, Souleymane Sow dénonce le non respect des lois sur les circonstances d’arrestations, des temps de détentions préventives pour des besoins d’enquête et le non respect du délai de renouvellement de la détention préventive. “À partir du moment où tous ces aspects n’ont pas été respectés, nous tombons dans des détentions illégales ” a conclu Souleymane Sow, directeur exécutif de Amnesty Internationale Guinée.
 
Diop Ramatoulaye 
666-75-16-10 
 

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