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Tibou s’en prend aux avocats: « beaucoup parmi eux semblent se complaire dans des postures médiatiques narcissiques » (Tribune)

Dans un Etat de Droit et une société démocratique, chacun a droit à la parole et peut user de la liberté d’expression. Ce droit inaliénable et cette liberté fondamentale sont des acquis pour tous. On ne peut interdire à personne d’exprimer ses idées et ses opinions, ou de prendre position dans un débat ouvert et public pour dire ce qui va et ce qui reste à faire. Cependant, il ne faut pas espérer l’indifférence devant toute prise de position ou s’attendre à ne jamais être démenti.

Le jugement que le barreau, qui est dans son droit de se prononcer sur les affaires de la justice, a porté sur le fonctionnement de l’institution judiciaire est loin de faire l’unanimité. C’est même devenu un sujet de controverse qui témoigne qu’en Démocratie, personne ne peut avoir le monopole de la vérité, et qu’en matière de Droit, il n’y a pas de dogme ni de certitudes absolues.

Chacun se pose la question du pourquoi de cette sortie. Pourquoi maintenant et à quelles fins ?

L’Ordre national des avocats semble s’insurger contre une Justice qui est sa raison d’être, sa famille et la source de sa légitimité. Avant, c’était à travers les prises de positions isolées de certains de ses membres qu’on sentait les signes de la défiance et le malaise. Cette fois, c’est toute la corporation qui s’engage dans ce qui ressemble bien à une embardée et des actes de rupture. Pourtant, habituellement, tout le corps de la justice se montre solidaire lorsque l’on met en doute son intégrité, ou quand son indépendance  souffre d’entraves. La règle a toujours été que ne parlent de justice que les initiés et les voix autorisées dans un ésotérisme et sectarisme inviolables.

Aussi, les critiques des citoyens sont-elles les malvenues, puisque perçues alors comme un outrage à la justice. Qu’en est-il de celles des avocats, qui demeurent des justiciables aussi?

La sortie des avocats, jugée tardive par certains, inappropriée pour d’autres, faite peut-être malgré eux, les met sur la sellette. Combien d’occasions ont-ils manqué de se faire entendre ? N’ont-ils pas gardé le mutisme devant des faits et événements plus graves que ceux invoqués, parfois des violations qui les interpellaient autant sinon davantage ?

La Guinée a connu des violences meurtrières, des crimes abominables qui ont fortement éprouvé les fondements de l’Etat de Droit, de notre République et de ses lois, et qui ont surtout failli remettre en cause le vivre-ensemble. Quelle voix s’est élevée pour le condamner et s’en indigner ? Y-a-t-il une justice possible dans la violence et la chienlit ? Qui est coupable de toutes les dérives, s’il y en a ou il y en a eu ? Ceux qui s’affranchissent des exigences de la Loi, et voudraient vivre en marge de la société et de ses valeurs, ou l’Etat dont c’est la mission régalienne de défendre le pacte républicain, le contrat social, de protéger la vie des citoyens et leurs biens ?

Les avocats, par ailleurs, ne sont-ils pas les gardiens de la loi et des valeurs de la société dans le sillage de la justice?

Des questions qui méritent d’être posées dans une société d’indignation sélective, oû la loi ne serait faite que pour certains, la justice ne concernerait que d’autres.

La vérité, depuis un certain temps de longue récréation démocratique et de laisser-aller judiciaire, des libertés et des droits indus sont acquis et consacrés dans l’indifférence et la complicité coupables de tous. Le retour à la normalité est vécu comme un abus de pouvoir et une dérive autocratique. Le monde à l’envers !

Quant aux avocats, beaucoup parmi eux semblent se complaîre dans des postures médiatiques narcissiques qui les éloignent du Droit et menacent les intérêts de leurs clients. Aux yeux de nombreux Guinéens, ceux-ci sont devenus plus des icônes médiatiques, des acteurs de la vie politique et des chroniqueurs que des auxiliaires de justice et praticiens scrupuleux du Droit avec une haute conscience professionnelle. ils ont vocation à défendre et excuser, à libérer aussi. Doivent-ils alors plaider la prison, pour quelque raison que ce soit ?

Dans le cas qui nous concerne, en s’attaquant aujourd’hui à une décision qu’il juge illégale du fait de la qualité de celui qui l’a prise, oublient-ils que c’est le même qui a accordé, il y a peu et dans des conditions (illégales ?) similaires, la semi-liberté à des célèbres détenus, y compris celui dont le retour en prison fait tant de bruit ? Pourtant, le fait d’accorder cette semi-liberté avait été saluée jusque dans les rangs du barreau. La remettre en cause ne voudrait-il pas dire alors que ceux qui savourent encore les retrouvailles avec leurs familles respectives devraient tous retourner à la case prison ?

A côté de leurs cris d’orfraie pour dénoncer des dénis de justice pas toujours évidents, il y a un mélange insupportable des genres qui affecte l’interprétation du droit, entame aussi la fiabilité et la rigueur des arguments développés.

Le Droit n’est pas la politique, la politique n’est pas le Droit. Combien sommes-nous à le comprendre et à faire aussi la différence ?

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Tibou Kamara

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